Guitaralde: Les idées solo de Jean-Marie Ecay
« Je vais être cash: ce concert là ne devait pas figurer dans la programmation du festival. C’est Mike Stern qui devait s’y coller. Mais vu les circonstances…Je suis donc le remplaçant désigné. Ceci dit jouer en solo est un exercice particulier qui me va aussi. D’ailleurs cela me fait penser qu’il me plairait bien d’enregistrer un disque solo.. » Dont acte M. Jean-Marie Ecay.
Jean Marie Ecay (g)
Rebecca M’Boungou (voc, sanza), Arnaud Estor (g, voc)
Guitaralde, Terrasse Hôtel Sofitel, Espace Bidasoa, Hendaye (64700)
Bon pour commencer autant l’avouer tout de suite. Cela fait du bien de voir un concert en live, avec des musiciens en chair et en os devant les yeux. On pouvait légitimement désespérer un peu…
D’entré Jean Marie Ecay confie lui aussi son plaisir retrouvé en introduction de son concert. Il commence « en mode cool » avec une guitare acoustique. Le son amplifié en douceur diffuse moelleusement ses échos dans l’espace de cette terrasse ensoleillée du complexe thalasso-hotelier de Serge Blanco ancienne star du ballon ovale connu pour ses improvisations géniales sur les terrains du rugby du monde entier. Les improvisations de Jean-Marie Ecay lui, guitariste natif local, sonnent au naturel dans un décor grandiose, montagnes toutes en rondeurs et parfum iodé s’exhalant de la baie de Txingudi, laquelle relie les deux rives sœurs du Pays Basque entre France et Espagne. Symbole parfait que ce thème, Haizean (évocation du vent en euskarra, la langue basque) Ton de notes très pastel, jeu arpégé livré aux nuances « Oui, décidément cette composition perso ira bien sur un disque…figurez vous qu’il paraît que ce vocable sonne étrangement dépassé à ce jour; mais moi je sais ce que cela veut dire…enfin, bon je parle d’unn album solo quoi » Ces gammes de couleurs qui font glisser les notes au fil du tempo, sans coup de force sur les cordes, le guitariste basque se plaît visiblement à les cultiver dans le contexte d’une prestation solo. En accord -c.est le cas de le dire- sans doute avec sa passion pour le surf qu’il avoue pratiquer « par pur plaisir tous jours que je suis ici, chez moi, au bord de l’océan » Ainsi jaillit sous ses doigts une version de Eternal Child de Chick Corea, aux tonalités softs, jeu subtil dans les notes égrenées comme sur les passages d’accords. Voire dans la succession de décalages à propos d’une inspiration née à partir d’un maloya venu de séjours à la Réunion. Les mélodies se croisent alors, éclatantes, en mode solaire. Suit une transition savante dans un boléro rythmé en chaloupements souples par Charlie Haden. Et le concert inattendu, un peu court, se clôt sur un Babylonie Sister de Steely Dan lancé comme un appel a danser, tout de percussions modelé.
Une prestation non prévue au départ, parfois peut laisser apparaître des faces cachées chez un musicien.
Ils se font face sur scène en vis à vis, resserrés à cinquante centimètres du micro. Position singulière à mille lieux des recommandations de la distanciation et autres gestes barrières. Guitare en bandoulière pour lui. Voix sujette aux variations pour elle. Rebecca M’Boungou jamais vraiment ne la force sa voix. Effluves ou courant continu, toujours marquée par un ton clair, elle alterne effet de joie ou de retenue selon le texte mis en musique. Mots lâchés en anglais, français ou en lingala, langue de son Congo natal. Elle berce, elle murmure, elle scande, elle swingue appuyée directement sur les accords de la guitare. Elle petite taille, bouche levée vers le micro. Lui, Arnaud Estor grand échalas, le regard fixé sur son manche. On écoute au départ d’une oreille, quelque peu distrait qui sait par la lumière encore forte dans cet environnement grandiose de terre et de mer, Pourtant sans y paraître, sans besoin de forcer l’attention, la voix, les musiques viennent vous chercher, vous prendre au jeu. Rebecca M’Boungo, sobre, choisit ses mots pour présenter les chansons. Elle évoque les femmes, l’Afrique, le Congo son pays, la marche chaotique du monde. Simplement. Sans pathos excessif. Les musiques jouées accompagnent le discours au plus près. Elles résonnent aussi de ces continents. Sans ancrage définitif, ni dans les genres abordés ni dans les clichés. La force reste dans le travail artisanal du duo, son homogénéité, son alliage de rythmes et de mélodies que l’on retient. Folk, soul, world mélangés. Diffusé simplement en un feeling à feu continu. On souhaiterait parfois un peu plus d’épaisseur instrumentale. Il paraît qu’ils la pratiquent déjà en certaines occasions.
À découvrir.
Robert Latxague