Rendez-vous de l’Erdre : Médéric dans tous ses éclats, Collignon sur tous les fronts !
Il fallait bien que Jazz Magazine envoie un commando de choc, un trio de… poids (Philippe Méziat, Pierre-Henri Ardonceau et moi-même) pour couvrir les quatre folles journées de concerts sur six scènes le long des quais de l’Erdre et pouvoir quelque peu rendre compte sur ce blog des mille émois que peut provoquer chez le festivalier ce “Rendez-vous” annuel début septembre à Nantes. Une vraie et joyeuse fête de famille. Celle du jazz, celle des musiciens comme des amateurs. Fête populaire (plus de 100 000 personnes cette année sur le site, malgré la pluie du dernier jour), manifestation conviviale et gratuite, orchestrée avec maestria par Loïc Breteau, son directeur, et Armand Meignan, son directeur artistique.
Médéric Collignon était cette année l’invité “fil rouge” de cette 31e édition des Rendez-vous de l’Erdre, avec au menu une dizaine de prestations scéniques ou “hors-piste ” diverses et variées : duo avec le contrebassiste Sébastien Boisseau, puis le batteur Arthur Narcy ; solo pour saluer dès potron-minet (à huit heures du matin!), pendant toute la durée du festival, le lever du soleil sur les rives de l’Erdre, chaque fois dans des lieux différents ; ateliers sur une péniche transformée en crèche “souris verte” pour ouvrir les oreilles enfantines aux délices du jazz et y semer la graine du swing, etc. En caméléon omniprésent, allumé de l’impro monté sur ressorts, magicien d’effets électro-toniques, virtuose de soli cuivrés, funambule des cordes vocales, acrobate du beat boxing, speedé des claviers peu tempérés, “Médo le Magnifique” grâce un don de présence magnétique a assuré ce programme de stakhanoviste en sautant “du coq à l’âne” (comme il aime à dire), d’un ring à l’autre, avec une énergie juvénile qui semble inépuisable. “Peut-être, mais je ne ferai pas tout ce marathon tous les jours” nous confiait-il en fin de parcours.
Ne dites jamais à Collignon qu’il est trompettiste. Cela l’agace fortement. Médéric est d’abord un souffleur de cornet à pistons. Il peut aussi jouer du bugle, du cornet de poche, mais jamais de trompette. Lors d’une de ses flamboyantes “performances”, il s’est présenté au public comme “l’encorné du cornet”. Mais comment faut-il vraiment écrire le mot ? Avec ou sans t final ? Avec Médo, pas de problème, les deux orthographes fonctionnent. C’est “l’encornet” en tant que pieuvre tentaculaire qui jongle avec son instrument à vent avec la dextérité et la rapidité du prestidigitateur. Mais aussi “l’encorné” qui, tel le bélier, fonce tête baissée et joue toujours à fond, sans craindre la dépense ni la panne de carburant. « Sur scène, je suis comme un cascadeur, un sportif qui se doit de se concentrer sur son jeu. Et ce n’est pas manquer de respect au public. Quand on est sur scène, on est en survie, on ne pense qu’à nous. C’est important d’être alors autocentré, de s’occuper d’abord de soi pour mieux s’occuper des autres.” Ce que Médo résume en cet aphorisme paradoxal rapporté par Fréderic Potet dans les colonnes du Monde : “Il faut être égoïste pour être généreux avec autrui.”
Comme apéritif au marathon Collignon, ce fut pour moi un vrai bonheur, vendredi en fin d’après-midi, de l’entendre scatter et “corneter” sur une péniche, en direct sur Jazz à Fip, en dégustant des huîtres et buvant du Muscadet avec Jacky Terrasson et Stéphane Belmondo, qui devaient jouer plus tard dans la soirée sur la scène nautique avec Majid Bekkas, délicieux joueur gnaoua de guembri et d’oud. Mais pas le temps de souffler, le plat de résistance arriva très vite, à 21h scène Sully, avec le “power group” Wax’In. Boosté par Collignon avec l’appui franc et massif de Christophe Godin (il a un… “poêle” dans la main pour cracher avec sa guitare de telles giclées de heavy metal en fusion !), Philippe Bussonnet (basse électrique) et Franck Vaillant (batterie), ce groupe sortit tout de suite l’artillerie lourde en un irrésistible sentiment d’urgence. Pas de doute, ça dépote, ça envoie, ça fracasse et décrasse les esgourdes ! Le public de Sully semble aux anges sous ce déluge de décibels.
