Jazz live
Publié le 15 Juil 2021

Rocher de Palmer: Sons d’été en climat Autumn leaves

Patrick Duval boss du Centre Culturel de la rive droite de Bordeaux qui fait référence désormais questions musiques plurielles dans la Métropole girondine avait trouvé la formule : « Faire un festival sur 8 jours en juillet histoire de programmer nombre de concerts que l’on avait dû annuler because Pandémie » Et qu’il voyait bien se dérouler en plein air dans un parc de la ville « Sauf que pour des raisons de sécurité question solidité du parterre la mairie nous a renvoyé dans nos salles » Un mal pour un bien, qui sait un bon karma : les trois premiers jours de concerts ont accueilli un bonus de pluie.

Eric Seva revient pour le rappel « Je vous livre un petit secret. Aujourd’hui ma maman fête ses 80 ans. Nous avons réuni la famille ici à Bordeaux. Je suis issu d’une famille de musiciens. Mon père joue du sax, et mon frère du…washboard, si, si. D’ailleurs il est là avec mon papa, dans la salle. Vous permettez que je l’appelle pour jouer avec nous sur un morceau ? Une musique appropriée vous allez voir, en cadeau pour ma mère » Et voilà le quartet newlook lancé dans un thème à haut tempo, avec en figure de proue cette drôle de planche métal bosselée sous les doigts coiffés de dés à coudre du frangin Seva qui ne s’en laisse pas compter…Happy birthday !

Atrisma : Vincent Vinet (keyb), Hugo Raducanu (dm), Johary Rakotondramasy (g)

Eric Truffaz (tp), Benoit Corboz (p, keyb), Marcelo Giuliani ( elb), Tao Erlich (dm)

Sons d’été, Le Rocher de Palmer, 12 juillet, Cenon (33150)

 

Atrisma: Vincent Vilnet (p)

Ils sont les locaux de l’étape. Ils avouent une émotion certaine à se voir là sur cette scène reconnue de la métropole bordelaise suite à une résidence, ici même au « Rocher » Ils n’entrent pas moins dans leur musique sans prélude. Le clavier électrique s’affiche d’entrée en figure de proue. En place centrale dans le jeu.  Histoire d’installer un mouvement de circularité en dominante. Car le trio se lie le long de lignes musicales en courbes successives, illustration d’un travail nourri d’influences tirées des différents courants de musiques répétitives. Le plus singulier vient sans doute de la résonance des tambours et cymbales. La batterie souligne le rythme, accentuant dans le même temps les gammes de couleurs. La guitare complète le travail harmonique et mélodique surtout, en notes tenues dans le registre aigu, ou frappées sur les cordes basse. Altrisma garde au total une sonorité d’ensemble très claire. Un effet singulier, identitaire de la part de ce trio bordelais. Une marque certaine d’originalité en tous cas dans le monde des musiques improvisées.

 

Eric Truffaz (tp)

Eric Truffaz est un habitué de la scène bordelaise. Il y a son public, ses fidèles venus, pour ceux qui sont restés dans la capitale girondine,  pour sa marque de fabrique en cette période de vacances. Sous des spots tempérés on le reconnaît d’entrée de jeu au delà de sa silhouette longiligne et chapeautée tant le trompettiste suisse s’y entend à insuffler de l’espace dans sa musique. Il choisit ses notes, il les place, les déplace en douceur dans une sorte de minimalisme qui rechercherait la clarté du propos. Au piano électrique, au synthé surtout,

 

Benoit Corboz, synthés mode Zawinul

Benoit Combaz, complice de longue date enveloppe ses grappes en grains isolés dans des nappes harmoniques tantôt larges, tantôt serrées. De là un effet de contraste, de relief créé. Il y a là malice à créer des climats en noir ou blanc qu’on trouvait autrefois propres à Joe Zawinul dans ses pérégrinations de jazz fusion sous la fée électricité. En mode rebonds et échos très funk dans leurs effets de volume autant que de rythme, le jeune batteur qui a récemment rejoint Truffaz joue lui beaucoup sur le son des caisses, le style percussion des tambours. Un effet déclencheur de danse qu’exprime d’ailleurs corporellement le trompettiste dans des pas chaloupés (Istanbul Tango) Eric Truffaz, justement, il faut y revenir. Manière d’économie de notes: sa trompette ne sonne jamais en redite. Il cherche à mettre la mélodie en coupe. Et la découpe de traits nets. Il utilise l’écho, la réverbération du son, oui, au besoin. Pourtant dans le tuyau de cuivre, le pavillon, au sortir des pistons on sent toujours la volonté du contrôle. Et s’il faut lâcher l’eau du barrage en bout du lac suisse, ce sera en douceur et profondeur, dans le courant de (jolies) ballades (deux ce soir ) livrées en duo avec un piano complice apaisant.

