UMLAUT CHAMBER ORCHESTRA «Zodiac Suite – Mary Lou Williams»
Plaisir pour le chroniqueur de venir dans ce Théâtre de l’Aquarium, au cœur de l’ensemble de lieux culturels de la Cartoucherie de Vincennes (dans ce bois de Vincennes, on est dans le 12ème arrondissement de Paris). Plaisir mérité car il a fallu se passer des transports en commun : pas un RER sur ma ligne ce week-end…. Alors, c’est voiture, mais pour éviter les embouteillages du samedi après-midi sur les autoroutes A3 (plus périphérique) ou A86, en traversant les banlieues (Rosny-sous-Bois, Montreuil, Fontenay, Vincennes), des encombrements aussi. Bref pour le jazzophile banlieusard, venir au concert à Paris, en journée ou en soirée, en semaine ou pendant le week-end, est toujours une aventure….
UMLAUT CHAMBER ORCHESTRA
«ZODIAC SUITE – MARY LOU WILLIAMS»
PIERRE-ANTOINE BADAROUX (direction)
AGATHE PEYRAT (chant), CHLOÉ TALLET (flûte), GUILLAUME RETAIL (hautbois), GEOFFROY GESSER (clarinette, saxophone ténor), PIERRE FATUS (basson), BRICE PICHARD (trompette), HARMONIE MOREAU (cor), MICHAËL BALLUE (trombone), MATTHIEU NAULLEAU (piano), SÉBASTIEN BELIAH (contrebasse), ANTONIN GERBAL (batterie), STÉPHANIE PADEL, FLORIAN PERRET, ÉMILIE SAUZEAU, RAPHAËL COQBLIN, CLÉMENTINE BOUSQUET, CLARA JASZCYSZYN, LUCIE PIERRARD (violons), ELSA SEGER, VALENTINE GARILLI (altos), MYRTILLE HETZEL, PABLO TOGNAN (violoncelles),
MATTHIEU NAULLEAU (piano), SÉBASTIEN BELIAH (contrebasse), ANTONIN GERBAL (batterie)
Paris, Théâtre de l’Aquarium, 13 mai 2023, 17h
Le concert commence par un solo du pianiste, tendance stride : l’une des sources musicales de Mary Lou. Puis c’est un trio avec contrebasse et trompette sur un arrangement de Stardust, suivi d’un boogie en sextette (batterie, trombone et clarinette ont rejoint le trio)
Après ce préambule qui rappelle le programme du concert de décembre 1945 au Town Hall de New York, où fut créée la Zodiac Suite, voici l’orchestre au complet : les cordes, les bois, les cuivres : que la fête commence.
Le disque «Mary’s Ideas» de l’Umlaut Big Band (Umlaut Records), enregistré en 2021, nous offrait, en plus de pièces du concert du Town Hall, trois extraits de la suite. Ce concert va nous donner l’intégralité de cette œuvre qui mêle à une instrumentation de jazz un pupitre de bois, un cor et des cordes. Tous les pupitres sont très investis, la précision est grande, et l’emportement vient quand il faut. L’orchestration est celle originellement prévue par la compositrice, alors que certaines parties avaient été édulcorées, ou fautives, lors de l’unique concert de 1945. La musique procède tantôt par alternance de langages, tantôt par tuilage, entre jazz et musique de chambre. L’écriture des cordes se souvient des compositeurs européens de la fin du 19ème siècle et du début du vingtième. On entend aussi l’écho de l’entertainment états-unien de l’entre-deux guerres, et des musiques de film de cette période (dont bien des compositeurs étaient des immigrés fuyant le nazisme autour de 1930). Mais c’est bien de musique américaine qu’il s’agit, et j’entends parfois (phantasme de vieil amateur ?) des couleurs qui me rappellent Billy Strayhorn. Chaque pièce évoque un signe du zodiac, et pour l’une d’entre elle Geoffroy Gesser quitte le rang, et la clarinette, pour jouer sur l’avant-scène le rôle que tenait Ben Webster en 1945. D’un bout à l’autre du concert, je suis conquis, captif. Les contrastes de style, de couleurs, de rythmes et de dynamique tiennent en haleine tout le public, nombreux et attentif. Pour l’ultime pièce, la chanteuse rejoint l’orchestre : le concert est acoustique, mais le micro qu’elle utilise la dessert, saturant dans le forte et dans l’aigu. Et l’accord du piano a pas mal bougé au fil du concert. Mais ma joie demeure entière : très beau moment de musique, salué par l’ovation finale
Xavier Prévost
C’était la première de ce programme, qui sera repris le 23 mai au Tandem, Scène Nationale d’Arras (Pas-de-Calais), le 10 octobre au Théâtre de la Renaissance d’Oullins (Rhône), et le 18 novembre à Paris, Maison de la Radio (Jazz sur le Vif)
