CHRISTIAN McBRIDE-DAN TEPFER : Concert virtuel en ligne
En ces temps reconfinés le jazzophile, orphelin des festivals, des salles de concerts et des clubs, traque la moindre occasion de réjouir son oreille d’inédit et de spontané. Et ce jour-là, l’occasion n’était pas des moindres : après leur collaboration commune avec Renée Fleming, la première rencontre en duo de Chris McBride et Dan Tepfer. Chacun chez soi : Brooklyn pour le pianiste et à 40 km de là, à Montclair dans le New Jersey, pour le bassiste. Et tout se passe comme s’ils étaient côte à côte, dans la même pièce.
Christian McBride / Dan Tepfer Livestream Concert
Dan Tepfer (piano), Christian McBride (contrebasse)
5 novembre 2020, 15h (heure de New York), 21h (heure de Paris)
Plusieurs centaines d’auditeurs en direct sur Youtube, parmi lesquels le saxophoniste Ben Wendel, le bassiste Massimo Biolcati, le producteur François Zalacain (Sunnyside Records)…. L’ambiance est détendue, les deux musiciens devisent gaiement, avant de commencer le concert en ligne par un thème de Thelonious Monk, Work, qu’ils n’ont jamais joué ensemble. D’entrée de jeu, le ton est donné, on se jette à l’eau, droit devant, en s’écoutant mutuellement, les phrases et les accents rebondissent, le souvenir de Monk affleure sous les doigts du pianiste, et aussi quand le bassiste appuie sur une de ces dissonances jouissives qui sont le charme et la signature du Grand Thelonious. Puis c’est Hindi Hex, une composition du pianiste basée sur les accents rythmiques de la musique indienne. Après Monk, ce déséquilibre ludique est tout indiqué. Grande concentration sur ces rythmes claudicants, qu’ils ont regardés ensemble vingt minutes avant le début du direct, et très vite la musique se libère. Entre deux séquences musicales, les deux musiciens dialoguent (en cas de besoin, cliquez sur l’icône ‘sous-titres’), et cela fait remonter de savoureux souvenirs, par exemple les duos du Bradley’s, un minuscule club New Yorkais fréquenté par les plus grands (en 1982, j’avais eu le plaisir d’y écouter Cedar Walton avec Ron Carter). Les anecdotes courent autour des réflexions faites dans ce club par le public aux musiciens qui ne savent plus quel accord jouer, ou qui oublient le pont dans une structure AABA…. Au fil des plages, des standards, par exemple Never Let Me Go, magnifié par l’exposé qu’en donne le pianiste (de son aveu abordé dans le tempo ultra lent de la version de Shirley Horn -sa préférée, et je partage sa préférence-). Il est très vite soutenu par le bassiste qui ne paraissait pas très sûr, avant de commencer, d’avoir encore en mémoire la grille d’accords. Et puis ce sera Uncle James, jolie valse de Chris McBride, qui l’a dédié à James Williams, et puis Donna Lee, qu’ils avaient joué la veille pour une répétition destinée à faire la balance du direct (répétition mise ligne sur facebook https://www.facebook.com/watch/?v=1076063889493342 ). Tempo d’enfer, unissons de folie, le bop en fête, en somme. Et le concert se poursuit avec Star Beam de McBride,
Converge et Minor Fall de Dan Tepfer), Airegin de Sonny Rollins, et il se conclura par une sorte de blues un peu dévoyé composé par le bassiste : Brother Mister. On peut écouter et réécouter ce concert en ligne via le site www.instantseats.com en suivant ce lien . Il en coûte 5$+1$ de frais : il faut soutenir les artistes en ces temps de pénurie de musique vivante !
Xavier Prévost