Jazz live
Publié le 2 Fév 2025 • Par Xavier Prévost

Création des ‘Mythologies’ de Claude Tchamitchian au Comptoir de Fontenay

Malgré les diminutions des financements publics signalées dans ces colonnes en décembre (https://www.jazzmagazine.com/les-news/jazz-live/le-comptoir-halle-roublot-cest-fini/), Musiques au Comptoir continue, même à moindre voilure, et grâce à l’implication des bénévoles, à présenter au public des concerts d’une belle qualité. Sur quatre résidences de création initialement prévues pour ce début d’année, deux ont pu être préservées, dont ce tout nouveau projet de Claude Tchamitchian

CLAUDE TCHAMITCHIAN ‘Mythologies’

Claude Tchamitchian (contrebasse, composition), Fabrice Martinez (trompette, bugle), Christiane Bop (trombone), Sakina Abdou (saxophone ténor), Christophe Marguet (batterie)

Fontenay-sous-Bois, Le Comptoir, 31 janvier 2025, 21h

Le contrebassiste fourmille toujours d’idées et de projets : après les deux moutures de ‘Ways Out’, le trio ‘Poetic Power’, le solo ‘In Spirit’, le trio ‘Nairi’, et le quartette ‘Vortice’ (CD à paraître en mars), voici ‘Mythologies’. Des mythologies personnelles, où se croisent des héros et héroïnes de la vie politique et sociale, un mythe antique, et une page de littérature écologique. C’est le tout premier concert, à l’issue d’une résidence de quatre jours dans le lieu. Avec cette nouvelle aventure le contrebassiste revient au jazz de stricte obédience : une contrebasse et une batterie qui dispensent l’harmonie et la pulsation, dans un jeu d’une richesse incroyable ; on jurerait une impro permanente, et concertée, destinée à porter en avant la section du souffle. Et un trombone, un sax ténor, et une trompette (qui cède ponctuellement sa place au bugle). Bref des deux côtés (rythmique et instruments à vent), des solistes de haut niveau. Au premier morceau j’ai l’impression que sax, trombone et trompette sonnent comme un grand orchestre tout entier, et je pense furtivement au big band de Carla Bley.

L’énergie, la vigueur et la puissance idiomatique me font aussi penser aux groupes de Mingus. De très belles harmonisations douces cohabitent dans le programme avec des polyphonies syncopées. Comme on dit en langage de section d’orchestre, ‘ y’a du courrier sur le pupitre’. Et la musique coule de source : magnifique travail d’écriture. Les interventions individuelles sont d’une liberté, d’une inventivité et d’une pertinence confondantes. Le premier titre évoque Robben Island, où Nelson Mandela fut longuement emprisonné. Le suivant nous parle des Femmes du Kerala, en Inde, qui luttent pour l’égalité. Puis c’est un thème apaisé, L’oiseau calme, qui part d’un solo de basse avant de s’envoler vers d’autres cieux. Claude Tchamitchian nous dit ensuite son peu de goût pour les religions (qu’il respecte) et les dieux, sauf un : Bacchus, auquel en tant qu’œnophile passionné il voue le culte qu’il mérite : ce sera une composition en forme de suite. À cet instant je prends, sous ma chaise, le verre de saumur champigny que j’ai placé en retrait, pour lui épargner les mouvements intempestifs de mes pieds, causés par l’enthousiasme rythmique que provoque chez moi cette musique…. Une autre suite sera inspirée par une courte nouvelle de Jean Giono, L’homme qui plantait des arbres, célébration prémonitoire de l’écologie. Rappelés, les artistes jouent un titre gardé en réserve : Dzoè (en grec ancien ζωή, la vie). Ce fut effectivement intensément vivant, et d’une densité artistique remarquable. Une très belle création que l’on espère réentendre sur les scènes et dans les festivals….

Xavier Prévost

Programme à venir au Comptoir de la Halle Roublot

https://www.musiquesaucomptoir.fr/agenda