Daniel Erdmann – Christophe Marguet Quartet : Pronto !
Concert de sortie disque « Pronto ! » au Triton hier 4 février, par le quartette de Daniel Erdmann (ts) et Christophe Marguet (batterie) avec Bruno Angelini (piano) et Hélène Labarrière (contrebasse).
C’est très exactement la tracklist de ce nouveau disque qui nous est donné, dans cet ordre, alternant compositions de l’un et l’autre des deux leaders, la grâce de l’instant en plus, dans un esprit très « jazz », le recul de ces 20 premières années de XXIe siècle en plus… imaginez, il y a un siècle, le jeune altiste des Jazz Hounds de Mamie Smith ne savait pas encore qu’il serait le « père du saxophone ténor », Hawk, le grand Coleman Hawkins. Daniel Erdmann vient de là, et contrairement à beaucoup de ses contemporains, ça s’entend encore, même si quelques puissants intermédiaires s’interposent entre lui et ce premier modèle : Ben Webster, Paul Gonsalves, Archie Shepp, Dewey Redman, Heinz Sauer… Avec quelque chose dans l’attitude qui viendrait du jump, du rock, de la new wave, une dégaine, une gestuelle à quoi il serait dommage de s’arrêter, sauf à prendre là en compte un humour distant, un imaginaire qui l’habite depuis qu’on fit sa connaissance au sein du trio Das Kapital (Hasse Poulsen / Edward Perraud).
Mais à vrai dire, autour de cette grande silhouette, c’est un groupe qui s’impose, par le son collectif, la qualité précise des arrangements, des scénarios serait-on tenté de dire, leur dramatisation. Ça raconte ! Le co-leader et compositeur de la moitié du répertoire, Christophe Marguet, que j’ai pourtant entendu des dizaines de fois, me captive particulièrement par l’intensité de son jeu et cependant un volume sonore admirablement équilibré – assis au plus près de sa batterie, je n’ai pas sorti mes protections dont je suis désormais prompt à protéger mes oreilles –, dans une interaction permanente avec le phrasé du ténor (notamment sur cette espèce de pas de deux rubato qu’il partage aux mailloches avec Erdmann sur Elevation) et main dans la main avec sa plus proche partenaire, Hélène Labarrière… et l’on se souvient parfois qu’elle fit ses classes au Petit Opportun et lui à la Huchette, au siècle dernier, un héritage sur lequel leurs histoires personnelles sont venues déposer mille sédiments… mais dans les moments les plus swing, cette batterie, cette libre polyrythmie ride-caisse-claire-charleston-grosse caisse me rappelle Roy Haynes (lorsque les notes de pochettes de Francis Marmande, peut-être avec raison, plus de raison ou peut-être d’autres raisons, renvoient à Ed Blackwell). Bruno Angelini, ne cédant rien à son goût pour l’abstraction, groove avec le reste de l’orchestre, du miroitement harmonique au déferlement, en passant par l’esquisse mélodique et ces grands cheminements de la main droite dans l’esprit ornetto-jarettien.
Je reprenais hier soir métro et RER en cherchant mes mots, je feuillette ce matin au tombé du lit mes notes comme d’habitude illisibles et faute de mieux, je mets un point presque final à cette chronique, juste le temps de dire que je réapparaitrai dans ces pages samedi prochain, 12 février et le lendemain, à propos de l’Arrosoir de Chalon-sur-Saône où j’assisterai au deux tiers d’un week end très spécial commencé le 11 avec le Laurent Dehors Trio. Assis à mes côtés hier soir, Bruno Ducret m’envie et me confie combien il aime cette salle et son acoustique. À bientôt donc en Bourgogne… Franck Bergerot