Le Géraldine Laurent Quartette prend le Chorus
Comme toujours à même époque, le festival franco-suisse itinérant transfrontalier JazzContreBand, accueillait cette après-midi son Tremplin, pour l’édition 2022 dans l’intimité du Chorus de Lausanne qui accueillait hier le formidable quartette de la co-présidente du jury, Géraldine Laurent.
Tout un mois de festival du 1er au 29 octobre, avec 63 soirées et concerts répartis entre 36 structures (ouverture avec Snarky Puppy au Château Rouge d’Annemasse et clôture avec le Lady All Stars de Rhoda Scott à l’Alhambra de Genève), jams, masterclass, les co-productions de deux artistes en résidence (quintette de Shems Bendali et solo Roberto Negro) et deux mises en valeur chacun du vainqueur du tremplin 2021 (le pianiste Nicolas Ziliotto), du coup de cœur de l’an passé (le trio Vagalumes de la chanteuse Sylvie Klijn), et du vainqueur 2019 (le guitariste Louis Matute).
Coprésidé cette après-midi 23 octobre 2022, par le trompettiste Matthieu Michel, le Tremplin était précédé hier au Chorus de Lausanne – admirable club que patronne l’amateur de jazz très éclairé et pianiste à ses heures Jean-Claude Rochat – par un concert de la co-présidente du tremplin, l’altiste Géraldine Laurent, déjà à l’affiche la veille au One More Time de Genève.
Quartette plus que rôdé, soudé, la meneuse et ses trois comparses – Paul Lay (piano), Yoni Zelnik (contrebasse) et Donald Kontomanou (batterie) – donnant l’impression de fonctionner comme un seul, alors qu’il serait plus exact de dire qu’ils ont un fonctionnement organique, inter-agissant dans un admirable mélange de pugnacité et d’élégance. De façon peut-être plus apaisée que dans le feu des premiers concerts et du premier disque – à moins que le vin vaudois n’ait eu pour effet d’apaiser mon écoute –, mais toujours intense et généreuse, saxophone, piano et batterie crépitant dans les flammes contradictoires d’un même feu alimenté au souffle savamment fantasque de la contrebasse.
Deuxième set : après Jimmy Van Heusen et Antonio Carlos Jobim, Géraldine Laurent s’engage sur la composition de sa plume Room 44. À l’issue du solo d’alto, Paul Lay s’empare de ses dernières notes pour en faire le motif minimaliste d’une fervente méditation qui constituera, jusqu’à l’épiphanie du retour au thème, le climax du concert, en tout cas son final. Tellement saisissant, qu’il faudra bien revenir pour un rappel, un arrangement (quasi et génial “dérangement” du poignant Goodbye Porkpie Hat de Charles Mingus imaginé par Géraldine Laurent), auquel Yoni Zelnik offrira un contrepoint halluciné, de ce genre d’affolement qu’il sait mettre en scène avec cette maîtrise et le calme ébouriffant qui le caractérise. Franck Bergerot