Festival Radio France Occitanie Montpellier : ÉMILE PARISIEN solo
Le festival a commencé lundi, mais c’est seulement samedi que nous est offert le premier concert de jazz, concert qui inaugure un cycle particulier, dans les espaces Pierre Soulages du Musée Fabre : des solos intitulés ‘Salon de musique’, dans l’une des salles de l’outre-noir (où surgissent parfois quelques touches de rouge ou de bleu), salle qui accueillera les jours suivants 2 autres solos : Ballaké Sissoko et Michel Portal
Aujourd’hui, vers 18h15, les derniers spectateurs entrent pour ce premier jour de jazz dans le Musée, qui accueille Émile Parisien
ÉMILE PARISIEN (saxophone soprano)
Musée Fabre, 22 juillet 2023, 18h30
Avant de jouer, le musicien parle, aussi brièvement que sobrement. Peu coutumier du solo, il y avait réfléchi préalablement nous dit-il, pour élaborer un plan. Une fois dans l’atmosphère si particulière de cette salle, le plan lui paraît inadapté, et c’est un autre plan qui s’est imposé à lui, peu avant le concert, et d’où va surgir la musique qu’il nous offre. Basquettes à damiers noirs et blanc, chaussettes couleur melon délavé, pantalon noir, T shirt grège et veste grise, devant un immense tableau aux multiples chatoiements de noir profond, le musicien jouera assis, ce qui ne bridera pas sa coutumière expressivité corporelle. La musique se dessine au début dans un registre mélancolique, une mélancolie hyper expressive, et dont l’intensité croissante va nous transporter vers des turbulences, des orages et des accalmies. Je craignais que la salle, très sonore, n’altère la clarté du jeu. Il en joue d’une telle manière que, très vite, le son n’appartient qu’à lui. Un seconde séquence s’ouvrira de manière segmentée, bruitiste, mais la musique prend instantanément le pouvoir, quitte à le rendre furtivement à l’inspiration sonore transgressive qui surgit au fil des phrases. C’est fluide ; plus que fluide : limpide. Au détour d’une improvisation, une toute petite fille s’approche de lui, tout près. Imperturbable il continue de jouer. Et elle restera quelques minutes tout contre lui, recueillant même sa part des applaudissements qui concluent une nouvelle séquence. J’apprendrai ensuite que c’est sa fille. La musique traverse une foule d’univers ; s’y mêlent des fragments de compositions, anciennes ou toutes nouvelles, et des atmosphères de musiques populaires qui pourraient venir du Piémont italien comme des deux versants des Pyrénées, ou du Portugal. Tout paraît s’enchaîner dans l’urgence de dire, éloquemment. Pas d’ostentation, pas d’artifices : rien que la musique. Quand des arpèges de tierces mineures surviennent comme passerelles, on n’est pas dans le procédé, juste la cohérence d’une prise de parole. Quand résonnent les cloches d’une église toute proche, il en fait un leitmotiv . On entend des influences des deux rives de l’Atlantique, tout se mêle dans une expression nouvelle, instantanée, fruit d’un amour de la musique qui se conjugue à une profonde connaissance des idiomes. Surgira une bribe de Tico Tico, et au fil des méandres (phantasme d’amateur ?) le souvenir de Sidney Bechet, de Lonely Woman, Sometimes I Feel, voire Goodbye Pork Pie Hat , ou des réminiscences du blues. Soudain le saxophoniste quitte le centre de l’espace qui figure la scène et s’éloigne en jouant, passant derrière le mur auquel est accroché l’immense tableau de Pierre Soulages…. pour revenir par l’autre côté et conclure le concert. Nous sommes conquis, et même subjugués par l’intensité de la musique qui s’est donnée devant nous, offerte à nous dans une surgissement permanent d’invention et d’expression. Quel concert, mes Amis !!! Émile salue le public, simplement, presque étonné de notre chaleureux enthousiasme . Et d’un geste très naturel il désigne son inspirant partenaire d’un concert : la toile de Pierre Soulages devant laquelle il vient de jouer pour nous.
texte et photos de Xavier Prévost
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