Fondation BNP Paribas : 25 ans de Jazz au Trianon
Le chroniqueur n’est pas vraiment un coureur de cocktails et autres manifestations promotionnelles. Mais, comme il l’avait fait deux jours plus tôt pour la proclamation des Victoires du Jazz (voir sur ce même site en suivant ce lien), il tenait à assister à cette soirée d’anniversaire de l’action de BNP Paribas en faveur du jazz, soirée donnée au profit de la Fondation Abbé Pierre. Entre autres raisons parce qu’il avait, au cours de ses activités de radioteur (France Musique, festival de Radio France, Concerts Jazz sur le Vif….) présenté sur scène et/ou à l’antenne la plupart des artistes soutenus au cours de ces 25 années par la Fondation, ce qui constituait pour lui une convergence de bon aloi. Et le chroniqueur doit avouer le plaisir que lui fit cette soirée, pas seulement pour la rencontre avec les ami.e.s artistes et professionnel(le)s-de-la-profession, mais aussi pour la musique qui s’y donna généreusement.
Le raout (comme disaient les banquiers au temps de Balzac, formule reprise par Proust dans ses Pastiches et mélanges), le raout donc se tenait dans la belle salle du Trianon, boulevard Rochechouart. Pas un raout en fait (même s’il y eut un cocktail pour les happy few), mais un vrai concert pour lequel un public nombreux avait payé sa place, et qui sera diffusé le lendemain sur France Musique. C’est d’ailleurs l’Ami Alex Dutilh qui présentait cette soirée, captée en faux direct. Le programme est particulier, car il associe des artistes qui ont été accompagnés à un moment de leur carrière par la Fondation BNP Paribas, et qui se trouvent ce soir associés à des partenaires qui ne leur sont pas forcément habituels.
Dans les coursives du théâtre, près du foyer-bar, de grands panneaux affichent quelques réflexions sur le jazz émises par les artistes (ci-dessus celle attribuée à Nina Simone).
Fondation BNP Paribas, 25 ans de Jazz
Paris, Le Trianon, 7 octobre 2021, 20h
Le concert commence par un duo presque chambriste entre Airelle Besson à la trompette et Thomas Enhco au piano, sur Peace, thème d’Horace Silver choisi comme un symbole. Puis c’est un septette qui joue Duke Ellington’s Sound of Love de Charles Mingus, arrangé par Sylvain Beuf, au ténor.
Olivier Temime est au second ténor, Pierre Bertrand au baryton (c’est lui qui a organisé le programme musical), Nicolas Folmer à la trompette, Stéphane Huchard à la batterie, Jacques Vidal à la contrebasse, et au piano c’est Manuel Rocheman (le premier lauréat de la Fondation voici 25 ans) qui remplace Sophia Domancich, initialement prévue. Sophia fait partie des absents excusés, tout comme Simon Goubert, Cécile McLorin Salvant, Dan Tepfer, Tigran Hamasyan, Jean-Pierre Como…. Tous se sont manifestés pour exprimer leur adhésion de cœur à cette soirée. Puis c’est un duo, entre Paul Lay au piano et Laurent Coulondre à l’orgue, sur Portrait in Black and White (aussi connu sous les titres de Zingaro ou Retrato Em Branco e Preto) de Tom Jobim. Échange vif, et plutôt inspiré. Cap ensuite sur Le temps de cerises, en quintette
Nicolas Folmer signe l’arrangement. Il est entouré de Stéphane Guillaume, Laurent Coulondre, Jacques Vidal et Julien Charlet. Puis Laurent Cugny, en trio, entouré de Christophe Wallemme et Stéphane Huchard, joue son arrangement de What A Wonderful World. Moment de recueillement, avant l’ouragan d’un duo de pianos Baptiste Trotignon-Thomas Enhco. En hommage à Chick Corea, récemment disparu, le choix s’est porté sur Matrix, extrait du disque-chef-d’œuvre «Now He Sings, Now He Sobs» (1968). Le duo est rejoint par François et Louis Moutin. L’effervescence va croître encore avec ces deux attiseurs de braises. Dommage que la sonorisation connaisse sa seule faiblesse de la soirée : la basse sous-mixée alors que le dialogue est intense. On va rester en compagnie des frères Moutin, cette fois avec Paul Lay, dans La chanson pour l’Auvergnat de Brassens.
Les deux frères chantent, avant que le trio ne soit rejoint par Airelle Besson, Stéphane Guillaume, et le violoniste Régis Huby. Vif succès pour clore cette première partie.
Après l’entracte c’est au tour d’Ablaye Cissoko d’occuper la scène. Il était prévu en duo avec Sophia Domancich, ce sera un solo (kora et voix). Nouvelle atmosphère, intensité et recueillement. Puis un quintette va jouer Mount Harissa, extrait de la Far East Suite de Duke Ellington et Billy Strayhorn : Pierre Bertrand, qui a signé l’arrangement, est à la flûte alto puis au sax soprano ; il est entouré d’Anne Paceo, Christophe Wallemme, Manuel Rocheman et Régis Huby. Sur un tuilage entre You Taught My Heart to Sing, de McCoy Tyner, et Voyage, de Kenny Barron, nous aurons ensuite de fiévreux échanges entre Baptiste Trotignon, François Moutin (cette fois on entend bien la basse!), Stéphane Huchard, Pierrick Pédron et Sylvain Beuf. Ce sera ensuite à nouveau un thème de McCoy, Search for Peace, joué par ‘The Volunteered Slaves’ (Olivier Temime, Emmanuel Bex, Emmanuel Duprey, Akim Bournane & Julien Charlet), seul groupe à avoir été collectivement lauréat de la Fondation BNP Paribas, alors que les autres lauréats étaient des individuels dont la fondation soutenait les projets de configurations diverses. Le groupe recevait le renfort de Nicolas Folmer, Stéphane Guillaume, Pierre Bertrand, Pierrick Pédron & Sylvain Beuf.
Louis Winsberg arrive ensuite sur scène, et Stéphane Huchard le rejoint au cajón pour Je m’suis fait tout petit de Brassens (c’est bientôt le centenaire!), qui va tourner en une Marseillaise fortement rénovée, et le tout va s’enchaîner avec un énorme tutti (les susnommés, plus Murat Özturk au piano électrique) dans un autre extrait de la Far East Suite, toujours dans un arrangement de Pierre Bertrand.
C’était le dernier morceau, mais il y eut, comme d’usage, une apothéose finale : Mardi Gras in New Orleans, joué par toutes et tous. Deux pianos, un orgue et un piano électrique pour 7 pianistes : ils se sont relayés….
On a aussi entendu des pianistes, bassistes et autres instrumentistes se joindre à l’orchestre avec des cloches, maracas et autres accessoires…. Bref un joyeux bordel qui nous rappelait, si nécessaire, que la musique est aussi une fête. Une belle manière de saluer le travail effectué depuis des années par Jean-Jacques Goron et ses équipes en soutien des artistes de jazz, et aussi de quelques festivals.
Xavier Prévost
Concert diffusé sur France Musique le 8 octobre 2021 de 18h à 20h dans l’émission ‘Open Jazz’
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