Fin de Jazz Campus avec India du Louis Sclavis quintet
Samedi 24 Août : un final réussi
La Pêche, 12h30 Ecuries St Hugues : le temps des copains
Derniers feux du festival qui débute avec le concert de l’Atelier Fanfare aux Ecuries Saint-Hugues, une institution de Jazz Campus qui accueille plus de soixante volontaires.
Puis à l’heure du déjeuner, c’est le traditionnel pique-nique où on invite le public à venir écouter de la musique. Un concert gratuit et explosif avec un groupe de cinq copains (dont le régional de l’étape est le batteur Benoît Joblot, fils de deux bénévoles des plus investis) d’intrépides voyageurs amoureux des musiques débridées aux rythmiques complexes des Balkans, de la Bulgarie à la Turquie mais qui n’hésitent pas à quitter les bords de la Mer Noire pour s’aventurer jusqu’au Rio Grande et aux rivages mexicains. Ils se nomment La Pêche et c’est sans doute le déjeuner le plus festif jamais entendu à Cluny, car ils s’y entendent à faire danser leur public.
Louis Sclavis Quintet INDIA
Théâtre des Arts, 21h.
C’est la dernière soirée du festival, les jours et nuits ont filé cette année encore. C’est l’heure des remerciements traditionnels de la part du directeur du festival mais Didier Levallet oriente rapidement sa présentation en insistant sur l’importance de la culture et des arts dans notre vie quotidienne qui, comme la santé et l’éducation sont de nécessité publique, soutenus par l’argent de tous… Il rappelle l’importance de l’engagement d’un Jean Vilar qui est allé au devant du public… à Chaillot, à Avignon avec le T.N.P.
Puis il remercie la vaillante équipe des 25 bénévoles d’une fidélité à tout épreuve qui portent le festival sous la houlette d’Hélène Jarry, l’administratrice discrète mais efficace. Il évoque alors l’ami Alain Michalowicz qui nous a quitté en début d’été. Ce fut l’un des tout premiers membres actifs, il y a plus de vingt ans alors que le festival n’avait pas encore d’association vraiment structurée, un chercheur passionné de jazz, musique qu’il connaissait si bien…
Puis vient le moment d’écouter ce nouveau quintet de Louis Sclavis qui joua dans l’un des premiers concerts du festival en 1979, au sein du Workshop de Lyon, quand il était membre de l’ARFI ( Association pour la Recherche d’un Folklore imaginaire). Cette formation fut décisive car il a continué jusqu’à ce jour à chercher des influences dans les musiques du monde pour les transformer en un folklore propre. Son imaginaire musical singulier aime croiser divers univers : photographie, musiques de films, peinture. Il a toujours pris du temps à définir un sujet, se cherchant un «moteur» avant même que ne surgisse l’autre composante essentielle, l’émotion. On a toujours admiré chez Louis Sclavis cette aptitude à élaborer des projets aux titres formidables.
Benjamin Moussay au piano, Sarah Murcia à la contrebasse et Christophe Lavergne à la batterie l’accompagnent depuis 2015 (Characters on Wall) mais il faut compter à présent avec le trompettiste Olivier Laisney pour le nouveau répertoire India dont Sclavis annonce la teneur avec un faux détachement timide. “Comme un clin d’œil au disque enregistré avec mon premier quintet au début des années 1980 “Chine”, et pour encore chercher vers l’Est, j’ai appelé ce projet “India”.
C’est un peu son India Song, son Nocturne indien. A écouter ses titres ( Mousson, Un théâtre sur les docks, Kali Temple, Montée au K2) on se fait bien une idée, est-ce l’Inde réelle de Pulan Devi, reine des bandits), ou un pays baroque revu à l’aune des Indes Galantes de Rameau-on se souvient de son Affrontement des Prétendants? Une Inde émerveillée à la vision des films de Satyajit Ray ou de la géographie imaginaire de Gunga Din? Au fond, peu importe l’argument, une fois trouvé, Sclavis en fait une autre matière, cérébrale autant que physique, menant ses groupes selon un scénario précis, traçant comme un parallèle entre les jeux des enfants, improvisés et très organisés et la mécanique de ses compositions.
Si on est un peu déstabilisé au départ par les unissons des soufflants ( clarinette basse ou clarinette et trompette), le duo prend vite son envol : on entre une fois encore dans cet univers de danses et de rythmes, de mélodies sensuelles et lumineuses. Il laisse aussi s’exprimer à son aise la section rythmique que l’on écouterait longtemps tant les trois, aussi subtils qu’impétueux s’ajustent parfaitement entre force vitale, énergie partagée et inspiration mordante. Au terme de ce stimulant voyage, c’est la musicalité du collectif que l’on retient. Toujours aussi lyrique dans le mouvement du corps et de la voix, Louis Sclavis fait encore entendre sa petite musique reconnaissable entre toutes.
Voilà , c’en est fini de cette quarante-septième édition où le public fut au rendez-vous, applaudissant à toutes les musiques libres, de jazz et d’improvisation dans l’excellente sélection du directeur artistique. Où la mélodie, l’émotion sont toujours présentes, sans aucun signe d’usure ou d’affaiblissement, où les musiciennes ont toute leur place. Une représentation que n’a jamais négligée dans ses choix Didier Levallet jusqu’à son dernier quintet Voix Croisées (Airelle Besson, Céline Bonacina et Sylvaine Hélary).
Lire d’ailleurs la présentation quasi sociologique de Nicole Videmann de Latins de jazz
Jazz Campus en Clunisois 2024 – La Programmation – Latins de Jazz (latins-de-jazz.com)
Il faut donc imaginer Didier Levallet heureux puisque cette édition fut à nouveau sans faute…
Sophie Chambon