Jazz live
Publié le 15 Oct 2024

Les Jeux collectifs de l’ONJ et de l’Ensemble intercontemporain

Créé à Châlons-en-Champagne ce 18 octobre, Jeux sera le programme d’adieu de l’ONJ de Frédéric Maurin, programme mis commun avec l’Ensemble intercontemporain, dont il partage la signature du répertoire avec les compositeurs·rices Sofia Avramidou et Andy Emler.

Le mandat de Frédéric Maurin à la tête de l’Orchestre national de jazz, où lui succédera Sylvaine Hélary en 2025, aura été le plus innovant et le plus intense jamais présenté par l’institution: orchestre des jeunes confiés à d’anciens chefs de l’ONJ, recréation d’œuvres du répertoire du jazz français (tel Anna Livia Plurabelle d’André Hodeir, hommage à Denis Badault, reprises du Dodecaband de Martial Solal), programme pour enfants (Dracula et son CD-bande dessiné), stages d’écriture et actions culturelles diverses, en plus du programme de création dont Maurin a su partager la signature avec des personnalités aussi diverses que Fred Pallem (Dancing In Your Head), Sylvaine Hélary, Ellinoa, Grégoire Letouvet, Leïla Martial (Rituels), Airelle Besson, encore Sylvaine Hélary et Sarah Murcia (Frame By Frame), Steve Lehmann (Ex Machina), déployant à chacun de ces programmes un panorama esthétique très ouvert, de la reprise pop aux expérimentations spectrales avec participation de l’Ircam. Avec son dernier programme Jeux, il fait tomber une sorte de tabou en faisant partager l’affiche, la scène et le répertoire de son ONJ avec l’autre grande institution dans le domaine de la création de musique vivante : l’Ensemble ontercontemporain.

Point de recrutement contraint, mais un volontariat invitant sept membres de chacune des deux formations à se réunir autour d’un répertoire restant à imaginer. Distinguons les ainsi, tels que je les découvrais (à une exception près) hier dans la salle de répétition de la Philharmonie 2.

Ensemble intercontemporain : Alain Billard (clarinettes basse et contrebasse), Jeanne-Marie Conquer (violon), Renaud Déjardin (violoncelle), Valeria Kafelnikov (harpe), Nicolas Crosse* (contrebasse), Aurélien Gignoux, Samuel Favre (percussions).

ONJ : Christiane Bopp (trombone), Fanny Meteier (tuba), Catherine Delaunay (clarinette, cor de basset), Julien Soro (saxophones), Guillaume Roy (violon alto), Bruno Ruder (piano), Rafaël Koerner (batterie).

Une distribution dont la présentation ci-dessus s’avère assez discutable, si l’on en juge à la répartition scénique de pupitres, sachant en outre que la majorité des musiciens de l’ONJ sont familiers du répertoire contemporain et de ses gestes intrumentaux. C’est ainsi que Guillaume Roy – certes improvisateur, à ma connaissance, plus aguerri des trois – constitue avec Jeanne Marie Conquer et Renaud Déjardin un pupitre de cordes difficilement dissociable.

Ce n’est qu’une fois l’orchestre constitué que les compositeurs se sont mis au travail, soit Sofia Avramidou pour l’intercontemporain, Frédéric Maurin pour l’ONJ et Andy Emler qui, de par ses études, peut se réclamer des deux mondes (et qui ne fut jamais admis à diriger l’ONJ). Point de juxtaposition, mais de véritables Jeux consistant à associer les trois plumes dans la confection de quatre suites, l’idée étant d’assurer une continuité dans chacune d’elles. Sachant que l’équilibre 7 + 7 décrit ci-dessus était rompu par l’absence de Nicolas Crosse (et de Sofia Avramidou tou·te·s deux empêché·es par la naissance de leur enfant). Ainsi le contrebassiste fut-il remplacé au pied levé par Sarah Murcia, prête à relever tous les défis.

Œuvres ouvertes à l’improvisation individuelle ou collective: l’amateur de jazz est cependant susceptible d’y reconnaître certains grooves de Frédéric Maurin, d’autres et certaines citations comme Andy Emler aime en truffer son écriture, et deviner, sans forcément l’avoir déjà fréquentée, l’écriture de Sofia Avramidou à certains étirements rythmiques, à certaines couleurs orchestrales, voire à certaines techniques instrumentale “étendues” (d’ailleurs pas inconnues de ses deux complices et que peuvent requérir spontanément certains des instrumentistes en cours d’improvisation). Le tout au profit de récits musicaux et de textures captivantes.

Trop dépaysé pour un compte rendu plus précis, j’ai retenu tout particulièrement la dernière pièce répétée, un duo de clarinettes fascinant entre Alain Billard et Catherine Delaunay, témoignant d’une communication quai télépathique et d’une espèce d’empathie timbrale et d’intonation singulièrement émouvante. « Ces deux-là, me précisait Frédéric Maurin partageant mon admiration, ils ont grandi ensemble, à Lyon, dans la classe de Jacques Di Donato. »

Rendez-vous vendredi prochain 18 octobre à La Comète de Châlons-en-Champagne et le 24 janvier au Conservatoire de Montreuil. Franck Bergerot