D’Jazz Nevers Festival, c’est ce soir
Ce soir 6 novembre, 18h30, le D’jazz Nevers Festival ouvre ses portes (et ce jusqu’au samedi 13 au soir) avec le nouveau quartette de Jacky Molard et François Corneloup. Ça tombe bien, c’est pour eux que je viens de monter dans le train. Mais aussi pour la suite…
Je suis dans le train pour Clermont-Ferrand, premier arrêt à Nevers. Il faudra que je n’oublie pas de descendre. Je lis Tandis que j’agonise de Faulkner que j’ai commencé dans le RER. Je suis monté presque au bout du quai à Gare de Lyon – si je n’avais pas jeté un coup d’œil à mon billet au moment de descendre, j’aurais pris la ligne 14 pour me rendre à Paris-Bercy, d’où partent beaucoup de trains vers Nevers. J’aime la Gare Paris-Bercy. Ça ne ressemble à rien de ce que peut être une gare parisienne. On se croirait déjà en Province. Certains confrères renonceraient presque à D’jazz Nevers par dégoût pour la Gare Paris-Bercy. Alors que je suis presque déçu de me retrouver Gare de Lyon. Heureusement, le bout du quai, c’est déjà presque Paris-Bercy. Je suis en voiture 15, dans un vrai wagon, avec couloirs et compartiments On les a un peu redessinés depuis mon enfance, il y a même la wifi, un code QR pour consulter la carte de restauration à la place et un petit garçon qui regarde un film sur sa tablette que le père menace de lui confisquer s’il ne baisse pas le son, parce qu’il gêne le monsieur qui lit Tandis que j’agonise de William Faulkner dans le même compartiment. Il paraît que c’est très snob de lire William Faulkner dans le RER et plus encore dans un train pour Clermont-Ferrand.
En lisant le programme de D’Jazz Nevers, j’ai vu que j’allais voir demain Oakland, le spectacle imaginé par le violoncelliste Vincent Courtois et le comédien Pierre Baux d’après Martin Eden de Jack London (avec l’autre voix de John Greaves), puis beaucoup d’autres choses au cours de la semaine, notamment, mardi, My Mother Is a Fish conçu par la contrebassiste Sarah Murcia d’après Tandis que j’agonise de Faulkner.
Il y a un an, j’avais interrompu ma lecture de La Recherche du temps perdu pour m’attaquer à James Joyce avant la recréation par l’ONJ d’Anna Livia Plurabelle d’après Joyce. Il paraît que c’est très snob d’enchaîner la lecture de Joyce à celle de Proust. C’était surtout très ambitieux pour un esprit aussi peu agile que le mien. Avant de reprendre la Recherche, je me suis autorisé quelques lectures plus récentes, plus rapides, plus brèves, de celles qu’on lit dans les trains, voire qu’on achète dans les gares. Et je viens d’interrompre, non sans regret, le merveilleux petit livre sur Jacques Anquetil de Paul Fournel. Quand je l’ai commandé à mon libraire, je lui ai demandé Anquetil de Fournel. Il m’a repris en prenant commande : « Anquetil tout seul ». « Oui, ce sera tout. » ai-je confirmé. C’est en commençant la lecture que j’ai réalisé que Anquetil tout seul était le titre complet. Bien que ça valle bien des Médicis et des Goncourt et que ça pouvait se conclure le temps d’un Paris-Nevers, en voyant le projet de Sarah Murcia dans le programme de Nevers, j’ai attrapé au vol sur mes étagères Tandis que j’agonise dans le Volume 1 des œuvres romanesques de Faulkner dans La Pléiade pour le mettre dans ma valise déjà difficile à fermer. Ça, c’est pas snob, c’est con, lorsque j’aurais pu me contenter d’un poche pouvant justement tenir dans une poche. Mais je n’avais pas le choix, je n’avais qu’une heure dix devant moi pour attraper mon train. Et puis je m’étais dit que revoir My Mother Is a Fish, en étant une nouvelle fois invité, privilège qui suppose quelque devoir, m’obligeait à mettre le nez dans l’original. Et voici, j’y suis, dans mon compartiment, le nez dans mes pages. Pas sûr que je parvienne au bout d’ici mardi, ni même d’ici le 13 novembre, pour le final de ce festival (le trio Paolo Fresu-Omar Sosa-Trilok Gurtu) qui compte près de 30 concerts, des plus légers aux plus denses, pour tous les publics. Mon projet est un peu déraisonnable. Mais qu’est-ce qui ne l’est pas ? Je pourrais aussi poursuivre ma lecture jusqu’en voie de garage à Clermont-Ferrand. Je la reprends donc… Franck Bergerot