Saint Omer Jaaz 2023
ENFIN !
C’est la huitième édition de ce festival dirigé par Laurent Cugny, et les circonstances m’ont été contraires depuis sa première édition en 2015. Cette année-là, après 29 années de présence professionnelle (côté radio) au festival de Radio France Montpellier, j’y revenais comme chroniqueur pour mon/votre magazine préféré. Même chose les deux années suivantes : mon attachement à ce festival explique, voire justifie ce choix. 2018, je passe une partie de l’été à l’hosto pour une virulente polyarthrite, donc pas de festivals pour moi en juillet, et pour la plus grande partie d’août…. En 2019, je suis à Couches en Bourgogne : mon triple tropisme de fils (petit-fils, etc….) de paysan, d’oncle de vigneron, et d’amateur de bons vins, explique cette option. En 2020 : pas de festival pour cause de pandémie. Puis c’est 2021, et un petit problème de santé qui me bloque début juillet. En 2022, nous devions avec des amis venir à Saint-Omer pour l’anniversaire d’une amie commune qui a une belle et modeste maison au bord du canal…. Mais elle souffrait du covid ; encore raté. Nous sommes là cette année pour son anniversaire, sans masques ni distanciation. Bref j’y suis, enfin ! En touriste pour deux jours seulement (le festival en compte 4), mais j’ai pu entraîner la bande d’ami.e.s à quelques concerts.
Nous sommes au troisième jour du festival. Ici les concerts sont gratuits, ce qui n’empêche pas de très belles conditions techniques et d’accueil des artistes, et une qualité musicale de haut vol. Samedi 8 juillet, vers 18h, un petit tour du côté de la Place Victor Hugo, cœur historique (les premières années, l’essentiel du festival se tenait là), pour écouter le quintette Swingin’ Partout: Django, tango et répertoires plus récents : belle tenue musicale. Un nouveau disque est annoncé pour le début de l’hiver, avec un concert à Paris.
Le soir nous migrons vers les ruines de l’Abbaye Saint Bertin, monastère bénédictin créé avant l’an mil, et dont les bâtiments d’époque gothique ont été détruits au début du dix-neuvième siècle. C’est là désormais que se tiennent les grands concerts du soir
Cette belle soirée commence avec l’Orchestre des Jeunes de l’Orchestre National de Jazz, qui rassemble sur audition des jeunes artistes de France et d’ailleurs, pour jouer le répertoire de l’un des anciens chefs de l’ONJ durant son mandat. Et cette année c’est le tour de Laurent Cugny, qui pilota l’ONJ de 1994 à 1997. Ces jeunes musiciennes et musiciens font revivre cette musique avec brio.
Dans cet orchestre des jeunes, un vétéran : Jean-Charles Richard, très impliqué dans cette initiative, remplace au sax baryton la corniste Fanni Pósa, retenue dans sa Hongrie natale par le virus du covid. Compte rendu des premiers concerts de cet orchestre disponible en suivant ce lien
https://www.jazzmagazine.com/jazzlive/deux-soirees-avec-lorchestre-des-jeunes-de-lonj/
Le soirée se poursuit avec le Big Band de Christophe Dal Sasso, flûtiste et arrangeur, qui fait revivre à sa manière le répertoire du légendaire «Africa Brass» de Coltrane.
L’orchestre est une sorte de Who’s Who du jazz hexagonal, et tout le monde joue le jeu très collectif sur ces arrangements explosifs. C’est très jouissif. Et les solistes sont épatant/es : contraste entre les phrase fluides et vertigineuses de Sophie Alour et les bifurcations époustouflantes de Géraldine Laurent. Tous les autres solistes sont à l’avenant. Public conquis, chroniqueur itou, comme ses ami.e.s qui l’accompagnent.
L’après midi du dimanche 9 juillet, sur la Place Victor Hugo, entre deux formations d’artistes ‘émergents’ (comme on dit au Ministère de la Culture….), le trio du pianiste Alix Logiaco, et le quintette de la trompettiste Ysaura Merino, voici un quartette de musiciens déjà très confirmés dans leurs carrières : celui du trompettiste Julien Alour (il a fait la veille une improvisation explosive en dialogue, dans le big Band Dal Sasso, avec Nicolas Folmer). Avec lui un incontournable en France et en Europe : Yoni Zelnik à la contrebasse, et un batteur que tout le monde s’arrache désormais, Elie Martin-Charrière. Le pianiste du groupe, Simon Chivallon, que j’avais déjà écouté en trio, m’a dans ce contexte franchement épaté.
Le soir, à 19h, retour à l’Abbaye Saint Bertin. Le temps est menaçant, mais la pluie n’ose par s’imposer (elle n’est pas invité!)
Le MegaOctet d’Andy Emler va nous offrir sa musique sans pareille : vivacité, surprises, virtuosité (d’écriture et d’interprétation), audace, fantaisie, humour…. Celles et ceux qui lisent Jazz Magazine depuis plus de 30 ans savent que je suis un fan absolu de cette musique, de ce groupe, et de son leader. Pendant deux ou trois morceaux, le public m’a paru déconcerté. Mais il a bien vite adhéré, et avec un très bel enthousiasme.
En clôture du festival, Laurent Cugny Tentet : Le compositeur-pianiste-arrangeur (et qui a bien d’autres casquettes encore) nous présentait son nouveau groupe. Un disque (très réussi) a paru en février dernier, et on trouve aussi un écho du premier concert en suivant ce lien
https://www.jazzmagazine.com/jazzlive/laurent-cugny-tentet-jazz-a-saint-germain/
Libre déambulation dans le répertoire, lequel est nourri d’exercices d’admiration. Formidable cohésion, solistes libres et inspirés : un très beau moment de musique. Le chroniqueur, qui devait regagner Paris par la route en fin de soirée, a quitté à regret le concert en cours de route. Frustration, mais aussi souvenir toujours présent du concert de mai dernier : cette escapade à Saint-Omer fut un pur plaisir.
Xavier Prévost
Détails du programme du festival 2023 en suivant ce lien