À l’affiche du 21 mars : Getz, Peterson, Davis et Coltrane à Pleyel
Coronavirus oblige, voici ces pages réduites au silence qui a gagné les salles de concert. Mais un 21 mars sans concert, c’est trop triste. Remontons le temps jusqu’au 21 mars 1960. Ce soir-là, San Getz, Oscar Peterson précédèrent sur la scène de Pleyel le quintette de Miles Davis au sein duquel John Coltrane fit scandale.
Une soirée historique, annoncée par Jazz Hot dans son numéro de février : « Le 21 mars à l’Olympia, le quintette de Miles Davis avec John Coltrane et Winton [sic] Kelly, Oscar Peterson Trio avec Ray Brown et Ed Thigpen, ainsi que le quartette de Stan Getz donneront deux concerts, l’un à 19h30, l’autre à 22h30. Le 29 mars, aux mêmes heures et dans la même salle, le grand orchestre de Count Basie donnera également deux concerts. »
Dans le cadre d’une tournée JATP
Par mesure de confinement, je n’ai pas accès aux archives de Jazz Magazine et ma collection personnelle, en dépit d’acquisitions fréquentes, est encore très lacunaire en deçà des années 1970. Pourtant, il s’agissait d’un concert Europe 1 et retransmis dans l’émission Pour ceux qui aiment le jazz par Frank Tenot et Daniel Filipacchi, les patrons de Jazz Magazine depuis qu’ils l’avaient racheté à Nicole Barclay pour un franc symbolique un an après son premier numéro date de décembre 1954. C’était plus précisément, une tournée JATP (Jazz At The Philharmonic) conçue par Norman Granz. Ces tournées avaient à l’origine pour objet de faire jammer les uns avec les autres sans préoccupation ni de race, ni d’école stylistique. S’il pouvait encore arriver à Granz d’associer Dizzy Gillespie à Roy Eldridge, ou J.J. Johnson à Benny Carter, son premier employeur, il était hors de question de faire jouer ensemble les têtes d’affiche de la tournée du printemps 1960 : Oscar Peterson avec Stan Getz, c’était très envisageable, mais demander ça à Miles Davis n’était même pas imaginable. Or, si l’on se pressait ce soir-là dans le hall de l’Olympia comme ça n’avait plus été le cas depuis Sidney Bechet, c’était bien pour Miles et son quintette, dont il se disait que le saxophoniste, John Coltrane, était sur le départ.
Panique sur la piste d’envol
Et l’on n’avait pas tort. John Coltrane rongeait son frein. Ce qu’avec Miles et Bill Evans il avait touché du doigt sur So What, Flamenco Sketches et Blue In Green un an auparavant, il voulait désormais l’empoigner et le presser jusqu’à la dernière extrémité, à sa manière. Il avait cédé une fois de plus aux exigences de Miles qui craignait ce départ, mais en précisant bien que ce serait la dernière tournée. Dès son retour, il volerait de ses propres ailes. Cannonball Adderley, l’autre saxophoniste de « Kind of Blue » était déjà parti, dépassé par ce que Miles et Trane était en train d’inventer. Curieusement, depuis février, le trompettiste avait sauvegardé le format en sextette, en engageant Buddy Montgomery au vibraphone. Rétrospectivement, on se dit qu’on aurait mieux vu son frère Wes. Huit ans plus tard, lorsque Miles commença à employer des guitaristes, au jeune George Benson embarrassé par le rôle qu’il devait jouer Paraphernalia, ne lui avait-il pas dit : « joue comme Wes ! » Coltrane n’avait-il pas même, dès 1961, tenté d’entraîner Wes dans l’aventure du quintette avec Eric Dolphy. Mais les deux frères avaient en commun une peur panique de l’avion. Et lorsque l’avion emportant le nouveau sextette de Miles Davis vers l’Europe se présenta sur la piste d’envol, Buddy Montgomery piqua une crise de nerf et se fit débarquer. C’était donc un quintette qui atterrit à Orly.
