Jazz live
Publié le 19 Avr 2025

Le Jacky Molard Quartet sur un Plateau

Vingt ans ! Et toutes ses dents, voire plus. Comme si ça n’avait été jusque-là que des dents de lait. Vingt fois quatre avec Yannick Jory, Janick Martin et Hélène Labarrière.

« Encore, le Jacky Molard Quartet ! Tu les as déjà entendus vingt fois ! » disent-ils avec ce petit sourire en coin qu’ils échangent chaque fois que ma curiosité pour les jazzs métissés s’égare au nord du 47e parallèle au-delà duquel les musiques du monde perdent de leur potentiel touristique. Vingt fois, vraiment ? Oh, pas tant que ça ! Que je me souvienne… une seule fois à Paris sur le parvis de la Grande Halle, Malguénac, probablement, La Grand Boutique, et peut-être bien au Festival de Cornouaille il n’y a pas loin de 20 ans ! 20 ans, c’est en tout cas l’anniversaire que célébrait hier le quartette à l’Atelier du Plateau. Vingt, et bientôt cinquante ans que le violoniste breton, formé à l’école des fest-noz, défend sa culture tout en la nourrissant de ce qu’il été voir au-delà des mers et des terres : Irlande, Écosse, Balkans, Inde, Afrique, plus cette Amérique où s’est inventé cet art de l’assimilation, de la digestion trans-culturelle, de la réconciliation des contraires, racines et projection vers l’avant, oralité et écriture, art de l’instant improvisé et de l’éternel culturel… le jâse. Au fil des années, bien loin de s’essouffler, ces longues suites haletantes imaginées par Jacky Molard ont gagné en souffle par la maîtrise de ce répertoire oral – rien d’écrit, tout de mémoire jusqu’aux arrangements les plus prolixes – fait d’emprunts et d’originaux qui s’enchaînent en variations individualisées mais solidaires de la propulsion collective qui emporte l’auditeur comme un torrent tumultueux mais inexorable. Hélène Labarrière y a affirmé son placement face à la motricité fiévreuse de l’accordéon diatonique de Janick Martin sur ces vertigineuses asymétries rythmiques, y introduisant des tournemains acquis à la pratique de l’improvisation interactive dans le cadre tant du jazz moderne que des avant-gardes européennes. S’y mêlaient pièces déjà anciennes et nouveautés, telle cette audacieuse Asphyxie Climatique signée Labarrière dont la nouveauté suscite encore une nervosité non dissimulée au sein du groupe mais qui, dans une grande suspension onirique, révèle plus que jamais le métier d’improvisateur du saxophoniste Yannick Jory. Et cet autre point d’orgue sur une mélodie exposée par Jacky Molard avec des ornements qui font dresser mon oreille “irlando-écossaise”, The Maid of Coolmore, réveillant un souvenir enfoui : peut-être le premier disque du groupe irlandais The Bothy Band, quoique me semble plus familière la version chantée en 1954 par la chanteuse écossaise Sheila Stewart (“Songs and Ballads From Pergthshire Field Recordings of the 1950s” Greentrax Recordings). Instant de grâce, suivi d’un moment de complicité particulière du violon à l’unisson de l’accordéon diatonique. Franck Bergerot

Le 24 avril au Théâtre du Champ au Roy à Guingamp.