Chroniques de Jammin’ Juan : Ça commence fort
L’élan collectif
Le rendez-vous incontournable des pros du métiers, tourneurs, programmateurs, journalistes et autres labels bat son plein, et apporte une nouvelle fois son lot de showcases de jeunes talents en devenir. A commencer par le trio 3 in a box. Si le groove n’est jamais loin dans les échanges entre le Fender Rhodes tantôt rêveur et aérien, tantôt mordant et dansant de Cyril Benhamou et la basse volubile et puissante de Pascal Blanc, on ne peut s’empêcher de prêter une oreille très attentive au jeu de Jérôme Mouriez, dont le drumming énergique et la vaste palette de nuances et de grooves est aussi pour beaucoup dans ce que 3 in a Box à d’entraînant – c’est d’autant plus frappant qu’il remplace au pied levé le batteur habituel du groupe, Franck Agulhon –, renforçant le côté presque cinématographique que la musique a parfois. Car ici, le solo et l’exploit individuel sont secondaires et c’est avant tout un bel élan collectif qui prime.
L’héritage de Django
Changement de décor avec le guitariste corse Fanou Torracinta, qui revisite avec un goût très sûr, en quartette, la musique de Django Reinhardt et propose ses propres compositions. Pas de jazz manouche digne de ce nom sans rythmique à la hauteur : Benji Winterstein, irréprochable à la guitare rythmique, et le contrebassiste William Brunard, toujours excellent et dont je m’étais à peine remis de ses exploits auprès de Biréli Lagrène au Bal Blomet il y a quelques semaines, assurent. Au piano, Bastien Brison brille par ses chorus agiles comme son accompagnement, et prouve que cet instrument rare dans ce style peut donner les meilleurs résultats. Quant au leader, il fait montre de son art du placement, avec un swing dans chaque notes et des phrases chantantes qui donnent à ses impros un élan irrésistible. Mais aussi par un touché exquis qui le rend aussi intéressant quand il s’arrête sur une note que quand il dévale ses arpèges à toute vitesse. Chapeau.
La Révélation du jour !
Encore quasiment inconnue, la chanteuse et vibraphoniste hollandaise Sanne Huijbregts présentait ses compositions originales en quartette baptisé Sanne Sanne. On s’attendait à tout sauf à découvrir un univers aussi riche et personnel : d’un abord séduisant comme de la pop acoustique, il révèle vite une étonnante sophistication. Avec ses métriques mouvantes et impaires, quelque chose de presque africain dans la rythmique, une inspiration venue de quelque traditions folkloriques européennes dans le chant et des harmonies vocales travaillées et maîtrisées mon tout prononcé avec une diction impeccable qui permet à la leadeure une virtuosité du texte qu’on entend pas souvent. Tout ça pourrait parfois faire penser à la musique de Laura Perrudin ou de Leïla Martial, mais il y a là quelque chose en plus sur lequel on se réjouit de ne pas pouvoir mettre le doigt. Bravo à la violoniste alto Roosmarjin Tuenter, au bassiste Pat Cleaver et au batteur Guy Salamon qui ont largement contribué à faire de ce concert ma Révélation du jour.
Thomas de Pourquery, le grand frère supersonique
Final en apothéose avec le Supersonic de Thomas de Pourquery pour le grand concert de clôture de cette première journée, solaire et chaleureux, qui profite de la grande scène de l’Auditorium et de son statut de grand frère pour faire promettre aux gens du métier de donner leur chances aux jeunes groupes qu’ils ont vu plus tôt. Fin surprise : le saxophoniste et chanteur se voit décerner le Prix de composition 2022 de l’Union National des Auteurs Compositeurs (UNAC) par Philippe Villa. La remise de prix ne tarde pas à se transformer en duo piano-voix tandis que le divin chauve, qui ne se laisse pas déstabiliser par cette récompense inattendue, conjure son alter ego crooner, Von Pourquery. Magique.
L’after
Pour ceux qui n’étaient pas rassasiés, rendez-vous à l’Artview, le club du Palais des Congrès, pour écouter le quartette Second Brain mené par le guitariste Adrien Pigeat, dont la fusion jazz-funk évoque tantôt, Prince ou le londonien Kamaal Williams (gros travail du bassiste Luigi Lefevre et du batteur Arjuna Mariapin, complémenté par les claviers acides à souhaits de Damien Hervio) et à fait danser toute l’assistance. Yazid Kouloughli