KEVIN NORWOOD QUARTET au Petit Duc d’Aix-en-Provence
KEVIN NORWOOD QUARTET
Concert de Sortie du CD 5 Novembre 2021 au Petit Duc DUC d’Aix en Provence
LABEL ONDE / DISTRIBUTION INOUÏE Distribution
Production Le PETIT DUC/ EDITION CLEF DE SCENE
Kevin Norwood: chant, compositions/Rémi Plotin: piano, claviers et arrangements électroniques/Sam Favreau : contrebasse/Cedrick Bec : Batterie, pad spd et électroniques
TEASER Hope | Kevin Norwood Quartet | Le Petit Duc
5 novembre 2021 à 20h30n public- Le Petit Duc – Aix en Provence (13) 2 showcases le 5 novembre diffusés en clair www.lepetitduc.net à 12h pour le continent asiatique et à minuit pour le continent américain.
A venir : 7 décembre 2021- Salon de Musique – Salon de Provence (13)
On est heureux de pouvoir annoncer le retour de la quinzième édition de l’opération Jazz sur la Ville, la précédente édition ayant été brutalement interrompue par la pandémie.
Une cinquantaine d’événements dans une vingtaine de lieux de la région SUD, plus de 200 artistes du 2 novembre au 5 décembre. http://www.jazzsurlaville.org
Mieux vaut abondance que pénurie, mais en ce vendredi 5 novembre, l’offre locale est alléchante avec deux concerts notables, le trio du contrebassiste Avishaï Cohen à Charlie Jazz de Vitrolles et le quartet du chanteur Kevin Norwood au Petit Duc d’Aix en Provence. Deux lieux aimés dont la programmation complémentaire est à suivre de près.
Le Petit Duc est un lieu propice au rapprochement avec le public et sa vocation est d’ accueillir les artistes émergents. Le concert du quartet de Kevin Norwood est le résultat d’un long compagnonnage. Après avoir programmé ces dernières années le quartet du chanteur, Myriam Daups et Gérard Dahan, directeur artistique du Petit Duc ont suivi le nouveau projet du chanteur, d’où une résidence fin 2018 jusqu’à la création en mars 2019 du programme. En dépit de la crise sanitaire, des concerts ont pu être donnés mais le véritable événement, c’est aujourd’hui avec la sortie attendue du deuxième CD Hope. Le quartet se livre d’ailleurs à un marathon avec deux showcases à midi et à minuit avec interviews pour l’Asie et l’Amérique, décalage horaire oblige.
Kevin Norwood Quartet | Un accompagnement depuis plus de 3 ans (lepetitduc.net)
KEVIN NORWOOD: une voix singulière et passionnée
L’émotion est palpable quand le concert commence et que Myriam, la voix du chat, entre autre, présente le concert, aboutissement de ce travail en collaboration avec le Petit Duc.
C’est la voix, source d’inspiration et de propositions chantées qui prédomine, avec les textes de Kevin Norwood écrits en anglais-il est bilingue- et nul doute que l’anglais est plus musical quand il est porté par un groupe de jazz. Curieusement ce n’est pas la qualité particulière des mots, pourtant recherchés que retient l’écoute, tant ils sont enveloppés de la chair de la voix, dans ce grain qui demande toute attention. Quelque chose en lui accroche assurément, je le sais puisque j’ai découvert ce chanteur et son quartet en 2015 sur son premier CD Reborn, sorti sur le label indépendant et exigeant de l’Ajmi Series. Adoubé par David Linx, Kevin Norwood apparaissait comme une nouvelle voix dans le jazz vocal, masculin qui plus est, moins encombré que le féminin par des révélations toujours plus sensationnelles qui …ne durent pas longtemps. Six ans après, le groupe et son leader sont toujours là, il est touchant de voir un artiste chercher encore et toujours, donner une inflexion nouvelle à sa carrière, en explorant de nouvelles textures et couleurs avec le pianiste Rémi Ploton, authentique sound designer
qui rejoint la fidèle et impeccable paire rythmique constituée de Cédrick Bec et Sam Favreau.
