Tarbes: les mélodies douces de Kevin Reveyrand
Sur la scène plutôt spacieuse de ce théâtre de poche Christophe Lampidecchia glisse un clin d’oeil complice à un spectateur connaisseur assis au second rang. Sylvain Marc, bassiste connu et longtemps actif sur la place et les clubs de jazz de Paris en particulier, désormais retiré ici au pied des Pyrénées vit le concert à vif, limite participation directe en rythmes et voix, marquée de claquement de mains, cris, interjections, et autres rires sonores.
Kevin Reveyrand (b), Olivier Roman Garcia (g), Christophe Lampidecchia (acc), Jean Luc Di Fraya (dm)
JAZZMDA, Petit Théãtre Maurice Sarrazin, 19 novembre , Tarbes (65000)
Il le dira d’entrée et le répétera en cours de concert « Je vous l’avoue. On est content de se retrouver sur une scène car ça fait un bon moment que l’on n’a pas pu jouer ces morceaux ensemble, les nécessités professionnelles de chacun faisant trop souvent loi…» Du fait de cette envie il n’y aura pas de temps de latence, pas d’entrée en matière progressive. Tout de suite s’impose une marque de fabrique personnelle mais à l’evidence partagée. Il s’y attache, il les modèle ses lignes mélodiques. Quelle qu’en soit la forme choisie pour ses compositions on sent chez Kevin Reveyrand la volonté de sculpter des mélodies très fines. Ainsi en est-il de «Todos juntos», thème éponyme de l’album (Assa Records/Socadisc) sorti dans cette même formation orchestrale, bâti à partir d’un séduisant unisson, prolongé à deux voix avec celle toujours prète á sortir du bois de Jean Luc Di Fraya.
Occasion également pour le leader de voir grossir le son de sa Jazz Bass, de laisser en parallèle le cajon dicter le rythme sous les accents «musette» des accords de l’accordéon. Clairement les atouts, les points clefs de la musique ainsi construite se trouvent-ils dans la conjugaison instrumentale de l’orchestre. L’accordeon flatte certes les lignes mélodiques « Je m’efforce autant que faire se peut de le faire chanter» justifie Christophe Lampidecchia arguant des racines napolitaines de son père et corses du côté de sa mère. Une expression musicale en phases harmoniques très denses qui n’empêchent en rien de lancer également des impulsions rythmiques génératrices de forts reliefs.
Idem pour la guitare jouée un temps en accords de soutien, un autre en un phrasé très délié quand le moment du chorus oblige à lâcher le lien. Dans ce contexte tout en contrastes Kevin Reveyrand jettera aussi en acte de bataille ( douce ) un chorus de basse très construit à base d’accords limite dissonants et de décrochements savants dans le rythme. Un pigment de coloration forte à l’égal des effets de voix façon vocalise classique ou cri guttural rèche de Jean Luc Di Fraya, batteur toujours fervent producteur de notes.
Un dernier thème, mélodie soyeuse là encore sera dédié en hommage/mémoire au batteur originaire de la Côte Basque, Nicolas «Niko» Filliatreau disparu il y a quelques jours. Geste marqué d’élegance.
Robert Latxague