MIRTHA POZZI SOLO
Le concert de sortie du disque «Tzimx» (NowLands / www.mirthapozzi.com), reporté au printemps dernier pour cause de confinement, était prévu le mardi 27 octobre à 21h. Finalement, pour cause de couvre-feu, ce fut la veille, à 18h30. Mais il a eu lieu, comme vous le narre la chronique ci-après
MIRTHA POZZI SOLO
Mirha Pozzi (percussions, objets sonores, voix)
Paris, Comédie Nation, 26 octobre 2020, 18h30
Tout commence par un crissement de tambour, frotté dans le secret des gestes dissimulés par la table où se répandent des dizaines d’objets sonores. Le bruit devient son, le son se fait image dans ce qu’il est convenu d’appeler notre imaginaire, et cette image sonore devient musique. Puis ces sonorités se répandent par un dispositif de diffusion électro-acoustique tandis que d’autres percussions entrent dans la danse.
Des tambours graves et mats, relayés par des résonances et des harmoniques, vont peupler l’espace sonore et composer une sorte de symphonie de timbres.
Mirtha Pozzi rejoint maintenant les congas, et le micro, ponctuant ses gestes percussifs de voix sifflante puis de poésie sonore. Les sons et les mots dansent de concert, rappelant ainsi que la poésie est rythme, qu’elle revendique l’explicite du sens ou qu’elle y échappe.
Tout cela me parle, et je me souviens de l’adolescent que j’étais, au début des années soixante, quand ma sœur aînée, collègue de travail de la femme du poète Henri Chopin, m’offrit des exemplaires de la revue Cinquième saison, ce qui me fit découvrir de nouveaux horizons poétiques. En fin de séquence, Mirtha Pozzi nous montre le texte de Bernard Réquichot qui vient de faire écho à ses percussions.
Retour aux tambours graves derrière la table, et à des sons percutés, puis frottés, vont succéder des sortes de bâtons de pluie : délices de ruissellement, chorégraphie sonore qui va se résoudre quand lesdits objets deviendront à leur tour baguettes ou mailloches sur les peaux des tambours. Puis c’est un triangle, mis en scène dans le paysage sonore, et qui livre son pesant d’inouï, avant qu’une tôle cintrée chante pour nous mieux qu’une scie musicale. C’est là que la percussionniste revient vers sa table à sortilèges sonores, dialoguant par wood-blocks, cymbales et tambours avec les sons électro-acoustiques. Ce sera la fin du concert-spectacle
En rappel, car rappel il y eut, Pablo Cueco rejoint Mirtha Pozzi sur scène. Il exhibe un exemplaire grand format d’un journal trimestriel intitulé Mon Lapin Quotidien, et ils nous offrent un duo en forme de «poème hurlé pour voix grave». Un poème signé Mirtha Pozzi.
Nous nous dispersons, étonnés et ravis, et sur le trottoir (règles sanitaires obligent : le hall du théâtre est minuscule), Pablo Cueco propose à la vente les CD de Mirtha Pozzi, et aussi un livre tête-bêche qu’il vient de publier, livre à quatre mains avec ses textes, mais aussi ceux de son père, le peintre et auteur Henri Cueco, mort en 2017, et dont la fantaisie créative fit merveille naguère dans une très réjouissante émission de France Culture intitulée Des Papous dans la tête.
Le livre s’intitule Double vue (éditions Qupé, https://www.qupe.eu/), et propose des textes de chacun d’entre eux, avec aussi (c’est ce qui explique son titre) leurs narrations respectives d’un même souvenir (‘Vol dans la nuit’ & ‘Le gang des petits vélos’). Encore une belle soirée (ou plutôt un beau début de soirée) avec des sensations, des étonnements et des émois : bref la vie de la musique vraiment vivante !
Xavier Prévost