Les Émouvantes, troisième soir : fusions en tous genres avec Jacky Molard, François Corneloup, David Chevallier et quelques autres …
Fusion acoustique avec le nouveau quartette du violoniste Jacky Molard (violon) et le sax baryton François Corneloup (plus la clarinettiste Catherine Delaunay et le violoncelliste Vincent Courtois). Remontée dans le temps avec David Chevallier au théorbe, la chanteuse lyrique Anne Magouët et leurs amis (pré)baroqueux.
Remontons le temps nous aussi en commençant par la fin de cette troisième soirée, avec le programme “Emotional Landscapes”: David Chevallier (théorbe, guitare baroque, compositions et arrangements). Anne Magouët (voix soprano, violon alto), Judith Pacquier (cornet à bouquin, flûtes à bec), Abel Rohrbach (sacqueboute basse), Volny Hostiou (saqueboute basse), Martin Bauer (dessus et basse de viole), Keyvan Chemirani (zart, daf). Précisant que cet ensemble a choisi pour répertoire les chansons de l’Islandaise Björk, j’ai déjà beaucoup dit, sachant que pour le reste, ce programme m’a plongé dans un grand embarras. Ne serait-ce pour la raison que je suis très ignorant de l’œuvre de Björk et que, tout en les ayant fréquentées, je n’ai jamais conçu une grande appétence pour ces musiques de cour auxquelles renvoient les instruments et le parti pris retenu par David Chevallier. Un point de vue évidemment non partagé par les spectateurs qui, à en croire leur chaleureux rappel, ont soit renouvelé le plaisir que leur procurent les versions originales de la chanteuse-autrice-compositrice, soit ont trouvé là une excellente porte d’accès à son œuvre. Point de vue que ne partageait pas non plus mon camarade Xavier Prévost qui donna dans ces pages un compte rendu très enthousiaste du concert de la même formation entendue en octobre 2018 au Sunnyside Festival de Reims.
Illustration: Sur la lande de Saint-Yves © X.Deher (Fictional Cover)
Pour ma part je n’y ai trouvé mon compte qu’avec la plus sobrement traitée de ces chansons, Pneumonia où je me suis enfin laissé toucher par le talent indisuctable de la soprano Anne Magouët (une habituée de longue date de ces expériences transversales avec Alban Darche, Marc Ducret, Laurent Dehors ou Dominique Pifarély). Mais aussi pour les combinaisons de timbres que David Chevallier sait mettre en valeur entre ces beaux instruments que sont le saqueboute, le cornet à bouquin et le serpent. Tellement séduit qu’on aimerait, par-delà les limites de leur nature diatonique, les entendre dans un contexte moins suranné.
Illustration: Girolles © X.Deher (Fictional Cover)
Tout est une question de point de vue. Et peut-être que d’autres spectateurs auront trouvé tout aussi suranné le plinn (danse traditionnelle bretonne) qui a conclu le concert de début de soirée, une nouveau quartette imaginé par Jacky Molard, formé à l’école des fest-noz… (mais pas que) et François Corneloup, ici au seul sax baryton. Mais tout ici m’a paru résider dans l’élan dont est capable cette musique sur les grooves de Corneloup qui sont tout à la fois ancrage et envol, et dans cette capacité de Jacky Molard à glisser dans hiatus entre sa culture bretonne et celles qu’il a investies – irlandaise et balkanique en premier lieu – toutes transcendées, même lorsqu’il y est fait référence de manière explicite (marche, jig, gwerz, plinn…), par une écriture souple et vive, où l’improvisation semble pouvoir entrer à tous moments, individuelle ou collective, cadrée ou bride sur le cou, reposant sur des vocabulaires puissants dont l’addition boisée (roseau, ébène, pernambouc, érable et sycomore), encore toute neuve, aura été le “son” le plus irrésistible de cette édition 2021 des Émouvantes, pour moi qui n’en ai vu que deux soirées sur quatre, la quatrième accueillant ce soir, au Conservatoire Pierre Barbizet de Marseille, le duo sax-accordéon Christophe Monniot-Didier Ithursarry (à 19h) et le Caravaggio Quartet (Benjamin De La Fuente-Samuel Sighicelli-Bruno Chevillon-Éric Échampard)(21h). Franck Bergerot