BELMONDO QUINTET : Création au festival Rhino Jazz
Plaisir pour le chroniqueur de retrouver Jean-Paul Chazalon, plus de 30 ans après une première visite pour Jazz Magazine dans ce festival qui était alors ‘de Rive-de-Gier’. Le désormais président du festival a passé la main à son fils Ludovic pour assurer la direction et la programmation de cet événement qui essaime de Saint-Étienne à Lyon
BELMONDO QUINTET «Quand le jazz colorie le noir et blanc»
Lionel Belmondo (saxophones ténor et soprano, flûte alto), Stéphane Belmondo (trompette & bugle), Laurent Fickelson (piano), Sylvain Romano (contrebasse), Gautier Garrigue (batterie)
Caluire-et-Cuire, le Radiant Bellevue, 18 octobre 2022, 20h30
Le festival fait escale dans cette belle salle de la proximité lyonnaise, qui inclut dans sa riche programmation de saison ce partenariat artistique avec Rhino Jazz. À Lyon le festival Lumière, grande célébration du septième art, est en plein effervescence et il programme ce jour-là, dans l’une des nombreuses salles lyonnaises associées à l’événement, Ascenseur pour l’échafaud, le film de Louis Malle. Et Rhino Jazz a demandé au quintette de concevoir un programme autour des thèmes joués par Miles Davis et son quintette pour la bande originale du film, et aussi d’évoquer d’autres films français de cette époque, où quelques compositeurs de notre pays signèrent des partitions pour des œuvres en noir et blanc. Le choix des frères s’est porté sur des films de Jean-Pierre Melville, et notamment deux d’entre eux dont l’acteur principal était leur homonyme, le grand Bébel (qui a aussi été l’un de leurs potes, par le truchement du jazz fan qu’était Jean-Pierre Marielle)
Le concert commence par une évocation du film qui a inspiré ce projet, avec le générique d’Ascenseur pour l’échafaud. Stéphane est à la trompette mais, comme souvent, il va chercher dans le timbre la rondeur du bugle (et il en jouera d’ailleurs au fil du concert). Et manifestement Lionel, d’abord au ténor, a conçu d’arranger une dialogue entre les deux soufflants. Comme toujours quand il s’agit de jazz, jouer une musique c’est aussi la sortir un peu de son territoire originel. Et d’ailleurs le sax dans leur interprétation a davantage de place que Miles n’en avait laissé en décembre 1957 au tout jeune Barney Wilen. Vont se succéder ensuite des thèmes issus de L’Aîné des Ferchaux (Georges Delerue), du Doulos (Paul Misraki), et aussi d’un Melville sans Bébel, postérieur et en couleurs : L’armée des ombres (Éric Demarsan, qui signa la musique de deux des trois derniers films du réalisateur). Certains de ces compositeurs se souvenaient de Ravel (ce qui n’est pas pour déplaire aux membres du groupe). Et pourtant c’est bien de jazz qu’il s’agit, vif ou lentement lyrique, avec de beaux solos de tous. Lionel partira un moment dans une sorte d’incendie coltranien, attisé par un accompagnement (et un solo) de Laurent Fickelson qui nous évoque le grand McCoy Tyner avec son grand jeu de quartes (non, ce n’est pas une coquille, c’est un festival d’accords de quartes….). Ça bouge, ça balance, ça monte au septième ciel. Et Stéphane n’est pas de reste, qui nous gratifie de grands moments de lyrisme et de défis à l‘équilibre. Gautier Garrigue impressionne dans la public des amateurs chevronnés qui ne le connaissaient pas encore (pourtant ça fait un moment qu’il est très demandé par ses confrères….). Et Sylvain Romano, fidèle partenaire des frères, pousse les feux et sait aussi sortir de l’ombre quand l’occasion se fait jour. Bref, ce fut un vrai beau moment de jazz. On aura aussi un retour sur un autre extrait d’Ascenseur pour l’échafaud, et en fin de concert à nouveau un thème, très rapide cette fois, emprunté au Doulos, et qui démarre comme une envolée de free jazz. Plus de six cents personnes, manifestement comblées, étaient dans la salle. C’était la création de ce programme né du désir d’un festival, et même de deux, car la liaison avec le festival Lumière n’est pas anodine. On en redemandera ailleurs, je le souhaite et je l’espère : l’amateur est insatiable !
Xavier Prévost