Wolfgang Reisinger a rendu ses baguettes
Connu pour son travail au sein du Vienna Art Orchestra, et en France pour sa complicité avec et autour de Jean-Paul Celea, le batteur autrichien est parti sans crier gare, d’une rupture d’anévrisme, à l’approche de ses 67 ans.
Il était né le 15 juillet 1955 à Vienne et avait reçu une éducation musicale dès l’âge de cinq ans au sein d’une chorale d’enfants, puis étudiant le piano au Conservatoire de Vienne et les percussions auprès de Richard Hochrainer, ancien percussionniste du Philharmonique et l’Opéra national de Vienne. Actif depuis le milieu des années 1970, il entre en 1978 au Vienna Art Orchestra fondé l’année précédente et contribue à forger l’identité de ce collectif dirigé par Matthias Rüegg, de “Tango from Obango” (1979) à “The Innocence of Clichés” (1989). « L’étendue de son jeu et sa large palette stylistique participeront à la capacité de l’orchestre à se renouveler et à surprendre de programme en programme. » (Plaquette de l’orchestre pour son 10ème anniversaire). Il y sympathise particulièrement avec le trompettiste Herbert Joos, l’altiste Wolfgang Puschnig, le pianiste Uli Scherer et le contrebassiste Jürgen Wuchner au sein du quintette Part of Art. Avec Puschnig, il participe encore aux groupes Air Mail (le guitariste Harry Pepl et les bassistes Mike Richmond puis Robert Riegler) et The Pat Brothers (le joueur de synthétiseur Wolfgang Mitterer et la chanteuse Linda Sharrock).
C’est en compagnie du contrebassiste Jean-Paul Celea qu’il se fait le mieux connaître en France, d’abord sur le disque de Dominique Pifarély “Insula Dulcamara”, puis au sein du groupe Passaggio fondé par Celea et son complice le pianiste François Couturier (avec le clarinettiste Armand Angster et la chanteuse François Kubler). À leurs côtés, ses affinités pour la musique classique et contemporaine européenne et ses qualités de transversalité se font particulièrement sentir (“Passaggio”, “L’Ibere”). En 1996 naît le trio avec David Liebman et Celea qui met en valeur l’osmose entre cette sensibilité extrême, ce goût de l’expérimentation et de l’aventure libertaire, sa relation ardente aux notions de “swing” et de “drive”. En témoignent les albums “World View”, “Missing a Page” (album qui porte le deuil de Jean-François Jenny-Clark) et “Ghosts“ qui rend hommage à quelques figures historiques (John Coltrane, Miles Davis, Ornette Coleman, Thelonious Monk, Albert Ayler…).
On l’entendra en France encore en trio avec deux autres sopranistes (Jean-Charles Richard sur “Traces” et Émile Parisien sur “Yes Ornette”). Auparavant, en 2004, il signait chez Universal-Autriche, sous label Emarcy, le très exceptionnel “Refusion” avec Liebman, Celea, le guitariste Marc Ducret, le bassiste électrique Matthew Garrison et Wolfgang Mitterer (pour une contribution électronique exemplaire de ce qui s’est galvaudé sous le vocable d’“électro“) .
Ce n’était là que la partie immergée d’une activité beaucoup plus large sur la scène autrichienne et européenne dont témoigne le site qu’il laisse sur la toile, avec notamment une page “Music” où l’on peut entendre de nombreux exemples de ses travaux en solo (percussions, électronique et piano), avec Wolfgang Mitterer, Max Nagl et Ken Vandermark, Bernhard Lang et le Wiener Symphoniker , Joachim Kühn, David Liebman, Jean-Paul Celea, Passaggio, Michel Godard, Franck Tortiller, Yves Robert, Harry Pepl, Wolfgang Puschnig, Herbert Joos, ses amis du Vienna Art Orchestra et beaucoup d’autres dont nous partageons la tristesse. Franck Bergerot