Louise Jallu joue le jeu… à fond!
Ce 9 mars dans le cadre de Jazz sur le Vif et en direct sur France Musique pour le Jazz Club en première partie du nouveau projet de Dave Douglas au sujet duquel Xavier Prévost prendra le relai de ce compte rendu, la bandonéoniste Louise Jallu présentait le programme de son dernier album “Jeu” devant un Studio 104 comble et enthousiaste. Comme le sera sans aucun doute le public du Bal Blomet le 6 juin prochain pour un Jeudi de Jazz Magazine consacré à Louise Jallu.
Le critique connaît hauts et bas, amours et désamours, et pour avoir prêté beaucoup d’attention à l’accordéon, à ses cousins à soufflet et aux musiques auxquelles ils lui sont attachés, il m’est arrivé de m’être laissé gagner par inattention, désintérêt et lassitude. Peut-être pour trouver justement ces instruments trop attachés aux tics dictés par leur nature organologique ainsi qu’à ces musiques-là qu’ils ont suscitées et à leurs clichés, de “perles de cristal” et “triolets” en “piazzollades”. Est-ce la raison pour laquelle je n’avais pas prêté une attention particulière aux premiers pas de Louise Jallu ? En outre, paru après mon départ en retraite alors que je vivais l’interruption du flux ininterrompu de nouveautés phonographiques dans ma boîte aux lettres et sur ma platine comme une libération après trois décennies de bons et loyaux services, j’abandonnais l’écoute en “Hi-Fi” au profit du libre vagabondage à la découverte de musiques vivantes tous azimuts, le deuxième album “Piazzolla 2021” était passé totalement inaperçu à mes oreilles, en dépit des appels du pied insistants de mon ami Arnaud Merlin programmateur de Jazz sur le vif.
Aussi, le concert d’hier a-t-il été un véritable choc. Certes, on aurait pu s’attendre à quelque facilité à la lecture d’un programme incluant Boléro de Ravel, sirène policière, chanson de Georges Brassens, sonates de Schumann et Bach. D’une intelligence sensible, conçus avec l’aide de Bernard Cavanna compositeur et directeur de l’École nationale de musique de Gennevilliers où Louise Jallu a grandi et mûri, premier établissement du genre à comporter une classe de bandonéon, ses arrangements parviennent à contourner les pièges de ces reprises et à en décadenasser les verrous tout en tirant profit des richesses offertes par ces œuvres détournées, voire largement débordées. Des débordements que l’on doit à l’entourage qu’elle s’est choisie : Mathias Lévy (violon), Grégoire Letouvet (piano, claviers), Karsten Hochapfel (guitare électrique), Alexandre Perrot (contrebasse), Ariel Tessier (batterie). Nul rôle ici de faire-valoir, mais, en dépit d’une écriture très serrée, une réelle interaction ne laissant aucun répit à la soliste principale qui, enfin, déjoue les tics que j’avais fini par fuir. L’avenir dira si l’improvisatrice saura s’épanouir au-delà des rôles qui sont ici moulés à son pied. Franck Bergerot
Ps : La dissociation des deux mains de la bandonéoniste dans l’image stéréophonique, manière de faire valoir l’importance de la main gauche, talon d’Achille du monde des instruments à soufflet, m’a semblé être un piège en faisant de l’une et l’autre mains deux sources distinctes et non complémentaires, cette discontinuité entre la gauche et la droite appauvrissant de ce fait le rôle de la gauche (notamment dans le Bolero), sauf à donner à cette dernière une totale autonomie concertante, ce qui n’est pas encore le cas. Franck Bergerot
Louise Jallu en concert au Bal Blomet le jeudi 6 juin 2024, cliquez ici pour réserver !