THREE ROADS HOME : Erdmann, Marguet, Texier, Tchamitchian
Plaisir d’écouter enfin ‘sur le vif’ ce quartette qui avait publié en avril 2018 un disque alléchant. Cela se passait au Triton, près de la Mairie des Lilas.
THREE ROADS HOME
Daniel Erdmann (saxophone ténor), Christophe Marguet (batterie), Henri Texier & Claude Tchamitchian (contrebasses)
Les Lilas, 4 septembre 2019, 20h30
La salle est pleine, et quelques spectateurs sont debout : la soirée décidément suscite (légitimement) curiosité et adhésion. Il faut dire que l’album («Three Roads Home», Das Kapital Records/ l’autre distribution), distillait son pesant d’émois musicaux. On commence bille en tête, plein jazz. Le son du ténor est rauque, on s’emballe collectivement autant qu’individuellement : après le ténor et les deux basses, c’est un break de batterie, au balais, qui dérivera decrescendo vers la coda. Pour le thème suivant le sax opte pour une sonorité moins rugueuse, on est dans un contexte plus fluide, moins anguleux, mais l’urgence de jouer demeure. Un spectateur bruyant clame son enthousiasme à coup d’exhortations anglo-américaines : Come on, Yeah, etc…. Après le quartette, c’est un trio avec Claude Tchamitchian : la pulsation est forte, activée par la grosse caisse qui joue une ligne de tambour amérindien : Henri Texier est auditeur, mais je sens que cette allusion à ces sonorités qu’il a magnifiées dans plusieurs album lui vont droit au cœur. Et là encore c’est un solo de batterie qui conduira, tout en douceur et musicalité, à la coda. Puis on enchaîne, encore en trio, sur une composition de Claude : lyrisme et chaleur expressive, jeu sur les harmoniques, sur un mode mélancolique. Henri Texier est revenu dans le jeu, et l’on poursuit avec une composition de Christophe Marguet : les deux contrebassistes jouent à l’archet, le sax déploie une mélopée qui me fait penser à Pharoah Sanders. Tandis que Texier passe au pizzicato, cela tourne en mélodie celtique : on devine que la barde Henri jubile intérieurement. Pour la compo suivante, Henri poursuit en piz’ tandis que Claude, à l’archet, double la phrase du ténor. Ce qui conduira à un duo des deux bassistes, chacun demeurant sur son mode de jeu initial. On se régale, et c’est le ténor seul qui, doucement, nous conduira vers la note ultime. Puis c’est à nouveau un trio, cette fois avec Henri Texier, qui s’exprime pleinement dans ce que manifestement il adore : dialoguer/soutenir/relancer, dans la tension et l’urgence. Le trio enchaîne avec une compo du ténor, Ornette : là encore la pulsation est vive et la course folle. C’est à ce moment qu’un trublion visiblement un peu bourré (le même qui donnait précédemment de la voix), s’installe devant votre serviteur, lequel est coincé devant le bar, et l’utilise comme dossier : je le prie discrètement de ne pas me prendre pour un meuble. Il m’apostrophe :’Je ne suis pas un jazzeux mais un métalleux‘. Je l’avais remarqué car il ponctuait son enthousiasme de ce petit signe cabalistique des cornes (avec l’index et l’auriculaire) qui marque l’adhésion des amateurs de métal. Le ton monte et, pour ne pas troubler l’écoute (le niveau sonore n’est pas celui d’un concert de métal….), je choisis de quitter les lieux avant la fin (manifestement imminente) du concert. Mais ce con n’aura pas réussi à gâcher ma soirée : c’était un super concert. Merci les gars !
Xavier Prévost