Orthez: Bengue, Fidel en fidélité à son école
Fidèle, Fidel est de retour ce soir chez lui à Orthez, sur ses terres, et pour honorer d’abord une École de Musique, celle là même où il a fait ses armes. Première tâche à accomplir pour lui : faire travailler sur trois de ses compositions les classes de troisième et quatrième années de l’Ecole de musique, laquelle dans bruit revendique tout de même plus de quatre cents élèves…Sur scène, en parallèle à un set mix de percussions et de théâtre en saynètes enchainées, c’est un vrai bigi band qui investit la scène. Sous la baguette de l’ancien élève, Fidel Fourneyron reconverti en chef d’orchestre pour l’occasion. Ça sonne carré, en place. Et quelques solistes à peine frappé de timidité symboliset un jazz made in Orthez en devenir. De futurs Fidel Fourneyron, Paul Lay ou encore Sylvain Darrifourcq, tous maturés dans cette école creuset béarnais. Qui sait ?
Fiidel Fourneyron ((tb, voc, percu), Cynthia Abraham (voc, percu), Samuel Mastorakis (vibra, percu, voc), Clément Aninet (vln), Thibault Soulas (b), Velissa Hié (percu, balafon, voc), Ophélia Hié ( percu, balafon, voc)
Théâtre Francis Planté, Orrthez (84300)
Second acte, Fidel et son Bengue en live, soit la mise en scène de de l’album sorti il y a deux ans maintenant Une musique frappée au coeur d’africanité, plurielle, nourrie de chants livrés en sept langues de ce continent, français y compris. A chaque épisode, joué, conté, chanté la polyrythmie vient au rendez vous. Les percussions se superposent, se croisent, se mélangent dans un même espace d’airs poussés en courants, nimbés de couleurs comme dessinées en instantané au pochoir (Molengue) Dans un tel melting pot, Fidel Fourneyron, compositeur par ailleurs prolixe, armé des glissandos ou sons tenus sur son trombone joue sur la myriade de syncopes, de décalages créés pour fluidifier ou accentuer les reliefs ainsi sculptés dans une matière vivante (Kotiko koko) Le mélange instrumental érigé en philosophie active donne le fil rouge des histoires racontées en wolof, lingala, sango, créole…ainsi une introduction vibraphone/violon peut-elle lancer une litanie de tambours -leurs peaux, leurs bois, de cette musique batik, en sont le coeur battant- relayée illico resto par l’émergence des voix (celle de Cynthia Abraham en lead marque par sa présence) Le chant justement, à une ou plusieurs voix conjuguées instille une grammaire du récit, mélopée lisible ou flou traité en mode de rituel (Nous résisterons au déluge) Sur fond de tambours toujours, tout au long de formules lancées en unisson puis suivies d’échappées libres du trombone, on décèle des mélodies polies en couches de sédiments africains. Pour ce Bengue là l’orchestre figure bel et bien une redoutable machine à rythmes. Offensive, rutilante telle la « Locomotive d’Or » de Nougaro. Donc faite de chair et de souffles CQFD. Ce qui n’empêche en rien un autre mix bois versus métal en dialogue contraste balafon/vibraphone objet de sonorités purement minérales (Gobi) Les soeurs Hié excellent dans ces espaces de chant et de rythmes.
Musique fibrée, musique tracée, musique toute en sonorités arc en ciel. On peut y dénicher des traces de blues lorsque du violon surgit une remontada de guitare en notes bleues tandis que la voix raconte une histoire de passages douloureux. Ou jouir d’un beau moment de parler-chanter sur un swing puissant qui s’appuie sur une rythmique implacable façon rouleau compresseur mâtinées de souplesse. Ces percussions panafricaines lâchées en liberté décidément se montrent insatiables. Avec le dessin des voix, du chant ancré également dans ces terres d’Afrique, Bengue en fait une source de plaisir. Le concert donne une marque scénique accentuée par l’énergie du direct en rapport à la version initiale de l’album. Fidel (Fourneyron) toujours attiré par de nouvelles aventures musicales, dans un tel attrait d’horizons africains ainsi sacralisés témoigne d’une fidélité inscrite définitivement dans ses temps forts de création.
Robert Latxague