Orthez: Paul Lay live en son école de musique
“C’est non sans une certaine émotion que je reviens dans cette école de musique, rénovée certes mais qui reste mon école. C’est ici que j’ai étudié le piano, avec un prof Didier Datcharry, lequel au surplus m’a transmis sa passion du jazz. Et je suis ravi que certains jeunes élèves soient venus assister à la répétition. Permettez moi également de dédier ce concert maison à quelqu’un qui a accompagné le début de ma carrière: Jacques Canet. À propos j’ai su que le festival Jazz Naturel qui a existé par et avec lui va disparaître avec son départ. Dommage vraiment. J’espère cependant que la musique, le jazz en premier lieu va pouvoir continuer à irriguer les saisons culturelles d’Orthez, ma ville natale”
Paul Lay (p), Simon Tailleu (b), Cynthia Abraham (dm)
Auditorium de l’École de Musique, Orthez (64300)
Ce soir il s’agit bel et bien sur scène d’une première pour Cynthia Abraham appelée à remplacer Isabel Sorling : “Dans l’urgence certes, mais elle a beaucoup bossé pour cela, chez elle d’abord avec moultes écoutes de l’album puis chez moi avec le piano une journée durant” justifie Paul Lay dans les loges avant d’entrer en scène. Constat de fait : aucun saut de chaine pour autant durant le concert. Au contraire, on la voit, on la sent se plonger de plein pied, de pleine voix dans le fil musical du projet Deep Rvers.
Nantie de beaucoup de naturel, d’une sorte de douceur prégnante. Dotée d’un art singulier du tutti bien placé dans le registre du grand aigu en particulier -éclaté au besoin par des effets de chambre d’ écho (Southern Soldier Boy) Elle imprègne ainsi de la nuance dans les intensités du vocal forte du soutien des balancement d’accords clairs du piano (Follow the drinking gourd ), des coups d’archers de la basse ductile de Simon Tailleu.
Plus ectiligne en rapport au travail effervescent d’Isabelle Sorling, plus « classiquement » jazz singer au féminin, Cynthia Abraham assume une gestuelle scénique légère dans laquelle tout passe par le filtre colorisant de la voix (Deep Rivers) Ainsi, entre piano blues et voix au phrasé gospel se marque le feeling sombre d’un ressenti lourd, mortifère des soldats dans les tranchées. Surgit alors en résonnance juste les mots du poème d’un jeune américain mort à 17 ans à Verdun (To Germany) Pur esprit poétique pour sûr, transmis aux notes en profondeur tant on sent dans le climat établi, via la scansion, l’élan donné, les images du deuil absurde instillées par le rythme.
Paul Lay lui demeure fidèle à son propos. Son piano livre du jazz des sources d’hier pour rebondir in fine jusque à ses lignes de fuite d’aujourd’hui. Dans un souci de valoriser l’improvisation, toujours. Laquelle pratique en vient à éclater volontairement la métrique des temps fixés pour déboucher en mode clin d’œil sur une bonne séquence rag time (Maple leaf rag) boostée par le travail précis de la basse “Ce thème de Scott Joplin méritait un arrangement spécial ou plutôt un vrai dérangement…” explique-t-Il un brin pince sans rire au public béarnais quelque peu égaré, lui, dans l’explosion des barres de mesure pour avoir enclenché très tôt des battements de mains avec empressement. L’intro de la basse marquée par beaucoup de relief via accords claqués et pics d’harmoniques lance enfin un Glory glory Halleluja dans les règles du genre cette fois. Cynthia Abraham est tout à son aise dans le registre gospel. L’audience va désormais tout sourire, réconciliée avec la rigueur du rythme binaire. Ces orthéziens aficionados de jazz refusent de porter le deuil d’un festival de jazz.
L’Ecole de Musique de Paul, ce soir, à rempli sa tâche.
Robert Latxague