Jazzdor 39 – La Main & Météore
Depuis la saison dernière le festival Jazzdor organise des concerts au Planétarium de la ville de Strasbourg, invitant les musiciens à jouer sur (?)/avec (?)/contre (?) la projection d’images spectaculaires de planètes, galaxies et autres nébuleuses. Cette année le nouveau groupe du guitariste Gilles Coronado La Main, ainsi que le duo Météore composé de l’altiste Maëlle Desbrosses et de la tubiste Fanny Meteier se sont (entre autres) pliés à l’exercice. Deux manières bien différentes de faire entendre la “musique des sphères”…
Celle de La Main fut radicale et curieusement féconde : ne pas prendre en compte le déroulé des images, jouer sa musique sans concession ni adaptation à la situation — et miser sur la création, dans l’esprit de l’auditeur, d’un réseau de correspondances entre les combinatoires formelles propres aux compositions et le système de valeurs, de courbes et de couleurs engendré par le mouvement des planètes, susceptible d’ensemencer l’imaginaire. Et de fait la rigueur toute mathématique des délicieuses petites boîtes à musique(s) faussement instables mises en branle par Coronado en compagnie d’Olivier Laisney à la trompette et Christophe Lavergne à la batterie, entra, durant la cinquantaine de minutes où elles s’enchaînèrent, dans de curieux effets d’échos avec la grande machinerie de l’univers telle que proposée par les images immersives — comme si toute création finalement n’était qu’une affaire de proportions et d’équilibres à trouver dans le chaos et l’informel. La musique du trio toute en tensions et énergies (sur)contrôlées, jouant constamment sur des effets de ruptures et de discontinuités pour mieux réaffirmer la prééminence de la forme, n’a peut-être jamais semblé aussi “composée” que dans ce contexte inhabituel…
Le duo Météore (qui n’avait jamais mieux porté son nom), sans jamais entrer pour autant dans une quelconque logique d’illustration sonore renvoyant à la musique de film ou au ciné-concert, a semblé de son côté prendre plus franchement le parti d’une correspondance (au moins partielle) entre musique et image. Tout en prenant appui sur les compositions de leur répertoire habituel Maëlle Desbrosses à l’alto et Fanny Meteier au tuba ont joué tout su long sur la plasticité formelle que leur offrait le minimalisme et le caractère chambriste de leur orchestration pour, bousculant les parties et accentuant ou rallongeant les séquences improvisées, chercher à susciter des moments d’“harmonie” voire de consonance entre les deux régimes de signe. Sans rien abandonner de la spécificité de leur univers cherchant sa voie entre domaine contemporain, musique improvisée et théâtre musical, les deux musiciennes, au lieu de se projeter dans “le silence éternel de ces espaces infinis” qui effrayait tant Pascal ont choisi plutôt de plonger dans l’intimité de la matière sonore, trouvant là par instant de réels points de convergence entre l’infime et l’infini.
Stéphane Ollivier