D’jazz Nevers, 7ème journée
Cinq concerts pour cette septième journée au D’Jazz Nevers, la cinquième pour l’auteur de cette chronique : avec le trio Bruno Lapin, L’Effet Vapeur en délégation de l’Arfi, le duo Dominique Pifarély-François Couturier, le sextette franco-américain d’Émile Parisien et le quartette de Daniel Humair.
Début de journée au Théâtre à 12h15 avec un trio au nom facétieux, Bruno Lapin, nom qui a donné lieu à un joli quiproquo dont Clément Petit (violoncelle) –conteur d’une faconde intarissable comme nous avions pu le constater l’an dernier lors de la panne de sono qui avait affecté le concert des Space Galvachers – se fera un plaisir de reprendre le récit lorsque vous irez entendre le groupe lors d’un prochain concert. À ses côtés Sophie Bernado (basson, chant) et Joce Mienniel (flûte). Les unissons et contrepoints évoquant parfois, à part une citation appuyée du Sacre du Printemps, le néoclassicisme français du début du siècle, la dominante est modale, avec un violoncelle qui, le plus souvent joué en pizzicato, évoque plus l’oud oriental que la contrebasse jazz. Usage discret de l’électronique, chacun ayant pédales à son pied pour quelque effet sonore ou quelque boucle. On retrouve tournures, rythmicité et techniques étendues des prestations en solo de Joce Mienniel. Sophie Bernardo donne au basson une épaisseur sonore qu’on ne lui a pas souvent entendu dans le jazz et donne de la voix le temps d’une chanson. Un trio où l’évidente connivence donne encore parfois le sentiment de l’ébauche.
Rendez-vous à 15h au Café Charbon avec une délégation de l’ARFI en la personne de quatre habitués de D’Jazz Nevers, L’Effet vapeur : Jean-Paul Autin (saxes sopranino et alto, flageolet, accessoires), Xavier Garcia (sampler, laptop), Guillaume Grenard (trompette, basse électrique, euphonium), Alfred Spirli (batterie, divers objets sonores). Qui nous ont laissé l’impression d’une certaine fatigue dans leur projet “Ring”, commenté avec un mélange de suffisance et de lassitude, l’onirisme et l’humour recherché englués dans une lenteur paralysante, le principal intérêt pour les jeunes enfants présents dans la salle étant le montreur de gadgets sonores et de rythmes Alfred Spirli, qui nous amusa le temps d’une partie de cartes en guise d’accompagnement rythmique, mais donna le reste du temps l’impression d’un clown fatigué ayant épuisé son stock d’amusantes trouvailles.
Mais il arrive aussi que le critique fatigue, ce qui m’a fait louper une large partie de l’un des concerts du festival auxquels je tenais le plus, le duo de Dominique Pifarély (violon) et François Couturier (piano). Acte manqué révélateur de la timidité qu’inspire au jazz-critic une prestation d’une telle exigence et la convocation du grand héritage classique et “contemporain”, non pas dans un exercice de répertoire revisité, mais un peu comme on réinvente quotidiennement sa vie au travers de l’expérience passé, le tout avec cette lucidité qu’ont les grands improvisateurs. Coup de grâce à l’auditeur, le surgissement après un choral introductif déployé sur le piano, ces phrases de La Chanson des vieux amants de Jacques Brel lancées comme des traits par le travers d’une douloureuse abstraction. Puis rappel avec la mélodie d’I Love You Porgy proposée au piano, que le violon semble d’abord refuser par une austère gamme ascendante comme on tend un arc pour donner plus de puissance à l’envoi.
On dévale le coteau vers la Loire et la Maison de la Culture où Émile Parisien (saxophone soprano) présente son programme “Louise” déjà beaucoup vu en tête d’affiche des grands festivals, à ceci près qu’on a connu plusieurs moutures, dont une occasionnelle et franco-française au Respire Jazz Festival avec notamment Yoann Loustalot (trompette). Hier soir, c’était lui qui remplaçait le trompettiste Theo Crocker. Avantageusement serai-je tenté de dire, après avoir entendu la formule avec ce dernier à Jazz à La Villette, il est vrai dans les médiocres conditions d’écoute de la Philhamonie 1, absolument pas faite pour la musique amplifiée. La connivence d’Émile Parisien avec Yoann Loustalot est aussi palpable que celle entre Joe Martin (contrebassiste) et Nasheet Waits (batterie), la présence de Roberto Negro (piano) et Manu Codjia (guitare électrique) achevant de faire de ce sextette une formation formidablement solidaire et vivante.
Deuxième partie avec Daniel Humair (batterie) – dont on a pu voir les peintures exposées jusqu’au 30 décembre au Musée de la faïence et des Beaux Arts. Il est venu avec son trio “Drum Thing” – Vincent Lê Quang (saxes soprano et ténor), Stéphane Kerecki (contrebasse) – tel qu’il s’est agrandi au format quartette lors d’un concert inaugural en décembre dernier au New Morning avec Yoann Loustallot. Je me souviens, au sortir de ce concert, avoir entendu Humair confier ses doutes quant à cet élargissement. Hier, nous n’en avions aucun, l’intelligence qui règne entre les deux souffleurs apportant un surplus de dynamisme à cette “Drum Thing” qui s’articule autour de son instrument, cette que Humair, outre sa fonction de gardien du tempo assumée en toute intelligence avec Kerecki, traite en plasticien, par ce très sensible rapport à la matière sonore des cymbales et des peaux.
Bientôt, dans moins d’une heure alors qu’il me reste à placer ces notes sur le site de Jazz Magazine, Pierre Drevet et Bob Revel ouvriront au Théâtre la dernière journée de ce 36ème D’Jazz Nevers Festival. À 17h au Café Charbon, Leïla Martial et Valentin Ceccaldi. 20h30 à la Maison de la Culture, Sylvain Rifflet et son quartette “Aux Anges” et grand final avec le Lady All Stars de Rhoda Scott. Franck Bergerot (photos © X.Deher et merci à Maxim François pour sa photo de Dominique Pifarély et François Couturier)