 

Truffaz, notes choisies, montées…

Feeling garanti.

 

 

Marco Mezquida (p), Martin Meléndez Aleix Tobias (dm, perc)

Eric Seva (ts, ss), Kevin Révérend (elb), Jean-Luc Di Fraya (dm, voc)

Sons d’été, Le Rocher de Palmer, 13 juillet, Cenon (33150)

 

Martin Meléndez (cello), Aleix Tobías (perc)

Déjà le violoncelliste figure un spectacle son et gestuelle à lui tout seul. Sur-vitaminé question expression, en mode basse ou cello, en pizzicato ou en accords, en frottis sur les cordes ou en traits d’archets. Martin Meléndez, jeune cubain de Barcelona attire autant l’oeil que l’oreille. Le temps d’un motif type refrain -répété ad lib- d’une chanson ((Carpe Diem) le trio, poussé par les frappes du tambourin s’investit à fond dans une danse endiablée. En ce sens Talismán, trio singulier dans son essence instrumentale -et titre du dernier album du pianiste natif de l’île baléare de Menorca– figure un peu un catalogue à la Prévert. Du piment et du sucre, de la fougue à l’apaisement.

 

Marco Mezquida, inspiré

Témoin cette longue intro posée par Marco Mezquida en  langueurs et pointes d’un titre composé en Argentine (Alfajar) objet d’une expressivité intense, de nuances prononcées. Ou ce thème valorisé en rythmes accentués quelque part entre rag time et boogie. On l’a vu en piano solo, en duo face à une guitare flamenca. On l’a déjà écouté confronté et créatif dans une re-visite de la musique de Ravel. Il a face au clavier une facilité certaine. Un fort savoir faire. Quel que soit le contexte le pianiste installé à Barcelone fait preuve d’originalité. Ici, pour ce projet Talisman porté à la scène le focus est mis sur l’interaction, l’échange, un élan partagé volontairement teinté d’une pincée de lyrisme.

 

Mezquida de Menorca, piano debout

Marco Mezquida s’est déjà fait un nom sur les scènes de l’Espagne. Avis aux programmateurs de l’hexagone.

 

Seva, sax ténor

Eric Seva lui aussi se plait à changer de registre. Instrumental ou en matière de domaine musical, carrément. Triple Roots (son dernier album paru fin d’année passée mais pandémie oblige..) le porte également en trio. La scène (retrouvée) vaut confirmation: chacun des musiciens y apporte en bagage accompagné ses caractéristiques propres. Le saxophoniste possède une son qui sent le souffle. Eric Seva aime à chatoyer la mélodie.

 

Jean-Luc Di Fraya, batteur qui vocalise

Jean-Luc Di Fraya, lui, vocalise en dédoublement des accents transmis par sa batterie, fûts et cymbales (domaine de prédilection) compris. Il utilise ainsi beaucoup ses mains à nu en recherche de frappes ciblées chair sans chichi, source d’une sonorité originale.

 

Kevin Reveyrand, en accords parfaits

Kevin Réveyrand donne volontiers dans des accords de basse arpégés sur les cordes aiguës notamment, comme autant de têtes de chapitre à lire avec attention -on pense en guise de clin d’oeil à la voie tracée par un certain Steve Swallow…. Expression musicale fondue  à trois plutôt que trois expressions parallèles. De fait il faut un certain culot pour s’afficher ainsi en trio autour d’un sax placé en armature, sans l’apport harmonique habituel plus-plus d’un piano et d’une guitare.

 

Triple roots sax au pluriel

Et de surcroît Seva y va droit, met du grain dans la colonne d’air. Bref le sax de Marmande y met du sien. Y met du sens à la fin des fins pour avoir composé en conséquence. Reste à tourner plus la formule en live pour…en mettre davantage encore.
Beau pari.

 

séance washboard pour la fratrie Seva

Robert Latxague