Festival Radio France Occitanie Montpellier : XAVIER BELIN ‘Pitakpi’
Soirée conclusive du jazz, édition 2022, au Domaine d’O, avec sous les micocouliers une sorte de jazz de chambre mâtiné de folk, et sur la grande scène le groupe épatant d’un jeune pianiste martiniquais
À 20h, à l’Amphithéâtre des Micocouliers, nous écoutons le trio Suzanne. Un groupe totalement inclassable, par son instrumentation d’abord : Maëlle Desbrosses au violon alto, Hélène Duret à la clarinette & clarinette basse, et Pierre Tereygeol à la guitare, les trois instrumentiste se faisant également vocalistes. Lauréat de l’AJC, l’Association Jazz Croisé, le trio a été choisi avec trois autres groupes pour être programmé dans quelques-uns des 80 lieux et festivals, en France en en Europe, membres de ce groupement de diffuseurs de jazz et de musique improvisée. Le trio est tout aussi inclassable par la musique qu’il propose, entre jazz de chambre, musique contemporaine et même écho du folk : d‘ailleurs la seule reprise du concert sera, en rappel, A Satisfied Mind, qui fut au répertoire de Joan Baez, Bob Dylan, Johnny Cash…. Belle musicalité du groupe, qualité et originalité des solistes : j’avais déjà entendu tous ses membres dans d’autres contextes, mais ce trio fut pour moi une belle découverte
XAVIER BELIN ‘Pitakpi’
Alexis Valet (vibraphone), Xavier Belin (piano, percussion), Elvin Bironien (guitare basse), Laurent-Emmanuel ‘Tilo’ Bertholo (batterie, percussion)
Montpellier, Amphithéâtre d’O, 23 juillet 2022, 22h
Un groupe mené par un tout jeune pianiste-compositeur martiniquais, Xavier Belin. Le disque «Pitakpi», publié par le groupe l’an dernier, tire son nom d’une figure rythmique traditionnelle de la musique antillaise. Cette figure sera d’ailleurs présente à différents moments du concert, dont elle peut être considérée comme sorte de fil subliminal. Les compositions sont un montage de fragments thématiques avec des ruptures, des unissons funambules, assemblés avec une folle ingéniosité et un indiscutable sens de la forme. On pourrait dire que c’est une cérémonie du rythme, comme il en existe dans toutes les cultures musicales, Bartók et Stravinski inclus. C’est brillant, propice aux improvisations les plus vertigineuses, mais le pianiste nous offre aussi des intermèdes pleins de douceur et de grâce qui évoluent rapidement vers un jeu de piano multiforme. Xavier Belin possède une palette très large et un talent extrêmement étendu, dans l’expression comme dans l’improvisation. C’est une bonne part du répertoire du disque que le groupe nous donnera sur scène : la précision des enchaînements n’altère en rien le caractère absolument vivant de cette musique, que l’on croirait spontanée, tant elle surgit avec fougue et naturel. Sur un blues le vibraphoniste nous offre un brillant chorus dans la stricte tradition du jazz moderne, et après une courte cadence de piano le groupe s’engouffre dans un groove étourdissant. Le musique est pleine de fantaisie : dans Chatouillage, après des beautés mélodiques tout en nuance, le pianiste part en dialogue virulent avec la basse et la batterie, et après retour du vibraphone la coda sera espiègle. Suivra une autre composition originale qui magnifie à nouveau le cellule rythmique du pi-tak-pi, en multiples explosions et retours. Je suis assez épaté par la qualité formelle de l’écriture et des improvisations. ‘Tilo’, qui nous avait déjà régalés avec le groupe de Rodolphe Lauretta, nous raconte la musique dans son solo de batterie. Et cette effervescence débouche, avec une sorte de naturel sur Evidence de Thelonious Monk. Jusqu’à son terme, un magnifique concert. Ovation verticale du public, plus que méritée, et pour moi un regret : que ceux qui n’avaient pas la chance d’être là ne puissent pas écouter ce concert sur France Musique : un festival de radio qui n’enregistre ou ne diffuse pas tous ses concerts, c’est presque un cas d’école. Un contre-exemple assez frustrant, voire consternant.
Xavier Prévost