Ramona Horvath trio accueille Tony Lakatos
Samedi soir, l’institut hongrois de Paris offrait une occasion rare: celle d’écouter le saxophoniste hongrois Tony Lakatos, invité par la pianiste Ramona Horvath et son trio.
Ramona Horvath (piano), Nicolas Rageau (contrebasse), Philippe Soirat (batterie), Tony Lakatos(ténor), samedi 28 mai 2022, Institut Liszt, Centre culturel Hongrois de Paris, 92 rue Bonaparte 75006 Paris.
Depuis quelques années, on peut entendre à Paris la pianiste d’origine roumaine Ramona Horvath, installée dans la capitale en 2009, et qui s’exprime au sein d’un trio très équilibré constitué de Nicolas Rageau (contrebasse) et Philippe Soirat (batterie). On recommande d’ailleurs son dernier disque, Le sucrier velours, en duo avec Nicolas Rageau. Le jeu de Ramona Horvath la distingue de ses confrères, dévôts de Keith, Brad, ou Herbie. Elle, son dieu, c’est Erroll Garner. Et cela dit tout finalement de l’horizon musical qu’elle se donne : gaieté, vivacité, allégresse, surprises. On retrouve donc dans son jeu les introductions à tiroirs, les trémolos, le goût de l’ornementation, un plaisir communicatif de jouer, le tout reposant sur des bases classiques solides. Mais surtout : elle swingue ! Et d’une façon bien à elle. Un swing fleuri, mais incarné : engagement total dans le corps à corps avec le piano, accords plaqués avec force, bref un jeu somme toute assez physique (ne pas se fier aux apparences!).
Cette force explique qu’elle ait pu dialoguer d’égal à égal avec son hôte de ce soir, le grand saxophoniste Tony Lakatos, d’origine hongroise, installé en Allemagne. On sait dès ses premières notes sur Nica’s Dream qu’on a affaire à un maître. Avec lui, tout est sous contrôle : le son, le volume, la justesse, et l’équilibre global du groupe (il se tourne à plusieurs reprises vers Nicolas Rageau et Philippe Soirat pour mieux les écouter, et ne cache pas sa satisfaction).
Sur Nica’s dream, donc, il ne prend que deux ou trois chorus, mais son propos est très dense. Il se montre capable à chaque nouvelle grille de raconter une nouvelle histoire, avec des ambiances et un vocabulaire différents. Sur le blues il joue magnifiquement, avec un son énorme, capable de se transformer en preacher volubile, incantatoire, puissant.
Mais c’est peut-être sur les ballades que je l’ai le plus apprécié ce soir-là, par exemple sa manière suave d’exposer le bouleversant Daydream de Billy Strayhorn, où tout à coup il devient presque getzien.
Ramona Horvath l’accompagne avec quelques commentaires bien sentis, à la Count Basie, Nicolas Rageau ne se trompe jamais sur les notes essentielles, Philippe Soirat toujours swingant et musical dans le choix de ses timbres. Une belle alchimie s’établit entre ces musiciens qui ne s’étaient jamais rencontrés, miracle du jazz et de l’équilibrisme érigé en mode de vie, et la soirée se conclut en beauté par un Out of Nowhere inspiré.
Photos : Jean-François Carreau (mille remerciements à lui! )
Texte: Jean-Françoi Mondot