David Lescot fait cause commune avec les jazzmen
Au New Morning, David Lescot, entouré de la fine fleur des jazzmen et jazzwomen français, a célébré la Commune.
David Lescot (voix, textes, conception), Mike Ladd (spoken Words), Elise Caron (chant), Géraldine Laurent (sax alto), Emmanuel Bex (orgue), Simon Goubert (batterie), New Morning, Mercredi 8 septembre 2021
Il y a 150 ans, la Commune. David Lescot a écrit une sorte d’opéra sur cet événement en s’entourant de jazzmen. Le résultat : de l’énergie, du souffle, de l’émotion. La musique est grandiose, et on apprend des trucs.
David Lescot incarne tout au début du spectacle un anonyme immergé dans les débuts de la Commune. Les mots se bousculent dans sa bouche, comme les événements se précipitaient cent cinquante ans plus tôt. David Lescot invente un débit bien à lui pour raconter le tourbillon. Ce n’est pas du rap, ce n’est pas du slam. C’est une parole à la scansion nerveuse mais souple. Et qui brûle d’énergie.
Ensuite le spectacle se présente comme une suite de tableaux jalonnant le déroulement chronologique de la Commune (seulement 72 jours, rappelons-le). Les mots sont portés tantôt par David Lescot (très beau passage sur les revendications sociales de la Commune, le moratoire sur les loyers, l’échelonnement des échéances commerciales, tant de choses dont on se souvient si peu) tantôt par Mike Ladd, en Anglais, avec une scansion différente de celle de David Lescot. En Anglais ? Mais oui. Etonnant au départ, mais cela marche bien, car cela rend compte de la dimension universelle des événements (d’ailleurs des révolutionnaires de toutes les nationalités participent aux combats).
A certains moments, on passe des mots au chant, avec Elise Caron, qui chante-incarne les grandes figures féminines de la Commune. On sait que les femmes jouèrent un rôle essentiel dans la Commune, au-delà de la figure de Louise Michel. Plusieurs chansons magnifiques sont consacrées à celles qu’on qualifia parfois de « pétroleuses » (il existe un beau livre de la grande historienne Edith Thomas sur le sujet, où elle raconte que les « pétroleuses » n’ont pas existé, le terme a été forgé pour jeter l’opprobre sur toutes les femmes qui avaient pris les armes).
Elisabeth Dmitrieff, née en Russie, fut l’une des grandes figures de la Commune. Une chanson lui est consacrée. Elle décline sa fiche d’identité judiciaire. Une idée forte et simple, qui fonctionne magnifiquement. La voix d’Elise Caron, souple come une liane, va chercher des aigus comme on cueille des cerises.
Et les jazzmen, dans tout ça ? Ils sont en feu. Géraldine Laurent accompagne les mots de David Lescot ou Mike Ladd avec des petits contre-points fanfaresques. Vers la fin du spectacle, elle a plus de place pour s’exprimer, et fait entendre ce lyrisme et cette intensité qui la rendent absolument unique. En duo avec le batteur Simon Goubert, elle bouleverse.
Quant à la section rythmique, elle porte le spectacle. Simon Goubert (batterie) et Emmanuel Bex (orgue) c’est dynamite plus nitroglycérine. Deux fous, deux fauves. Bex a des accompagnements incroyables : son orgue semble gémir, hurler, ricaner, frémir, vociférer. Il est aussi le compositeur des musiques des chansons qu’interprète Elise Caron. Ces musiques sortent de l’ordinaire, elles ont des harmonies étranges, envoûtantes, des sauts de registre inhabituels, sans jamais perdre en émotion. Bref, une réussite totale.
Texte : JF Mondot
Photos : Christophe Raynaud de Lage