Le moins que l’on puisse dire est que l’album ne s’ouvre pas sur un message réconfortant. Les désordres du coeur, le désarroi de l’âme troublent le ciel du chanteur, l’orage zèbre souvent son horizon, mais cette traversée mouvementée conduira à bon port, à un havre de paix et de réconciliation. Quelque chose de la soul power irrigue son chant, scandé comme un flow, sa plainte n’est jamais trop appuyée. Cette musique d’une sophistication certaine accompagne une énergie inépuisable. Il arrive à rendre la dramaturgie des histoires qu’il conte avec exaltation, dans une transe parfois débridée.
La voix a des modulations et des inflexions très personnelles, particulièrement grave et sûre dans cette reprise sous influence, du tube “Both sides now” de la Dame de Laurel Canyon, Joni Mitchell qui ne choisit jamais, hésita entre pop, folk et jazz. Non que Kevin Norwood adopte ses clairs aigus, au contraire, il semble baisser d’un ton dans sa version pour en dire plus, pour moduler son émotion au moment de servir des paroles toujours bouleversantes.
Survient alors un retour de flamme et ce n’est sans doute pas un hasard si l’espoir renaît vers la fin de l’album avec la chanson « Hope » qui lui donne son titre. La dernière composition est particulièrement enlevée : ce “Beloved Nature” galvanisant finit par l’emporter avec des effets qui font changer de climats, suivant l’ascenseur émotionnel qu’emprunte le chanteur. Si message il y a, il célèbre la nature, la vie, conseille d’aimer tant qu’il en est encore temps, de nous réjouir de ce qui nous est donné tant que nous sommes encore là. Quelque chose d’attachant dans ses évidences simplement formulées!
Imaginatif dans ses envolées comme dans ses habillages, il ne sait pas toujours quelle veine choisir, « les frontières ne sont pas éludées », on passe, comme d’une strate temporelle à une autre, d’un genre à l’autre, dans un souci d’ouverture. Il investit une pop folk qu’il a beaucoup écoutée, celle des Jeff Buckley, Peter Gabriel qu’il vénère et a imités avec passion dans son apprentissage d’autodidacte du chant, avoue-t-il. Il joue aussi de ses doigts pour visualiser,” conscientiser” les schémas chromatiques, rappelant alors furieusement le Joe Cocker de Woodstock. Kevin Norwood a une façon très particulière de scater, parfois sans chercher à faire des “vocalese”, dans une langue à lui mais il sait aussi imiter le saxophone qu’il connaît bien, puisqu’il lui a ouvert le champ des possibles du jazz. Si le chant a pris le dessus dans son parcours artistique, sa formation initiale de soufflant lui fait utiliser sa voix comme un instrument, se servant de son appui vocal et de sa “colonne d’air” travaillée. Quand il chante le jazz, il swingue volontiers, plus enraciné à présent dans le terreau de cette musique avec ce nouveau quartet dont l’ approche acoustique s’enrichit d’effets électroniques. Il ne se protège pas derrière le répertoire des standards, j’aimerais pourtant l’entendre revisiter ceux-ci. En un sens, “Both Sides Now” en est un qui imprime la ligne générale de l’album, façonné avec soin autour de huit titres. Et “Hope” qui suit “Both Sides Now” pourrait parfaitement devenir un standard, une ballade, a foggy lullaby qui laisse son fredon en bouche et dans l’oreille.
Cette musique fluide, sans aspérité trop apparente, qui n’est pas lisse pour autant, est d’une grande cohérence, portée par les musiciens qui l’entourent. Leurs solos prennent naturellement place dans le cours du set, sur un rythme lancinant dans un percutant “Shadows and Light- nécessité vitale du jeu d’ombres et de lumières dans la musique. Sur “Anaïs” et “Ballade à deux”, c’est son ami Sam Favreau avec lequel il joue depuis douze ans déjà qui prend la main, avec ce boisé rond et chaud, enveloppant d’une contrebasse qui respire d’aise.
