Four for Blues à Pierrelaye

Une escale à la Mezzanine de Pierrelaye (Val d’Oise), à quelques kilomètres au Sud-Est de Pontoise. Tous les jeudis soir, l’association ‘Jazz Session’, créée voici bientôt 30 ans, et soutenue par de nombreux bénévoles et adhérents, y organise des concerts gratuits, pour un public nombreux, attentif et ardent. J’étais venu voici quelques années écouter en ce lieu le saxophoniste américain Walt Weiskopf

Et j’y suis revenu quand mon ami de longue date (on s’est connus à Lille autour de 1968….), le contrebassiste Hervé Czak, l’une des chevilles ouvrières de cette belle association, m’a annoncé ce groupe consacré aux thèmes de jazz bâtis sur les harmonies du blues.

FOUR for BLUES

Cyrille Méchin (saxophone ténor), Emmanuel Duprey (piano), Hervé Czak (contrebasse), Simon Bernier (batterie)

Pierrelaye, La Mezzanine, 12 janvier 2023, 21h

Fourvoyé par le navigateur de sa voiture, un peu défaillant, et surtout par des travaux bloquant l’un des accès au centre ville, le chroniqueur, qui était à l’entrée de la ville dès 20h40, est arrivé peu après le début du premier set. Le groupe s’emballe sur une composition de Joe Henderson. Le vieil amateur que je suis est aux anges : le répertoire puise majoritairement dans le répertoire hard bop et soul jazz des années 50, et dans son prolongement des années 60 (nostalgie du label Blue Note, vous voyez ce que je veux dire….). Mais l’approche n’a rien de servile. Elle est libre et fougueuse, enthousiaste autant que respectueuse. Ça fuse, le pianiste s’emballe avec un certain goût du risque, le sax ténor pousse les feux, et la rythmique attise, épaule, assure.

Sur Misterioso de Monk, le pianiste fait bien entendre la succession d’intervalles de sixte qui signent la singularité de cette composition, sur des harmonies de blues, et par là soumises à des tensions inusitées. Dans son improvisation le saxophoniste, comme Johnny Griffin en son temps, ou Charlie Rouse par la suite, suit les méandres du blues de stricte obédience, quand Monk rappelait dans son chorus les fameux intervalles avant de sacrifier au rite du de l’idiome. Le pianiste ce soir suit le chemin qui s’impose : du blues…. au blues ! Au fil des deux sets, des compositions d’Oliver Nelson, Jackie McLean, mais aussi une sorte de blues mi-caribéen, mi-andalou, de John Zorn. Puis c’est une valse-blues qui balance, This Here, signée Bobby Timmons, immortalisée par le quintette de Cannonbal Adderley, mais aussi en trio par son compositeur, et les Jazz Messengers…. Là le pianiste du quartette s’envole littéralement, et le groupe le suit dans cette tournerie vertigineuse. Grand moment !

Retour au calme avec Goodbye Pork Pie Hat, de Mingus (un requiem pour Lester Young, que Mingus réenregistrera 4 ans plus tard sous le titre de Theme for Lester Young). Dans le même esprit du blues très altéré, je rêve que ce quartette se penche dans l’avenir sur Sing Me Softly of the Blues, de Carla Bley…. Et pour conclure un standard du passé, lui aussi pétri de blues, On the Sunny Side of the Street. Belle et intense soirée.

À l’issue du concert c’est un bœuf, une jam session de musiciens amateurs membres de l’association, avec leur amis. Belle ambiance, bel esprit : non, l’amour du jazz n’est pas éteint !

Xavier Prévost

Le 2 février, concert en 2 parties La Mezzanine accueillera le groupe vocal Jocalizz