Jazz live
Publié le 19 Jan 2020

Festival SONS d’HIVER : CLAUDIA SOLAL/BENOÎT DELBECQ , et FRED FRITH

D’abord un détour, dans l’après-midi, par la Maison de la Radio, pour saluer Cécile McLorin Salvant, qui joue le soir en duo avec Sullivan Fortner, et Clovis Nicolas, qui présente en première partie son quartette ‘Freedom Suite’

Dans les coulisses, Cécile McLorin Salvant et Sullivan Fortner ont bavardé quelques instants avec Greg Hutchinson, le batteur du groupe de Clovis Nicolas.

Un compte rendu du concert, par les dessins d’Annie-Claire Alvoët et par les mots de Jean-François Mondot, sera mis en ligne très prochainement ici-même.

Après cet intermède parisien, le chroniqueur file vers Vincennes où l’attend son programme de la soirée.

CLAUDIA SOLAL/BENOÎT DELBECQ «HOPETOWN»

Claudia Solal (voix, textes, composition), Benoît Delbecq (piano préparé, composition)

Vincennes, Auditorium Jean-Pierre Miquel, 18 janvier 2020, 20h30

Le duo fête la sortie du disque « Hopetown » (Rogue Art / https://roguart.com ), qui vient de paraître. Il avait fait une prestation remarquée en juin dernier au festival Jazzdor à Berlin. Le dispositif pianistique est celui que cultive Benoît Delbecq : certains registres, ou certaines notes, reçoivent des préparations qui les éloignent des timbres coutumiers. Et aussi, semble-t-il parfois, un excitateur électro-magnétique fait sonner durablement une notre grave, ou un groupe de notes aiguës. Tout ici est mystère : dans le déroulement, comme une cérémonie secrète. Dans la voix, qui chemine du parlé-chanté au chant le plus pur, de la vocalise extrême à l’expressivité la plus hardie. Dans le piano, où le jazz semble croiser Ligeti, Bartók ou les balafons d’Afrique. Il y a des coups de hache et des glissements subreptices, des accalmies et des rebonds. On est constamment tenu en haleine par ce duo qui avance en funambule, sur le fil d’un imaginaire qui se dévoile. C’est assez magique : magie noire, ou magie claire, selon les instants. J’avais écouté le disque avec un immense plaisir et je découvre, sur les mêmes bases, un univers neuf. Absolu bonheur d’écoute.

FRED FRITH «Eye To Ear Ensemble»

Fred Frith (guitare, piano, ordinateur, composition, direction), Zeena Parkins (accordéon, harpe, synthétiseur), Charles Hayward (batterie, mélodica), Xavière Fertin (clarinette basse, clarinette), Tilman Müller (trompette, bugle, piano), Ada Gosling-Pozo (violon), Karoline Höfler (contrebasse), Camille Émaille (percussions)

Vincennes, Auditorium Jean-Pierre Miquel, 18 janvier 2020, 22h

L’ensemble présenté par Fred Frith prolonge les musiques dévoilées par la série des trois albums «Eye To Ear» (Tzadik, 1997, 2004, 2010). Seul-e-s rescapé-e-s des épisodes précédents, la violoniste et le trompettiste. L’effectif est élargi, ce qui offre de multiples possibilités d’interventions, de mélanges de timbres. On parcourt au fil du concert de multiples univers : ici un tango, là un nocturne mi-romantique, mi-futuriste. Puis une sorte de rock, un peu celtique, avant que sur une boucle rythmique surgie de l’ordinateur des jeux de tenues et de timbres n’ouvrent la voie à un dialogue entre violon et guitare. Ambiance irlandaise me semble-t-il, ouvrant un paysage sonore de la nature version instrumentale, avant que piano et violon n’entrent en mélopée. Puis sur un groove emmené par la clarinette basse un envol à l’orientale, mâtiné de mariachi mexicain, et un atterrissage façon klezmer. Il y aura aussi un trio chambriste (clarinette, guitare et contrebasse), progressivement rejoint par tout l’orchestre. Viendra alors, sur une percussion échantillonnée lente et lourde, un dialogue crescendo avec l’orchestre, suivi d’un nocturne évanescent qui débouchera sur une danse encore un peu celte, mais qui succombera à l’érosion free des solistes. Les instrumentistes quittent la scène, un à un, tandis que le fil musical, de plus en plus ténu, se dissout. Rappel insistant du public pour une brève effervescence. Le concert fut une sorte de kaléidoscope généreux et varié, dont la force réside dans la pertinence de l’organisation musicale (une foule d’interventions précises et de rebonds bienvenus) plus que dans une véritable audace créative. Agréable, mais je n’ai pas été remué, comme je le fus précédemment par le duo de Claudia Solal et Benoît Delbecq.

Xavier Pévost

Le lendemain, Fred Frith rencontrait le public sur le thème des musiques pour l’image, avec des projections, au musée d’art contemporain de Val-de-Marne, le Mac Val, à Vitry-sur Seine. Et le jour d’après une session d’écoute, en présence du musicien, autour des influences reçues par lui, se tenait chez le disquaire emblématique des musiques inclassables, Le Souffle Continu (22 rue Gerbier, 75011, Paris).