L’Astrada : « Dix ans et toutes ses dents »
Un assez « incroyable » projet
Il y a une bonne quinzaine d’années Jean-Louis Guilhaumon, Président de l’Association organisatrice de JIM (et maire de la commune), a imaginé un scénario assez incroyable (invraisemblable même pensèrent certains…) : un projet culturel de territoire en milieu rural. Projet très ambitieux, destiné à être « abrité » dans une belle et confortable salle pluridisciplinaire, bien équipée et proposant spectacles et activités tout au long de l’année.
Pugnace, infatigable, grand connaisseur des « rouages » administratifs et politiques, dénicheur hors-pair de subventions publiques, J.L. Guilhaumon monta de main de maître pendant plusieurs années le dossier (volumineux !) du projet. Et dénicha, patiemment et de haute lutte, les financements adéquats…
La salle à construire fut baptisée, belle idée, l’Astrada (la destinée en occitan).
La pose de la première pierre le 18 décembre 2009 avait marqué le lancement du chantier, qui s’est achevé en avril 2011. Seize mois de travaux pour construire cet étonnant bâtiment de 1450 m2, situé tout près de la grande place de la bastide gersoise.
« Pluie » de labels…
L’Astrada après moult démarches complexes fut labellisé à différents niveaux : par l’Etat comme Pôle d’Excellence Rurale, par la région Midi-Pyrénées comme Grand Projet de Pays et enfin par le département du Gers comme Pôle de rayonnement départemental !
Rien que çà !
Puis dans la foulée le Ministère de la Culture décida que l’Astrada serait aussi la première scène conventionnée d’intérêt national pour le jazz en milieu rural.
Enfin, l’Astrada est devenu en janvier 2017 un Établissement Public de Coopération Culturelle à caractère industriel et commercial (EPCC dans la « langue des sigles »!) dont les membres sont l’Etat, la Région Occitanie, le Département du Gers et la Communauté de Communes Bastides et Vallons du Gers. Ses missions: « jazz et création pluridisciplinaire », « art en territoire »…
L’Astrada n’est pas uniquement un lieu de diffusion. Le projet va bien au-delà en intégrant dans ses missions la création, la formation des professionnels et des amateurs, la mise en place d’un programme d’action artistique et culturelle, la valorisation des mémoires du jazz et la consolidation de la filière jazz à l’échelle régionale : un lieu de transmission et de partage.
Fanny Pagès : Madame la Directrice
Fanny Pagès a été nommée en 2017 à la tête de l’Astrada et… dès octobre 2019 elle obtient la Victoire du Jazz de Programmatrice de l’année !
Ce trophée récompense « une ligne artistique engagée et un projet porté en milieu rural qui, à l’image du jazz actuel, brave les frontières et les styles. Les choix artistiques de Fanny Pagès mettent en avant les talents de demain, les projets alternatifs incontournables, parfois inclassables, et donnent une place de choix aux femmes ». Les grands axes de sa direction artistique sont bien affirmés : programmation exigeante et de qualité tournée essentiellement vers la création actuelle, une politique de résidences de création renforcée et l’éducation artistique et culturelle, accueil de compagnies en résidence, projets avec des établissements scolaires…
En moins de deux ans donc, F.Pagès a fait de son institution une référence dans la diffusion du jazz et du spectacle vivant. Reconnue par le public local, régional, national et international mais aussi par le milieu des professionnels. Le magazine Elle (qui parle rarement de jazz, pourtant) l’a classée dans les 15 « women » incontournables de l’Occitanie!
Le bel été 2021
En 2021 l’équipe de Jazz in Marciac, et celle de l’Astrada, de manière très volontariste (et risquée) ont fait le pari en 2021 de « conjurer » le sort.
Fi du virus donc ! Une programmation d’une durée à peine plus courte que d’habitude fut mise en place.
Avec sous le grand chapiteau de plus de 6000 places installé sur le terrain de rugby des plateaux avec des têtes d’affiche « blockbusters », qui attirèrent de larges auditoires. Comme, entre autres, l’incontournable I.Maalouf bien sûr (idolâtré ici comme ailleurs), mais aussi T.Dutronc, R.Fonseca, Parisien/Peirani et le superbe projet Michel Portal MP85.