La polémique
On connaît l’histoire : les solos effarants de John Coltrane annonçant l’esthétique de la fuite en avant qui serait la sienne jusqu’à sa mort en 1967, les sifflets et acclamations, l’enthousiasme du batteur Daniel Humair (« Il fera école comme Lester Young et Charlie Parker »), le dépit du vibraphoniste Michel Hausser (« J’ai trouvé laide sa façon de jouer »), la curiosité amusée de Stéphane Grappelli (« la longueur de ses gargarismes »), les excuses de Frank Tenot à la sortie de scène pour l’impolitesse du public français, à quoi John Coltrane répondit d’un air soucieux : « Je crois que je n’ai pas été assez loin ! » Du coup, l’on a oublié, non seulement qu’il y eut deux concerts le même soir, comme c’était la coutume à l’époque, les deux sets de Miles étant respectivement composés comme suit : So What, Fran-dance, Walkin’ conclu par l’indicatif The Theme ; So What, On Green Dolphin Street, All Blues/The Theme. On oublie aussi qu’il fut précédé par Stan Getz et par Oscar Peterson, au grand dépit des fans de Miles qui trouvèrent les sets de leur idole trop courts,.
Les excuses de Norman Granz
Si j’en crois les bribes de comptes rendus dont je dispose, c’est Oscar Peterson qui ouvrit chacun de ces deux concerts, mais rien de ces témoignages ne m’indique duquel des deux concerts il est question. Dans sa collection Live in Paris publiée avec les conseils de Gilles Pétard et où il exploite les archives sonores de Daniel Filipacchi, Michel Brillié a restitué sept morceaux joués par Oscar Peterson ce 21 mars 1960 (« The Oscar Peterson Trio, 1957-1962 » Frémeaux). Après un moment de perplexité du fait d’une coquille dans l’attribution des personnels (le contrebassiste Ray Brown et le batteur Ed Thigpen qui avait pris la place du guitariste Herb Ellis un an auparavant), c’est Norman Granz en personne qui nous éclaire, la plage 5 du premier disque étant sa présentation, dans un français quasi parfait, du concert qui nous intéresse. Répondant aux protestations du public parisien que, visiblement, on a fait attendre au-delà de sa patience, la rumeur ayant couru que le second concert serait écourté : « Mesdames, Messieurs, je m’excuse que le concert est tard, mais nous jouerons le même temps que le première concert. [Applaudissements]. Le concert ce soir a trois parties. La première partie est avec le trio d’Oscar Peterson. Après, le quartette de Stan Getz. Et après le quintette de Miles Davis. Et maintenant, je voudrais vous présenter, le contrebassiste qui est le première de tout le monde du jazz, Ray Brown.[Applaudissements nourris et cris d’un public dont on comprend qu’il saura manifester vigoureusement ses impressions, bonnes ou mauvaises]. À la batterie, Ed Thigpen [nouveaux applaudissement tout aussi nourris]. Et le chef du trio, au piano, Oscar Peterson. »
Oscar Peterson, de velours et d’acier
Les applaudissements se calment, quelques sifflets fusent. De bienvenue ? Il y en aura beaucoup pendant le concert de Miles et l’on aura de la peine et départager ceux des fans de Coltrane de ceux de ses détracteurs. Le pianiste pose un accord en suspens… pour faire taire les impatients et stimuler leur curiosité et leur désir. Résolution en légère anacrouse par rapport à la première blanche de la contrebasse qui se met en mouvement : ornement à l’entrée de la deuxième mesure pour passer en walking bass, une noire sur chaque temps, principe dont Brown s’évade immédiatement (presque à la Scott LaFaro), laissant la responsabilité de l’énoncé du tempo à Thigpen, tandis que Peterson dévoile sous les mises en place en accords la mélodie de The Touch of Your Lips. La contrebasse autour d’elle, alternant les trois manières, two beat, walking bass, variations, et concluant le thème à l’unisson du chef : break de piano jaillissant des starting blocks, et c’est parti pour une série de chorus improvisés sur le tapis qu’installent contrebasse – désormais en walking bass, mais avec un choix de notes auquel on pourrait consacrer toute notre écoute sans s’ennuyer – et batterie. Thigpen a lâché les balais pour les baguettes, fermes mais et délicates, l’after-beat sur la charleston impavide, et ces éparses et discrètes décharges électriques sur la caisse claire qui viennent stimuler le soliste et contribuent à la nature polyrythmique du groove. Soudain, la caisse claire et la grosse caisse haussent le ton, le chorus en cours se terminant dans un roulement qui fait entrer le solo de Peterson dans une nouvelle phase : après le collier de perles en single notes, la massivité des block chords marque le climax de son solo avant de ramener la sérénité du re-exposé. Triomphe.
