Retour pour le chroniqueur dans ce très vivant bistrot du quartier de la Goutte d’Or. Le noyau dur des Jazz Series est rejoint par des camarades de jeu issu de la mouvance de l’Umlaut Big Band et de son entour. C’est une nouvelle occurrence de ce répertoire issu des propositions musicales de Bertrand Denzler, ainsi définies sur le site https://parisjazzseries.com/concerts/ «Protocluster joue des thèmes fragmentaires et de petits systèmes à l’intérieur desquels les musiciens improvisent des enchevêtrements mélodiques et rythmiques. Portée par un son de groupe aux connotations multiples, la musique vit de la pensée collective en temps réel qui naît dans ces espaces »
Protocluster, Jazz Series#90
Bertrand Denzler (saxophone ténor & composition), Pierre-Antoine Badaroux (saxophone alto), Benjamin Dousteyssier (saxophone basse), Antonin Gerbal (batterie), Pierre Borel (saxophone baryton), Matthieu Naulleau (piano préparé)
Paris, Bar Le 34, 29 février 2024, 21h
Ça démarre très fort, par un riff obsédant qui s’installe et envahit l’espace sonore en faisant bouger nos pieds, nos corps, nos viscères, nos esprits, et peut-être nos âmes (enfin, si nous en avons : pour ce qui me concerne l’esprit -si j’en ai un- suffira). Soudain un très beau cluster, large, dissonant comme il se doit, et d’intervalles très distendus, plante le décor : que la fête commence ! Puis c’est un vertige permanent de traits qui se croisent, de solos qui s’entremêlent, de duos diagonaux qui s’installent, avec cet irrépressible mouvement qui sans cesse nous porte plus avant, plus loin…. Un incroyable mélange de précision et de liberté, d’audace et de parfaite musicalité. Quand on croirait que le confort pourrait s’installer, un événement subreptice vient changer la donne : le sax baryton en suraigu et en souffle continu, la batterie dans un joyeux écart, le piano dans des sonorités inattendues et de rythmes en porte-à-faux, le sax basse dans des variations qui n’entament absolument pas la solidité de sa pulsation, le sax ténor dans des circonvolutions vertigineuses, et le sax alto dans un surprenant mélange d’ébauches mélodiques et d’échappées fracassantes : bref c’est la révolution permanente, au premier set comme au suivant. Quel bonheur….
Et le chroniqueur redouble de chance : le saxophoniste-compositeur Stéphane Payen, récemment désigné comme le nouveau chef du département jazz du Conservatoire National Supérieur (de Musique et de Danse de Paris….), est là ce soir, et comme nous habitons la même banlieue, il me propose de profiter de la voiture conduite par sa partenaire de vie. J’échappe ainsi au cauchemar, récurrent depuis 3 ans, des retours tardifs après les suppressions en soirée du RER ‘E’. Youpi !
Xavier Prévost
Prochain épisode de Protocluster le 6 avril au même endroit