“Wax’In, confie Médéric Collignon, c’est une sorte de Frankenstein, une hydre à quatre têtes, une récréation entre mecs de 40 à 50 ans”. Mais aussi l’invitation à s’enivrer gaiment d’un cocktail explosif de folie continuelle et de rigueur fusionnelle. L’envie de se doper chacun à l’énergie des trois autres pour mieux la décupler. Le bonheur partagé de slalomer librement entre jazz, free, trash, électro, rock, impro et cætera. “L’idée n’est pas de jouer, précise-t-il, dans tel ou tel style mais de jouer ensemble. Je ne suis que le coloriste, l’harmoniste de ce groupe où il n’y a pas de chef. Chacun est libre d’y prendre sa part comme il l’entend, quand il le veut…” Mission accomplie !
Samedi 22h30, Médo sur l’eau, cela ne se rate pas. A force d’insistance souriante, je suis parvenu à m’introduire dans l’espace réservé aux invités de la mairie de Nantes pour être face à la scène nautique, sorte de ring posé sur l’eau au beau milieu du bassin Ceineray de l’Erdre, et ainsi pouvoir jouir du spectacle de MoOvies (avec un double o dont le second majuscule) dans les meilleures conditions de vue et de son. Avec son quartette Jus de Bocse augmenté du célèbre quintette EuTéPé, l’Ensemble de Trompettes de Paris drivé par son vieil ami Patrick Fabert (Onj Barthélemy, deuxième du nom), Médéric Collignon y projette en cinémascope et technicolor les bandes originales de films signées Lalo Schifrin, David Shire et Quincy Jones, de « Dirty Harry » à « Brubaker » en passant par « Dollars ».
Partant du principe « quand on aime, on ne conte pas : la musique suffit”, l’ambition de Médo dans ce projet est d’abord de “montrécouter”. A savoir “faire passer sans écran l’image par les oreilles”. Et ça marche. Il suffisait de voir les sourires qui s’épanouissaient sur le visage des spectateurs pour s’en convaincre. L’ordre des titres est ici différent de celui de l’album. Et une nouvelle fois ça marche. Avec son intelligence aiguisée de la vie et des gens comme de l’espace et de l’instant, grâce à sa souplesse cérébrale, sa rapidité de réflexes et sa générosité spontanée, le cornettiste entraine tout son monde dans son manège de funkitude euphorisante. On pense particulièrement à l’irrésistible The Way to San Mateo, titre tiré de “Bullit” et signé Lalo Schiffrin. Avec au programme, en bonus, la première sur scène d’ “Entrez Maurice”, composition pour cinq trompettes que Médo a écrite en hommage à Maurice André pour EuTéPé qui vient de l’enregistrer dans un superbe double album nommé “Kanaps” (en souvenir de Jean-François Canape) à paraître quand Patrick Fabert aura trouvé un label d’accueil. Au secours !
Dans le nouveau Jus de Bosce, à noter deux choses importantes : la furia toujours contagieuse d’Yvan Robilliard au Fender Rhodes et le remplacement de Philippe Gleizes à la batterie par Nicolas Fox (nOx. 3 avec son jumeau Rémi au sax) qui insuffle au quartette sa juvénile présence et sa science métronomique très précise.