Ray Brown prend l’archet pour une intro virtuose, lance en pizzicato une sorte de tumbao cubaine, puis revient à l’archet tandis que, sur le tambourinage des mailloches, Peterson caresse la délicieuse mélodie de Dizzy Gillespie Con Alma dont le pianiste et chef d’orchestre saura tirer un long scénario (7’) plein de surprises surgissant de sous ses doigts d’acier et de feutre. Il donnera encore un tendrement vigoureux How About You avant un dernier tour de piste, cette fois-ci sur les chapeaux de roues, 320 à la noire, pour un Wooy’n You hors d’haleine, digne de son auteur, le même Dizzy. Hors d’haleine ? C’est à voir. Quelle décontraction jusqu’au drapeau à damier brandi par Norma Granz sous les acclamations de la foule.
Des problèmes d’anche avec Stan Getz
De la prestation de Stan Getz, je ne dispose que d’une épreuve que Michel Brillié m’avait confiée pour l’aider à identifier un morceau qui s’était avéré être Pernod de Johnny Mandel. Mais quant à savoir duquel des deux concerts il s’agit… Il faudrait appeler Alain Tercinet. Un réflexe mental dont je n’ai pas su me départir depuis sa disparition il y trois ans. Mais comme s’il m’adressait d’on ne sait où un signe amical, voici qu’apparaît sur l’écran de mon ordinateur ce compte rendu de sa plume : « Au sein du quartette de Stan Getz qui partageait l’affiche avec Miles et le trio d’Oscar Peterson, la sérénité ne régnait guère. Installé au Danemark, Stan avait engagé pour la tournée, les trois musiciens scandinaves avec lesquels il venait de graver l’album « At Large ». Sur la scène de l’Olympia, sans que cela n’entache en rien la qualité de ses solos, Getz va se trouver aux prises avec des ennuis d’anche, particulièrement dans Pernod. Une interprétation sur tempo ultra rapide qui répondait aux « objections » d’une salle indisposée par la délicatesse de The Thrill is Gone. Apparemment, les problèmes ne firent que s’aggraver. Au cours d’As Catch Can, une composition de Gerry Mulligan rarement interprétée, ne jouant que parcimonieusement Getz laissa le champ libre à ses accompagnateurs. Le concert terminé, par une de ces foucades dont il était coutumier, Stan congédia sur le champ Daniel Jordan [contrebasse] et William Schiöpffe [batterie] alors qu’ils n’avaient nullement démérité et n’étaient en rien responsables de ses problèmes. »
Les filles à la vanille et les gars au chocolat
Et l’on sait que Stan Getz emprunta la rythmique d’Oscar Peterson pour le restant de la tournée (21 dates en tout de Paris à Oslo, de Milan à Stockholm, avec en Hollande deux concerts le même soir en deux salles différentes), gardant néanmoins à son côté le pianiste suédois Jan Johansson dont il était musicalement très épris. Est-ce à ces problèmes d’anche et sa quasi désertion sur As Catch Can qu’il faut attribuer les huées perçues parmi les applaudissements ? Ou cette observation de Philidor à propos du saxophoniste dans Le Monde « Comme il a l’air de s’ennuyer sur scène. » Pour France-Observateur, Charles Estienne écrivait « Si doux, rêvaient les filles [en ce cas, lorsqu’il joue ce soir-là Summmertime, je me serais volontiers rangé du côté des filles] ; trop doux, s’impatientaient les garçons [aux acclamations desquels je me serais joint pour saluer sa performance sur Pernod] » Dans Combat, Jacques André, qui qualifia Stan Getz de « morne phraseur », rejoignait pourtant l’avis du saxophoniste : « Jamais un drummer étranger nous a paru si plat, si léger, si inconsistant. » On se fera une opinion avec la version en ligne « Jam Sessions – March 21, April 30, November 25 1960 » (Live in Paris sur les plateformes de streaming).
