Jazz live
Publié le 13 Avr 2025

Mark Priore (p)

Tonnerre de jazz, Médiathèque de Billère (64140)

C’est drôle comme un décor peut modifier la réception, colorer un concert. Ici, en particulier face à la grande baie vitrée de la Médiathèque de la ville béarnaise, les notes semblent ne pas devoir s’arrêter aux limites de la salle pour franchir la paroi de verre…

Mark Priore, sacré par Jazz Mag comme l’un des meilleurs pianistes de jazz de l’année l’a confié en préambule « J’aime les standards » Ce qui ne l’empêche pas de débuter ce concert solo matutinal par un titre personnel intitulé « Il pleut » alors qu’au dehors, inondant « lou beth ceu de Pau » ( Le beau ciel de Pau en langue occitane , cf  Jazz Live précédent dans Jazzmag. com ) le soleil brille brille brille brille…Les notes s’égrènent dans un climat de douceur, en rapport celle là avec la verdure du dehors tandis qu’une corneille se pose cool sur les branches d’un arbre bourgeonnant. Une « petite » musique en prélude. Avant, une fois le décor ainsi posé in vivo sur le clavier d’aborder l’entrain d’un tempo plus « forte » Les motifs rythmiques dont se régale le pianiste venu en Béarn pour accompagner la veille la chanteuse Charlotte Planchou, assurer un piano solo ce matin là,  et présider en soirée enfin le jury du Tremplin Tonnerre de Jazz (on en reparlera également…)

Les motifs rythmiques, soit chez lui une manière affirmée d’y placer une découpe précise des phrases dans la mélodie, plus une main droite vouée à broder des frises de notes au bon point de couture: le piano raconte ainsi une histoire, assure une  conversation suiviue. Tout sauf une surprise dès lors que Mark Priore sollicite Carla Bley pour une de ses compositions. (De la même façon que dans son album The many facets of a day / Cjazz production) il fait emprunt à un titre de Fred Hersch) Expressioniste aussi ce piano versé vif dans un « Angelica », morceau pas si connu que ça de Duke Ellington. On note plus tard en version piano  stride  ou carrément rag time (dans le même album cité toujours il se calque un moment sur  la spécialité de James P. Johnson) Puis vient au passage un clin d’oeil au jazz dit latin, moment d’un clavier plus effervescent. « Round Midnight » enfin parait vouloir pianistiquement réconcilier Monk et Duke. De quoi jumeler judicieusement une ligne mélodique clean impeccable avec les brisures, les hachures et  autres coupes de silence caractéristiques de l’art propre à Thélonious M.

Et voilà que derrière les grands panneaux vitrés, en arrière plan du Steinway vient à passer un chien à présent. Dans le continuum de la vraie vie la musique se plait à tisser la toile d’une certaine nostalgie. L’animal flairant l’herbe, son maître deux pas derrière, ne paraissent pas entendre cette sonorité pleine pour autant. Mark Priore revient sur un des titres de l’album pré-cité « Prior Vita », petite pièce de piano sonne romantique, comme on raconte une histoire sans anicroche dans le ton. Autre récit, celui dédié à Marcel un petit garçon calme d’apparence mais bercé d’onirisme. Le piano sculpte fidèlement ces reliefs de réalités contrastés.

`Pour conclure, dans une lumière en contrejour encore et toujoiurs Mark Priore annonce un standard. Un silence imprévu suit; qui se prolonge sur un…aveu « J’ai oublié son titre…» Il célèbre cet inconnu dans un mouvement virevoltant, accords rebondissants sans cesse sur le clavier. Le pianiste les aime pourtant c’est sur, les dits standards de jazz. Même orphelins de nom.

Piano en lumière sous l’oeil et l’objectif du mentor de Tonnerre de jazz, Jean-Claude Tessier

Robert Latxague