L’œuvre écrite de Michael Mantler
En mai 2021 dernier, nous vous annoncions la parution du premier volume des œuvres principales de Michael Mantler, selon une conception que dans le monde classique on nomme « urtext », à savoir l’édition des partitions révisées par un ou des musicologues dans le respect le plus scrupuleux du manuscrit et de ses repentirs ou versions alternatives, le plus souvent accompagnées de fac-similés des manuscrits et d’un appareil critique. La vertu de la présente édition consiste dans le fait que, cette fois, c’est le musicien lui-même qui a revu ses partitions, ici publiées avec fac-similés le plus souvent (jusqu’à ce que le compositeur se soit mis à rédiger son texte musical sur l’ordinateur, avec pour conséquence la disparition d’un manuscrit au sens traditionnel du mot) et d’un texte de présentation de chaque volume par Richard Williams, un musicographe rédigeant ou ayant rédigé pour le compte de Melody Maker, le Times (de Londres), le Guardian ou encore Down Beat.
Ce mois d’avril 2022, Michael Mantler a mis un point final à son entreprise en mettant à la disposition des musiciens et des chercheurs son cinquième et dernier volume. Après le volume 2 consacré aux pièces élaborées à partir de textes d’auteurs (Beckett, Soupault, Meister, Auster, Ungaretti), le troisième dédié aux concertos et à des suites réalisées à partir de corpus d’albums, et un quatrième plus hétéroclite (Alien pour trompette et synthétiseur, une symphonie pour orchestre, et For Two, une série de 18 duos pour guitare électrique et piano), cet ultime opuscule rassemble les œuvres dont Michael Mantler a créé paroles et musiques (The School of Understanding de 1997 et Comment c’est de 2017). L’ensemble ainsi organisé représente au total pas moins de 25 œuvres pour presque 1200 pages de musique qui incarnent, par sa sélection même par l’auteur, la quintessence d’une production qui s’étale sur plus d’un demi-siècle (1964-2019).
Celle-ci a été conçue par un musicien de formation d’abord écrite, mais influencé de manière plus ou moins consciente dans sa méthode tout autant par l’écoute des disques de jazz et de musiques contemporaines, et qui de ce fait échappe aux « règles » et habitus de la musique écrite occidentale. Quoi qu’écrite, elle s’appuie donc sur des manières de penser la musique toutes spécifiques qui, perceptibles à l’écoute des enregistrements, ressortent d’autant mieux lorsqu’on accompagne cette audition de la lecture des partitions.
À l’aide de cette édition monumentale, on pourra dorénavant savourer un peu plus les saveurs et les richesses singulières de cette musique sans équivalent qui combine parties fixes, improvisation libre ou non, mélodie de timbre et/ou aléatoire contrôlé. Une somme à explorer en long en large et en travers distribuée par ECM, l’éditeur des albums correspondants à l’ensemble des partitions. En complément, on trouvera une somme d’informations sur le site du musicien.
Ludovic Florin