Au tour de Miles
Les garçons voulaient du donc consistant. En troisième partie, ils en auraient pour leur argent. Et pour cette troisième partie avec le quintette de Miles Davis, on dispose des deux concerts depuis l’édition Trema de 1994 « En Concert avec Europe 1 » à laquelle collaborèrent nos amis de Jazz Magazine François-René Simon pour les commentaire, Philippe Carles et Frédéric Goaty pour l’assistance rédactionnelle et iconographique. Ceux qui n’ont pas cette édition se reporteront sur celle de Michel Brillié chez Frémeaux dans la collection Live in Paris « 21 mars – 11 octobre 1960 », les deux éditions regroupant sur 4 CD les concerts de mars avec John Coltrane et ceux d’octobre avec Sonny Stitt. Sans oublier l’édition aujourd’hui de référence « Miles Davis & John Coltrane, the Final Tour, The Bootleg Series, vol.6 » publié en 2018 par Sony, dans un regroupement finalement plus pertinent des concerts parisiens, celui du 24 mars à Cophenhague et des deux concerts de Stokholm du 22.
Faut-il revenir sur les solos de John Coltrane ? C’est trop colossal, alors que la journée est déjà bien avancée et que mon concert du 21 mars n’est toujours pas en ligne. Mes notes d’écoute prises à l’époque où je préparais mon Miles Davis, initiation à l’écoute du jazz moderne paru au Seuil en 1996, me donne envie de revenir sur Miles et sa rythmique (Wynton Kelly, Paul Chambers, Jimmy Cobb), la façon dont il s’approprie l’héritage d’Ahmad Jamal sur All of You qui ouvre le premier concert ; le côté minimaliste de ses tournaround (où, comme il le faisait souvent depuis 1956 en fin de solo, il improvisait en boucle sur les derniers accords du thème) ; la façon dont il répète la même formule sur des variations de timbres, lorsqu’il s’approche du micro après l’exposé de So What par la rythmique, la notoire accélération du tempo depuis son enregistrement un an plus tôt n’affectant en rien son sens de l’espace ; la saleté du son comme si les “gargarismes” de John Coltrane avait déteint sur lui, sans pour autant le déteindre lui ; la relation d’échange avec Cobb et Kelly souvent plus réactifs qu’avec Coltrane, soit que ce dernier les paralyse, soit que les audaces de Coltrane contraigne la rythmique à raccourcir la bride autour de Chambers (encore que la réécoute d’Oleo semble me contredire sur ce point) ; les étirements, compressions et les suspensions des éléments mélodiques dans l’exposé de Bye Bye Blackbird frisant l’abstraction… Ce qui fera dire à Philidor* : « Sur des assises rythmiques solides, il se plaît – comme au reste son coéquipier au saxophone, – à naviguer dans des approximations tonales, déroutantes au début, mais qui finissent par créer une atmosphère trouble, puis capiteuse. » Ce qui n’était pas si mal vu.