Conclusion : à la fin de ces trois jours à Nantes, j’ai envie de dire comme Schwarzenegger dans Terminator : « I’Il be back ». Ou comme l’a juré le Général McArthur : « I shall return ». For sure !!! Merci Armand Meignan et toute l’équipe des RDVE. •|Il fallait bien que Jazz Magazine envoie un commando de choc, un trio de… poids (Philippe Méziat, Pierre-Henri Ardonceau et moi-même) pour couvrir les quatre folles journées de concerts sur six scènes le long des quais de l’Erdre et pouvoir quelque peu rendre compte sur ce blog des mille émois que peut provoquer chez le festivalier ce “Rendez-vous” annuel début septembre à Nantes. Une vraie et joyeuse fête de famille. Celle du jazz, celle des musiciens comme des amateurs. Fête populaire (plus de 100 000 personnes cette année sur le site, malgré la pluie du dernier jour), manifestation conviviale et gratuite, orchestrée avec maestria par Loïc Breteau, son directeur, et Armand Meignan, son directeur artistique.
Médéric Collignon était cette année l’invité “fil rouge” de cette 31e édition des Rendez-vous de l’Erdre, avec au menu une dizaine de prestations scéniques ou “hors-piste ” diverses et variées : duo avec le contrebassiste Sébastien Boisseau, puis le batteur Arthur Narcy ; solo pour saluer dès potron-minet (à huit heures du matin!), pendant toute la durée du festival, le lever du soleil sur les rives de l’Erdre, chaque fois dans des lieux différents ; ateliers sur une péniche transformée en crèche “souris verte” pour ouvrir les oreilles enfantines aux délices du jazz et y semer la graine du swing, etc. En caméléon omniprésent, allumé de l’impro monté sur ressorts, magicien d’effets électro-toniques, virtuose de soli cuivrés, funambule des cordes vocales, acrobate du beat boxing, speedé des claviers peu tempérés, “Médo le Magnifique” grâce un don de présence magnétique a assuré ce programme de stakhanoviste en sautant “du coq à l’âne” (comme il aime à dire), d’un ring à l’autre, avec une énergie juvénile qui semble inépuisable. “Peut-être, mais je ne ferai pas tout ce marathon tous les jours” nous confiait-il en fin de parcours.
Ne dites jamais à Collignon qu’il est trompettiste. Cela l’agace fortement. Médéric est d’abord un souffleur de cornet à pistons. Il peut aussi jouer du bugle, du cornet de poche, mais jamais de trompette. Lors d’une de ses flamboyantes “performances”, il s’est présenté au public comme “l’encorné du cornet”. Mais comment faut-il vraiment écrire le mot ? Avec ou sans t final ? Avec Médo, pas de problème, les deux orthographes fonctionnent. C’est “l’encornet” en tant que pieuvre tentaculaire qui jongle avec son instrument à vent avec la dextérité et la rapidité du prestidigitateur. Mais aussi “l’encorné” qui, tel le bélier, fonce tête baissée et joue toujours à fond, sans craindre la dépense ni la panne de carburant. « Sur scène, je suis comme un cascadeur, un sportif qui se doit de se concentrer sur son jeu. Et ce n’est pas manquer de respect au public. Quand on est sur scène, on est en survie, on ne pense qu’à nous. C’est important d’être alors autocentré, de s’occuper d’abord de soi pour mieux s’occuper des autres.” Ce que Médo résume en cet aphorisme paradoxal rapporté par Fréderic Potet dans les colonnes du Monde : “Il faut être égoïste pour être généreux avec autrui.”
Comme apéritif au marathon Collignon, ce fut pour moi un vrai bonheur, vendredi en fin d’après-midi, de l’entendre scatter et “corneter” sur une péniche, en direct sur Jazz à Fip, en dégustant des huîtres et buvant du Muscadet avec Jacky Terrasson et Stéphane Belmondo, qui devaient jouer plus tard dans la soirée sur la scène nautique avec Majid Bekkas, délicieux joueur gnaoua de guembri et d’oud. Mais pas le temps de souffler, le plat de résistance arriva très vite, à 21h scène Sully, avec le “power group” Wax’In. Boosté par Collignon avec l’appui franc et massif de Christophe Godin (il a un… “poêle” dans la main pour cracher avec sa guitare de telles giclées de heavy metal en fusion !), Philippe Bussonnet (basse électrique) et Franck Vaillant (batterie), ce groupe sortit tout de suite l’artillerie lourde en un irrésistible sentiment d’urgence. Pas de doute, ça dépote, ça envoie, ça fracasse et décrasse les esgourdes ! Le public de Sully semble aux anges sous ce déluge de décibels.