Le groupe a la partie belle sur la longue mélopée “Beloved nature” où Kevin Norwood passe de l’emportement à la douceur dans un scat qui balance les mots, des gargouillis de sons au rythme effréné du cliquetis des baguettes.
Avec Cedric Bec, merveilleux coloriste, ils se livreront à une improvisation effrénée, une danse duelle qui n’est pas sur l’album, un cadeau de ce live, vraiment vivant qui s’empare du moment, se donnant tous les droits, y compris celui d’ écarts extrêmes. C’est toujours la même rengaine, l’album donne un juste aperçu de cette interaction mais si le show case de midi auquel j’ai assisté le suivait sur quelques titres, le concert redistribue la donne pour le plus grand plaisir du public. Un dialogue véritable, une communion réelle s’établit avec le pianiste empathique et rigoureux, qui épouse tout au long des huit chansons les regrets mais aussi les espoirs de cet exubérant mélancolique. Ils savent accorder leur imaginaire musical en somme. Sur “Released”, dédié à un ami migrant Gabonais, l’équipe technique formidable du Petit Duc s’en donne à coeur joie, avec des effets colorés dignes des Pink Floyd de la grande époque, des flous vaporeux dans lesquels on a envie de se fondre, une ambiance onirique comme en suspension, nimbée d’échos, soulignée par les effets électro des autres comparses.
Des sons bizarres sont rajoutés, fragments de bande-son de dialogues, de choeurs plus ou moins angéliques. Un équilibre se développe, l’espace circule librement entre le trio piano/basse/ batterie, classique en jazz, qui déplie sa partie, répond, relance, s’appuie sur la voix ou au contraire la soutient. Une force de groupe, irréfutable, une interaction souple mais constante, parfois expérimentale, toujours chaleureuse. S’ensuit une musicalité particulière. un mouvement permanent, une sorte de vertige frissonnant!
Kevin Norwood arrive à rester naturel dans les phrasés les plus recherchés, en accord avec sa voix “chaudement haut perchée” -on ne saurait dire mieux que David Linx, à qui on peut faire confiance en la matière- l’aisance de ses graves cuivrés, jusqu’à des aigus irréels. Franck Bergerot dans les notes de pochette évoquait “la précision de ce chant de brume”. J’avoue que je résistais à ces sauts, pourtant jamais forcés dans les aigus, en voix de tête, à cette voix troublante, souvent ambiguë et même affectée, ne flattant pas toujours mon oreille, habituée à des timbres résolument plus “classiques”, de crooner, style aujourd’hui décrié mais qui pourrait convenir à ce crooner évolué, post-moderne en somme. A tel point que j’ai beaucoup écouté son premier album puis celui-ci, tout en tension, ces arrangements qui soulignent cette voix étrange, ardente et nerveuse tour à tour, entrecoupée de surprises et de césures rythmiques. Kevin Norwood détache les mots en sculptant les syllabes, étire ou brusque au contraire les phrases qui déboulent alors, précipitant le tempo, distillant des nuances incessantes qui déplacent la ligne du chant.
Tout en prenant le temps, on assiste au long de ses compositions à son exploration de l’essentiel au travail, à savoir le souffle, l’anima qui guide sa recherche. Le chanteur souhaite faire entendre la musique du coeur, jouant sur l’alternance de passages fougueux et d’autres plus tendrement mélodiques. Il joue ce qui est écrit et aussi ce qui ne l’est pas, il chante sa vie, recomposant sa mélodie dans l’instant à partir d’un cadre fixé au départ par l’écriture. Pourquoi ne pas reconnaître la grâce toute simple si malaisée à obtenir, de ces mélodies sensibles, sans sensiblerie?
Sophie Chambon