Jazz live
Publié le 25 Oct 2024

Les confidences du  “Laurent Coq Orchestra”…

…car ce trio de Laurent Coq qui célébrait ces 23 et 24 octobre au Sunside la sortie de son disque “Confidences” sonnait bien comme un orchestre.

En ouverture de ce concert, comme en ouverture du nouveau disque “Confidences”, on retrouve les boiteries hypnotiques d’Around The Corner que Laurent Coq signait déjà en 2008 pour le “Saïgon Quartet” de Julien Lourau. Mais d’emblée, ce qui frappe, quoiqu’il passe ici du quartette au trio, c’est la conception orchestrale de ce trio qui n’est plus – l’affaire n’est pas nouvelle dans l’histoire du trio jazz, mais ici particulièrement frappante –, qui n’est plus donc  1+ 2 mais une unité triangulaire indissociable, au sens de la répartition des rôles et des éléments du récit. À un exception près, le public n’applaudit pas à la fin des solos, comme s’il n’y avait pas de solos, mais un centre de gravité orchestrale qui se déplace plus ou moins du piano vers la batterie de Fred Paqua ou la contrebasse de Yoni Zelnik, sans rupture, et si rupture il y a – du discours, de l’intensité ou de la densité – elle ne signale pas forcément un déplacement du discours d’un instrument vers l’autre, mais éventuellement un nœud dramatique. L’ostinato même de la main gauche d’Around The Corner témoigne de cette plasticité orchestrale, ostinato d’autant plus obsédant qu’il est insaisissable au fil de ses déplacements sur le clavier. Nawari nous fait passer de cette massivité orchestrale à une circulation plus aérienne inaugurée par des motifs tintinnabulants d’où le morceau émerge, advient comme l’aube d’une journée, avec toujours autour du piano cette organicité orchestrale qui voit batterie et contrebasse défier l’évidence, exclure la redondance et la surcharge tout en étant intensément, mystérieusement et follement “là”.

Laurent Coq mêlera des emprunts à des opus antérieurs – tels ces deux mouvements tirés de sa Lafayette Suite ou cet attentif “pas de deux” qu’il avait dédié en solo à la danseuse Toshiko Oiwa sur “At Barloyd’s” – aux compositions de son nouveau disque dont ces Confidences qui donnent leur titre au nouvel album. Un album de confidences qui témoignent de moments et de lieux de vie chers au pianiste, tel ce 26, Esplanade Nathalie Sarraute. Quel est cet Ange Madiddjé qui pose une ombre de douceur sur cette fin de concert ? Peut-être Guilhem Flouzat nous en dit-il plus dans la préface du disque que, rédigeant cette chronique, je ne parviens plus à retrouver sous l’effondrement de disques qui parviennent encore quasi quotidiennement sur mon bureau. Pendant mes années Jazz Magazine, j’ai pris un tel soin de ces disques qui nous étaient envoyés – dressant un inventaire précis sur un fichier excel me permettant de donner des nouvelles (bonnes ou mauvaises) aux attaché.es de presse ou aux musiciens eux-mêmes – que mon départ à la retraite m’a entrainé dans un coupable désintérêt pour l’objet disque qui n’est plus pour moi qu’un aide-mémoire de mes sorties en concert. Il faudra que j’explore un peu plus précisément les strates phonographiques de mon bureau pour réécouter cette capricante Mazurka pour Alain Jean-Marie qui clôturait le concert d’hier, dernière évocation d’un lieu cher à Laurent Coq, la Villa, auquel était fidèle la rythmique Alain Jean-Marie, Gilles Naturel et Philippe Soirat. Franck Bergerot