C’est la seconde partie du concert Jazz sur le Vif dont le début, avec le groupe de Louise Jallu, vous a été conté dans la colonne voisine par l’Ami Franck Bergerot. Le groupe de Dave Douglas est en tournée européenne : après Gand, c’est ce soir Paris, avant Zürich, Ljubljana, Vienne, Varsovie, Berlin & Rotterdam. Les musiciens sont arrivés dans l’après-midi et, contrairement à l’usage, le quintette programmé en seconde partie a fait sa balance après le groupe de Louise Jallu. Et comme ce dernier était en direct à 19h, il a fallu réinstaller la scène après la balance de Dave Douglas. Ce fut chaud mais tout s’est bien passé : le concert de Louise Jallu et le direct de France Musique ont commencé à l’heure prévue
Le quintette joue un programme inauguré en trio, puis enregistré en quartette (sans la violoncelliste) en décembre dernier. Le disque est à paraître pendant la tournée Européenne sous le label de Dave Douglas, Greenleaf Music ; il associe 4 compositions de Billy Strayhorn et 6 thèmes du trompettiste
Le programme évoque Strayhorn après avoir, dans sa forme originelle, invoqué aussi les mânes de Charles Lloyd. Le nom du groupe et le titre de l’album nous rappellent que ces musiques sont autant de cadeaux offerts aux générations à venir
DAVE DOUGLAS ‘Gifts’ Quintet
Dave Douglas (trompette), James Brandon Lewis (saxophone ténor), Rafiq Bhatia (guitare, électronique), Tomeka Reid (violoncelle), Ian Chang (batterie, électronique)
Paris, Maison de la Radio, studio 104, 9 mars 2024, 20h30
Le concert commence par une sorte d’hymne, lyrique et presque mystique, comme en conçut jadis le Grand Albert : je ne parle pas du moine, théologien & alchimiste médiéval, auquel on attribue un traité apocryphe de magie, mais du grand Albert Ayler. Ce qui m’y fait penser, au-delà de la mélodie cérémonielle, ce sont les unissons un peu relâchés, comme au bon vieux temps du free jazz. Le thème suivant, par sa pulsation féconde et obstinée, me fait penser à Charles Mingus. Et j’aurai plusieurs fois cette sensation au cours du concert. Puis vient Take The ‘A’Train, indicatif du Duke signé Strayhorn, qui n’est certes pas le thème le plus représentatif du compositeur-arrangeur (indissociable de Duke Ellington) qui avait une personnalité musicale très autonome. Plaisir d’écouter ce ‘tube’ ellingtonien joué sur le mode funk. On écoutera aussi une sorte de blues ‘à l‘arrachée’, d’une belle intensité (là encore je pense à Mingus, et cette impression reviendra à nouveau quelques thèmes plus tard). Le contraste est flagrant avec la première partie du concert, où Louise Jallu nous offrait des musiques très arrangées (et avec quelle originalité), et des épisodes balisés d’improvisation. Ici on est dans le jazz ‘de tradition’, pas par le style de musique, mais par le fait que la priorité est accordée à l’improvisation des solistes (brillant.e.s, assurément). Beaucoup de dialogues transversaux, sous forme d’impro croisées, à deux ou à trois. Bref au fil du concert le plaisir d’un jazz aussi immémorial que vécu dans l’instant : joie de l’amateur (et aussi chroniqueur) pour qui la soirée, d’une partie à l’autre, fut un plaisir
Comme souvent le retour dans ma banlieue fut considérablement altéré par les défaillances des transports publics. J’étais venu en une heure, mais il me fallut plus de deux heures et vingt minutes pour regagner mon logis : et cela aurait pu être pire si des amis ne m’avaient pas offert l’hospitalité de leur taxi pour me rapprocher d’un métro salvateur….
Xavier Prévost (texte & photos)