Orthez: Florián Marques, jazz à table
Pour des musiciens engagés dans l’action au sein d’un salle de resto au beau milieu du cliquetis couteau et fourchette jetés en noces ou batailles jouissives, verre monté à bout de lèvres, faut savoir y aller mollo pour convaincre sinon conquérir le convive. Mais au bout d’un moment- comment faire autrement dans un tel contexte pour l’orchestre convoqué? -on se lâche ,on laisse souffler -c’est le cas de le dire – les Dieux Bacchus ou Dionysos du jazz.
Florian Marques (sax ténor), Arthur Henn (basse), Florent Souchet (guitare), Corentin Rio (batterie)
La Maison de l’Horloge, Orthez 64300), 18 avril
Florian Marques, natif de cette ville du Béarn relève le pari, invité par les propriétaires de l’établissement décidé à présenter un spectacle musical en complément des plats proposés. Bien entendu pour relever le challenge, le saxophoniste qui est passé par les bancs de l’Ecole de musique de la cité béarnaise (encore un décidément après les Paul Lay, Fidel Fourneyron (cf compte rendu précédent dans Jazz Live) et compagnie a mobilisé un fan club familial nourri. Et convoqué pour ce rendez vous ses complices du groupe Peaks avec lequel l a enregistré récemment un premier album (Peaks, A deep color, www.florianmarques.com) En bout de pièce, à l’égal d’un club mais sans plateau scénique, l’orchestre joue en formation resserrée. Le niveau sonore reste dans des proportions basses, très nature sans sonorisation excepté les amplis de guitare ou basse. Durant les trois sets, sur les decrescendos on parviendra malgré tout à entendre certains échos de conversation.
Dans pareille proximité de la table avec la position de l’instrument, ce qui frappe au premier abord, justement de la part du leader, c’est bien le contrôle du son. Le sax ténor tranche dans une sonorité droite, sans presque de viibrato appliqué à la colonne d’air, un souffle profond venu du bas, empli d’une rondeur certaine. On sent aussi immédiatement une retenue voulue dans le volume de sortie de la batterie. Gestes, frappes gardées sous contrôle. Et même un jeu de basse quelque peu minimaliste. Seule la guitare en lâchers épisodiques se montre animal moins dompté, un peu plus sauvage. Et pourtant…la musique du quartet monte en cohésion, en équilibre, parfaitement lisible dans l’esprit des compositions issues de l’album (S and L, balade toute en nuance) ou de standards revisités pour l’occasion (Be-bop de Dizzy Gillespie, pris bien sur sur up tempo pour un pic d’énergie, lequel sur ce laps de temps, sur certaines tables observées, fit tourner les têtes vers les musiciens, et bloquer le lever de fourchettes ipso facto…) La transcription sur scène des lignes jazz entendues sur l’album pré-cité favorise l’échange, la cohésion en tant que caractéristique de ce quartet de jeunes musiciens venus d’horizons différents. Générateur d’un contenu musical déjà abouti, d’un jazz aux phases d’histoire bien assimilée. Musique tirée par les développements solos d’une guitare aux couleurs soft ou acides, selon les terrains abordés.
Et par un un ténor surtout qui, sur les « fortes »d’une cadence élevée comme sur l’alangui d’une balade en notes égrenées une à une témoigne d’un savoir faire prometteur, d’une culture du phrasé jazz de l’instrument alliant pour la circonstance tradition – re cultuvée, ré animée – et modernité « J’ai eu un prof, au Conservatoire des Landes, Jacky Berecochea, qui m’a fait travailler les géants du sax ténor, quelle que soit l’époque du jazz » se remémore en souriant Florian Marques « Il a également réussi à me faire débarrasser d’une tendance perso trop portée sur l’usage du vibrato… »
Robert Latxague