Le mot de la fin à Gérard Brémond
Mais évidemment, de ce concert, on gardera surtout en mémoire la lucidité du commentaire dans Jazz Hot de Gérard Brémond, futur président de Pierre et Vacances, et repreneur de TSF Jazz et du Duc des Lombards : « L’aspect le plus fascinant de la musique de John Coltrane, c’est cette recherche acharnée, presque furieuse ; il devient tellement forcené qu’il lui faut absolument dépasser son instrument et le cadre de l’improvisation mélodique, d’où ces sons stridents qu’il projette avec une violence inouïe dans l’aigu. Dès lors, il ne se soucie plus de l’esthétique parce que c’est cela qui est absolument logique et nécessaire. Son improvisation éclate ainsi en un véritable paroxysme musical d’une intensité à peine soutenable. John Coltrane dépasse tout ce qui a été fait jusqu’à présent, et jamais musique de jazz ne fut plus intensément dramatique. » Un commentaire qui vaudra également à l’écoute des nombreuses captations radiophoniques qui furent réalisées tout au long de cette tournée. Franck Bergerot
* Merci au toujours très perspicace Arnaud Merlin qui nous apprend que Philidor était le pseudonynme de Pierre Drouin, ancien chef du service économique du Monde, né en 1921, mort le 6 septembre 2010, et qui avait donc 39 ans lorsqu’il assista à ce concert. Arnaud se souvient même d’avoir déjeuné avec lui avec son père qui le connaissait bien et nous transmet les quelques lignes rédigées à sa mort par Xavier Ternisien dans Le Monde: « …est entré au journal en 1947, après des études de philosophie et un doctorat en droit. Il avait soutenu sa thèse sur « Trois doctrines de l’absolutisme : Machiavel, Hobbes, Bossuet.
Pierre Drouin avait deux passions dans la vie : le journalisme et le jazz. Le fondateur et premier directeur du Monde, Hubert Beuve-Méry, lui donna l’occasion de concilier les deux, en le faisant signer dans l’austère quotidien du soir des critiques consacrées à cette musique qui plaisait tant à la jeunesse d’après guerre. Quitte à faire grincer des dents des confrères plus âgés. En entrant au Monde, le jeune journaliste mettait le pied dans une famille à laquelle il consacrerait quarante ans de sa vie. Outre ses critiques de jazz, qu’il signait du pseudonyme de Philidor, Pierre Drouin a rapidement publié des enquêtes et des reportages portant sur des sujets de société et les questions sociales. L’une d’elles devait faire grand bruit.
Après avoir reçu une lettre d’un ouvrier couvreur de Nanterre, le jeune journaliste, de sensibilité démocrate-chrétienne, a consacré une enquête à la pauvreté, intitulée « Les réprouvés ». Cet article, publié le 22 novembre 1949, qui mettait en évidence la précarité des travailleurs dans la France de la reconstruction, émut les lecteurs. Les chèques envoyés à la rédaction affluèrent. Ce fut l’occasion d’une polémique avec L’Humanité : le quotidien communiste reprochait au Monde d’agir comme un bourgeois distribuant ses bonnes oeuvres…
Quand Le Monde songea à créer un service économique, à la fin des années 1950, le nom de Pierre Drouin s’imposa. Il dirigea ce service de 1961 à 1969. A ce poste, il embaucha les grandes plumes qui de-vaient, au cours des années 1970 et 1980, vulgariser l’économie pour des générations de lecteurs et d’étudiants : Paul Fabra, Gilbert Mathieu, Alain Vernholes, Philippe Simonnot…
Ce petit homme toujours souriant et courtois faisait figure de centriste, entre un Gilbert Mathieu membre du PSU et un Paul Fabra attaché à l’orthodoxie monétariste. Les lecteurs du Monde appréciaient sa prose élégante et limpide, qui rendait compréhensibles les arcanes les plus obscurs de l’économie. Il lança en 1967 le premier supplément hebdomadaire économique et financier du Monde, ancêtre du Monde Economie du lundi. Cet Européen convaincu fut aussi à l’origine d’Europa, supplément conçu en commun par plusieurs quotidiens européens.
Pierre Drouin appartenait à la garde rapprochée d’Hubert Beuve-Méry. Il était de ceux qu’on appelait parfois les « barons ». Dans les années 1950 et 1960, il avait exploré pour son directeur, qui souhaitait transformer Le Monde en entreprise à but non lucratif, les mécanismes des sociétés à participation des salariés. Il était également proche de Jacques Fauvet et fut nommé rédacteur en chef adjoint en 1969, lorsque celui-ci prit les rênes du journal. En 1979, il fut nommé éditorialiste et conseiller de la direction. Il prit sa retraite en 1987. Bon pianiste, l’ancien critique de jazz est resté toute sa vie un mélomane averti. »