Le duo Cabane perchée et le Clover Trio clôture Jazz Miniatures
Jazz’n’hop, l’association du Pays de Lorient, après quelques errements, a trouvé depuis plusieurs années sa terre d’accueil sur la presqu’île de Port-Louis. Hier, le concert de clôture de ses Jazz Miniatures faisait salle comble à La Criée avec Csaba Palotaï et Steve Argüelles suivis de Jean-Louis Pommier, Alban Darche et Sébastien Boisseau.
Avant que n’y apparaissent les musiciens, la scène donne d’abord l’impression d’un vide grenier – ou d’une chambre d’enfants avant que les parents ne se fâchent – par l’attirail qui jonche le sol, avec même la paire de chaussures bicolores qui trouvera pourtant son utilité lorsque Steve Argüelles la chaussera avant de battre de la pédale sur cette boîte en carton posée devant lui en guise de grosse caisse. Le reste : un ensemble hétéroclite, d’objets qui se révèleront être des percussions auxquelles le mot savant et néanmoins trompeur d’idiophone conviendrait également. Quant aux trois guitares folk que l’on attribue naturellement à Csaba Palotai, elles donnent l’impression d’être à vendre avec le reste. Entre les mains de ce dernier, deux d’entre elles évoqueront tour à tour Bert Jansch, Leo Kottke, Henry Kaiser et Richie Havens, parfois même avec un son de 12 cordes dû à quelque préparation, la troisième étant réservée à Argüelles qui en fera une sorte de cymbalum. Quelle est donc le dessein de cette cabane perché ? Ni plus ni moins revisiter la musique de Bartok – à commencer par ses fameux Mikrokosmos avec un détour vers une mélodie bulgare – à la lumière de l’œuvre et de la personnalité de Moondog. Beaucoup d’humour dans ce pari virtuose reposant sur l’ostinato et d’inoffensifs dérèglements rythmiques, au profit d’une poésie en forme de cabane faite de bric et de broc, en effet assez perchée.
Avec le trio Clover, on change d’ambiance par l’élégance très léchée de l’écriture, qui peut évoquer – non la lettre mais un certain esprit – le caractère galant des Barricades mystérieuses de François Couperin et ou de la musique de chambre de Francis Poulenc. L’élan du swing et de l’improvisation en plus qui, combiné à la sonorité feutrée du saxophone d’Alban Darche et du trombone de Jean-Louis Pommier, me renvoie tout aussitôt à autre chose, cet étrange néoclassicisme que pratiqua Bob Brookmeyer, soit un jazz moderne qui ne perdait jamais la mémoire de son passé, tant au trombone (le sien était à pistons) que comme arrangeur. Le tout ficelé avec cette malice dont est dotée tant la plume de Darche, ici dominante, que ses cheminements d’improvisateur. Une belle conviction collective, une belle concision, un onirisme peu résistible, et un public instantanément sous le charme, et ce jusqu’au rappel. Franck Bergerot