Fanny Ménégoz: fin de résidence avec Rafaël Koerner
Après son quartette mercredi dernier et un duo chorégraphique jeudi, la flûtiste Fanny Ménégoz terminait hier 10 septembre sa résidence à l’Atelier du Plateau en partenariat avec Jazz à La Villette, en présentant Dune, le duo très rodé qu’elle partage avec le batteur Rafaël Koerner.
Retrouvailles près bar, à l’arrivée du trompettiste Andrew Crocker et du saxophoniste Julien Soro, les anciens de Ping Machine dont Rafaël Koerner fut le batteur dès la première mouture de l’orchestre qui s’est dissout lorsque son chef, Fred Maurin, a été nommé directeur artistique de l’Orchestre national de jazz. Soro et Koerner sont restés des réguliers de l’aventure ONJ où les a rejoints Fanny Ménégoz sur le programme « jeune public » Dracula et sur celui en préparation autour de la musique de Steve Lehmann qui les fait frémir de désir. Une belle édition que cette édition de l’ONJ, hélas frappée de plein fouet par la pandémie, la grosse machinerie qu’elle constitue résistant mal à la politique d’annulation et de report, ainsi qu’aux impératifs de distanciation sociale. Et lorsque l’on songe que les intervenants sur la musique sur chaîne culturelle nationale doivent penser qu’ONJ est le sigle d’un Ordre national de jardiniers, on n’est pas sorti de l’auberge.
Dune, le duo Ménégoz-Koerner, on s’en doute, s’en est mieux sorti. Outre une proximité facilitée, tous deux ont découvert cet été le charme des concerts à domicile, face à de petites jauges, dans l’intimité d’un jardin familial ou d’un salon. Et si Rafaël Koerner reconnaît une certain effort de rétention du son face à la flûte, il en ressort néanmoins une décontraction, une souplesse et une douceur qui caractérise leur duo. Douceur n’est pas miévrerie. Fanny Ménégoz sait faire sonner la flûte, la faire crier à l’occasion, en altérer le son par quelque partie vocale ajoutée, ou quelque harmonique. Elle sait renouveler les contours d’un mode à l’infini, connaît l’art de la dérive, se fixe parfois sur un ostinato qui lâche la bride sur le cou de son comparse. Surtout, sur ce répertoire très prémédité, tous deux savent jouer l’un avec l’autre, l’un de l’autre, comme deux roues dentées mues par un même engrenage, une qualité qui culmine lors de leur rappel sur une composition de John Hollenbeck. Car si le répertoire est en partie original, et si, comme deux jours plus tôt, me viennent des réminiscences peut-être un rien pavloviennes qui sont celles de ma génération (Don Cherry-Ed Blackwell et, certes plus récente, Nicole Mitchell-Hamid Drake), le duo a ses propres références et convoque des compositeurs qui ne sont pas anodins : le regretté Thomas Chapin (mort en 1998… Rafaël et Fanny ne devaient pas être bien vieux), Ralph Alessi ou, sur le nouvel (et premier) album de Dune « Voyage au creux d’un arbre » qui sort chez NeuKlang, Benoît Delbecq. Un duo qui a bon goût. Franck Bergerot