“Wax’In, confie Médéric Collignon, c’est une sorte de Frankenstein, une hydre à quatre têtes, une récréation entre mecs de 40 à 50 ans”. Mais aussi l’invitation à s’enivrer gaiment d’un cocktail explosif de folie continuelle et de rigueur fusionnelle. L’envie de se doper chacun à l’énergie des trois autres pour mieux la décupler. Le bonheur partagé de slalomer librement entre jazz, free, trash, électro, rock, impro et cætera. “L’idée n’est pas de jouer, précise-t-il, dans tel ou tel style mais de jouer ensemble. Je ne suis que le coloriste, l’harmoniste de ce groupe où il n’y a pas de chef. Chacun est libre d’y prendre sa part comme il l’entend, quand il le veut…” Mission accomplie !
Samedi 22h30, Médo sur l’eau, cela ne se rate pas. A force d’insistance souriante, je suis parvenu à m’introduire dans l’espace réservé aux invités de la mairie de Nantes pour être face à la scène nautique, sorte de ring posé sur l’eau au beau milieu du bassin Ceineray de l’Erdre, et ainsi pouvoir jouir du spectacle de MoOvies (avec un double o dont le second majuscule) dans les meilleures conditions de vue et de son. Avec son quartette Jus de Bocse augmenté du célèbre quintette EuTéPé, l’Ensemble de Trompettes de Paris drivé par son vieil ami Patrick Fabert (Onj Barthélemy, deuxième du nom), Médéric Collignon y projette en cinémascope et technicolor les bandes originales de films signées Lalo Schifrin, David Shire et Quincy Jones, de « Dirty Harry » à « Brubaker » en passant par « Dollars ».
Partant du principe « quand on aime, on ne conte pas : la musique suffit”, l’ambition de Médo dans ce projet est d’abord de “montrécouter”. A savoir “faire passer sans écran l’image par les oreilles”. Et ça marche. Il suffisait de voir les sourires qui s’épanouissaient sur le visage des spectateurs pour s’en convaincre. L’ordre des titres est ici différent de celui de l’album. Et une nouvelle fois ça marche. Avec son intelligence aiguisée de la vie et des gens comme de l’espace et de l’instant, grâce à sa souplesse cérébrale, sa rapidité de réflexes et sa générosité spontanée, le cornettiste entraine tout son monde dans son manège de funkitude euphorisante. On pense particulièrement à l’irrésistible The Way to San Mateo, titre tiré de “Bullit” et signé Lalo Schiffrin. Avec au programme, en bonus, la première sur scène d’ “Entrez Maurice”, composition pour cinq trompettes que Médo a écrite en hommage à Maurice André pour EuTéPé qui vient de l’enregistrer dans un superbe double album nommé “Kanaps” (en souvenir de Jean-François Canape) à paraître quand Patrick Fabert aura trouvé un label d’accueil. Au secours !
Dans le nouveau Jus de Bosce, à noter deux choses importantes : la furia toujours contagieuse d’Yvan Robilliard au Fender Rhodes et le remplacement de Philippe Gleizes à la batterie par Nicolas Fox (nOx. 3 avec son jumeau Rémi au sax) qui insuffle au quartette sa juvénile présence et sa science métronomique très précise.
Conclusion : à la fin de ces trois jours à Nantes, j’ai envie de dire comme Schwarzenegger dans Terminator : « I’Il be back ». Ou comme l’a juré le Général McArthur : « I shall return ». For sure !!! Merci Armand Meignan et toute l’équipe des RDVE. •