DANIEL HUMAIR – RAMON LOPEZ : Dreaming Drums
Pour faire écho à leur livre Dreaming Drums (éditions Parenthèses) publié en 2018, Christian Ducasse & Franck Médioni ont concocté, avec la complicité d’Hélène Aziza, et dans la galerie d’art de cette dernière, trois soirées de batterie, en duo ou en solo. Et le lieu expose les photographies de Christian Ducasse. Au numéro 19 de la rue Paul Fort, près de la Porte d’Orléans, la galerie accueille régulièrement des concerts, en particulier de jazz et de musique improvisée. Le lundi 10 octobre à 20h est attendu un duo André Ceccarelli – Fabrice Moreau ; le dimanche 9 à 17h un solo de Pierre Favre ; et la série commençait avec un duo Daniel Humair – Ramon Lopez.
Duo DANIEL HUMAIR – RAMON LOPEZ
Daniel Humair (batterie), Ramon Lopez (batterie, percussions)
Paris Galerie 19 Paul Fort, 8 octobre 2022, 20h
Comme souvent dans un contexte d’improvisation, la musique surgit progressivement du silence. Tom basse percuté, avec longues pauses et résonances pour Daniel Humair. cymbale taquinée par les doigts de Ramon Lopez. Puis, comme dans la Théogonie d’Hésiode (huitième siècle avant notre ère), le monde s’élabore, du chaos au cosmos, par la magie divine. Les dieux ici sont bien concrets, la musique est charnelle, la matière sonore d’une évidence matérielle qui s’offre à notre écoute. Ce n’est pas un hasard sans doute si, comme Daniel Humair, Ramon Lopez est également peintre. Par touches successives leur dialogue va s’engager. Ici un continuum s’ébauche. Là il est perturbé-relancé-magnifié par une effraction douce, ou une fracture sonore violente. Mille nuances s’expriment, dans une dynamique très large, et très naturelle (l’absence de sonorisation, la proximité du public). C’est un dialogue, presque un débat, avec des propositions, des arguments, des conflits, des tensions et des résolutions. Des événements sonores s’offrent à notre écoute, et progressivement composent une forme, un objet, une histoire, comme une œuvre d’art instantanée qui ne sera pas éphémère, car elle va demeurer dans nos mémoires. C’est un jeu, qui laisse place à l’humour et à la fantaisie : par exemple quand Ramon Lopez utilise le petit tambour des tablas, et que Daniel Humair improvise l’un de ces chants rythmiques que l’on entend dans la musique indienne ; ou encore lorsque Daniel, démontant les éléments de sa batterie, se lance dans un impromptu burlesque en forme de happening autour de la cymbale et de la cuisine asiatique. Bref c’est intensément vivant, un grand moment d’improvisation très musicale, et nous sommes happés par ce mélange de fraîcheur et d’intensité extrême. C’est là que le chroniqueur reconnaît les limites de la narration : raconter la musique est toujours une gageure, et la seule issue est de dire le plaisir que l’on a pris à écouter un concert. Enthousiasme du public, comblé par l’inventivité et le talent des deux protagonistes. En guise de rappel, Daniel Humair, sollicité par les questions de Franc Médioni, nous parle, baguettes en mains, de l’histoire de la batterie jazz, de Baby Dodds à Elvin Jones en passant par Sid Catlett, Kenny Clarke et Philly Joe Jones. Il nous parle de la vie, en somme. Belle conclusion pour un beau moment de musique.
Xavier Prévost
Dimanche 9 octobre à 17h : Pierre Favre solo. Lundi 10 octobre à 20h : duo André Ceccarelli – Fabrice Moreau