L’Astrada, avec ses modestes (tout est relatif!) 550 places confortables, à l’acoustique superbe, proposa, sur la même période, un mini-festival sur 11 soirées avec 23 groupes à l’affiche. Mix habile de talents émergents et de grands noms du jazz « vif » et créatif. La critique spécialisée (les fameux « jazz critics ») unanime a dit le plus grand bien de cette programmation étonnante à plus d’un titre. Le public fut lui aussi au rendez-vous.
Pas étonnant. Pour preuves: Eve Risser, Erik Truffaz, Julien Touery (un ancien élève des classes jazz du collège marciacais), Naissam Jalal, Etienne Manchon (lauréat de nombreux tremplins jazz), Laura Perrudin, Avishai Cohen, Airelle Besson, le PJ5 de Paul Jarret, Géraldine Laurent, Daniel Zimmerman, Claudia Solal/Benjamin Moussay, David Lynx, Etienne Mbappé, Sophie Alour… Entre autres. Incroyable panorama hors des sentiers battus…
Quelques uns de ces concerts présentaient le résultat de résidences accueillies à l’Astrada.
Les rencontres pros de juillet
Pendant 3 jours fin juillet l’Astrada a organisé des rencontres professionnelles, en partenariat avec AJC-Jazz migration et Occijazz. Rencontres sous titrées « Focus sur l’émergence » : table ronde, speed meeting et concerts découvertes.
Thématique centrale de ces journées : le soutien à la création, à la diffusion et à l’accompagnement des talents émergents dans le monde du jazz.
« Faire du jazz aujourd’hui ! Devenir musicien.ne professionnel.le.. Artistes, diffuseurs, enseignants, institutions, comment travaillent-ils ensemble ? Quels parcours, quels ressorts ? ». Toutes ces questions furent longuement et amplement débattues lors d’une table ronde passionnante.
Les cursus de formations professionnelles des musiciens de jazz (notamment en région) mises en perspective avec les possibilités d’être programmés dans des concerts et festivals ont notamment été évoquées.
Ayant assisté à cette table ronde j’ai pris conscience qu’en tant que jazz fan et jazz critic, en écoutant un concert, je ne me posais quasiment jamais quelques questions pourtant fondamentales : «Comment ces jeunes musiciens sur scène face à moi sont-ils arrivés, enfin, à se produire devant le public ? Quel incroyable parcours du combattant a été le leur ? Quels ont été leurs interlocuteurs tout au long de leurs parcours ? Quelles institutions et /ou associations les ont aidé ? »…
Belle idée que cette table ronde: de très nombreux acteurs de la « filière » jazz (pour le dire vite) ont témoigné en évoquant difficultés (bien sûr) mais aussi soutiens (divers et variés) potentiels de nombreux acteurs du PJF (Paysage Jazzistique Français!).
La saison 2021/2022
L’équipe de l’Astrada a fêté récemment son dixième anniversaire lors d’une soirée de présentation de sa nouvelle saison : pluridisciplinaire et inventive, où, comme il se doit, bien sûr, le jazz est présent et bien présent.
Premier concert jazz pour 2021/22 : samedi 13 novembre avec le pianiste Shai Maestro en quartet pour son projet Human (qui vient de sortir sur ECM).
Suivront Cecile Mclorin, Sélène Saint-Aimé, l’étonnant projet Initiative H (qui fête aussi ses 10 ans), Antonio Lizana (le jazz et le flamenco vraiment ensemble). Mention spéciale pour la présentation, le 26 mars 2022, de l’incroyable projet de la flamboyante Leïla Martial (encore une ancienne élève des classes jazz du collège de Marciac) : ÄkÄ. Une rencontre vraiment inédite et surprenante entre l’univers des chants et percussions pygmées du Congo et l’imaginaire florissant de Leïla Martial et de ses amis. Un film relatant cette rencontre est en préparation. Un teaser peut être, d’ores et déjà, visionné ici : https://www.youtube.com/watch?v=NPMrJJHnOvw.
Pierre-Henri Ardonceau
Les dates et affiches du programme complet de la saison sont consultables sur: https://lastrada-marciac.fr/agenda