Laurent de Wilde Vincent Peirani, une première pour Ravel
Laurent de Wilde ce soir est en veine de confidence pour évoquer des amours contrariées avec son instrument de travail « Le piano est une drôle de grosse machine. On doit amadouer du bout des doigts une mécanique de 500 kilos. Vous imaginez ? Alors j’éprouve envers lui des sentiments diffus. Contrastés. Contradictoires. Le matin je le hais. Le soir venu je l’aime à nouveau… »
Laurent de Wilde (p), Bruno Rousselet (b), Donald Kontomanou (dm)
Invité: Vincent Peirani (acc)
Festival Ravel, Théâtre Quintaou, Anglet (64600)
Sa connaissance de l’oeuvre autant que son amour pour la dimension de Monk, personnalité humaine et musicien confondus, l’y prédispose sans doute. Pourtant à l’évidence c’est en toute occasion que Laurent de Wilde affiche une maîtrise du rythme. Et lorsque l’occasion lui est enfin donnée d’une rencontre avec un autre expert dans ce domaine, envies et savoir faire s’additionnent à plaisirs « Et oui c’est bien la première fois que nous partageons la scène avec Vincent Peirani. Cela peut paraître bizarre mais il en est ainsi…grâce à l’invitation de Jean François Heisser, pianiste de renom et âme du Festival Ravel, ici sur la terre de naissance du grand compositeur. J’ai fait le choix de revisiter avec lui, avec le trio, des compositions datant de dix, quinze ou..vingt ans, mâtures…» Alors question rythmes quoi de plus judicieux que de partir de l’épreuve du Fleurette africaine de Duke Ellington époque Money Jungle ? Histoire de goûter à plein aux petits décalages savants dont Donald Kontomanou régale avec tact et finesse. Suit un thème intitulé paradoxalement « Le présent « (en date de l’an 2000 !): le batteur y tournant toujours autour de la sésure des barres de mesures tandis que le pianiste cultive la doxa du juste tempo à coup d’accords syncopés marqués des deux mains au centre du clavier. L’accordéon s’y inscrit en petites touches de broderie fine. Le fait rythmique s’est installé comme dans une course de fond menée en peloton bien groupé, chacun dans son rôle, son attribution contrebasse y compris (Bruno Rousselet, compagnon de route de longue date de Laurent de Wilde remplaçait sans problème ce soir là Jérome Regard) Dommage que le son de l’accordéon de Vincent Peirani -lequel, en situation, à l’évidence joue mais écoute aussi beaucoup- ne bénéficie pas toujours d’un juste équilibre question niveau sonore. Cette première rencontre validée dans l’échange, le partage des tâches via l’improvisation trouve une justification s’il en fallait une autre que le hasard d’une invitation le long d’une composition du pianiste écrite à l’occasion de la tournée du spectacle monté avec le comédien Jacques Gamblin, jazz fan s’il en est.
Sometimes blues pris en quartet à part égale livre un contenu jazz qui, dans des traces de blues prends son temps, prends du bon air pour respirer. Le souffle soft des soufflets de l’accordéon venant mine de rien toujours comme en garantie qualité. Sans fracture, tout le long du concert.
Robert Latxague