À la recherche d’Al Jarreau
Il est de toutes les musiques, et dans les disques des autres aussi, car Al Jarreau n’était pas du genre à refuser une invitation. Voici vingt titres enchanteurs que vous ne trouverez pas dans la discographie d’Al Jarreau. Sélection.

Titre Sophisticated Lady
Artiste J.R. Monterose
Album Live At The Tender Trap
Fresh Sound Records, 196Première apparition publique d’un jeune chanteur dans un club de l’Iowa où il se produira régulièrement jusqu’en 1965 (le Tender Trap verra également débuter David Sanborn). Il rejoint le solide quartette du saxophoniste hard-bop J.R. Monterose pour une poignée de standards. Tout en retenue, Alwyn cherche son style.

If I Ever Loose That Heaven
Quincy Jones
Body Heat
A&M, 1974
« Au bout de quelques minutes d’écoute, je réalise que ces percussions sont en réalité une voix humaine ! Cela m’a ouvert de nouveaux horizons », se souvient Bobby McFerrin, 24 ans lorsqu’il découvre cette pépite soul à la troublante sensualité. Les voix de Minnie Ripperton et Leon Ware y sont donc soutenues par un étonnant “percussionniste vocal” alors inconnu du grand public.

Hot New Blues
Chick Corea
Secret Agent
Polydor , 1978
Un faux chœur gospel féminin (entièrement chanté par l’épouse de Corea, Gayle Moran), un démarrage cool blues soudain rattrapé par un esprit fusion, un solo de synthétiseur en folie, une composition qui se complexifie et pousse le chanteur dans ses retranchements, entre voix de fausset et rare descente dans l’hyper-grave. À (re)découvrir d’urgence !

Carry On
Flora Purim
Carry On
Warner Bros. Records, 1979
La chanteuse des débuts de Return To Forever réconcilie rythmes brésiliens et disco dans ce titre composé et produit par George Duke. Duo magique avec Jarreau, dont la voix se mélange aux percussions de Sheila Escovedo et Airto Moreira. Irrésistible.

Your Precious Love
Al Jarreau & Randy Crawford
Casino Lights
Warner Bros. Records, 1982
Duo vocal d’une infinie tendresse sur la scène du Casino de Montreux, soutenu par la crème des musiciens Warner de l’époque (avec un solo de Larry Carlton gorgé de feeling). Al Jarreau a trouvé en Randy Crawford, fantastique chanteuse soul, une partenaire idéale.

Girls Know How
Nightshift Movie Soundtrack
Warner Bros. Records, 1982
La ritournelle simple et entêtante est de Burt Bacharah, la production de Jay Graydon, le gratin de la pop west coast est dans la place (les indispensables David Foster, Jeff Porcaro, Jerry Hey, les choristes Richard Page et Steve George). Un délicieux inédit de l’album Breaki’ Away ? Non la musique d’une comédie romantique oubliée de Ron Howard…

Bet Cha Say That To All The Girls
Sister Sledge
Bet Cha Say That To All the Girls
Atlantic, 1983
C’est George Duke, producteur de l’album, qui a l’idée de proposer à Al de venir rapper sur le disco-funk de Sister Sledge… Oui, vous avez bien lu, ici notre chanteur se transforme en MC, et s’amuse comme un fou à scander son texte sur fond de drums machines programmées par Duke.

Since I Fell For You
Bob James & David Sanborn
Double Vision
Warner Bros. Records, 1986
Al Jarreau a-t-il un jour mieux chanté que dans cette reprise d’un vieux blues de Buddy Johnson ? C’est surtout l’alchimie quasi-surnaturelle de ses échanges avec Sanborn qui impressionne. « Nous allions de surprise en surprise, et si Al chantait comme un instrumentiste, j’aimais jouer du saxophone “comme un chanteur”. Nous passions tous deux d’un monde à l’autre, et nous nous comprenions si bien ! » racontera Sanborn.

Moonlighting (Theme)
Al Jarreau
Maxi Single WEA, 1987
« Le meilleur album que j’ai produit et qui ne s’est pas vendu »’ : c’est ainsi que Nile Rodgers évoque le très réussi “L Is For Lover”, probablement l’enregistrement le plus pop d’Al Jarreau. La chanson Moonlighting, BO d’une célèbre série TV (souvenez-vous, les blagues de Bruce Willis et le glamour de Cybill Shepherd !), fut retirée de l’album juste avant sa publication, Al et Nile ne la trouvant pas au niveau des autres titres. Et elle devint vite l’un des thèmes les plus connus du chanteur ! Préférons la version longue, parue dans le maxi-45 tours de 87, pour l’impro scattée finale de Jarreau.
You Send Me
Hiram Bullock
Give It What You Got
Atlantic Jazz , 1987
Jarreau retrouve ici le guitariste le plus fun(ky) de la planète, camarade occasionnel sur scène où ils partagent la même énergie joyeuse. Et en offrant ce remake soul et soyeux du premier succès de Sam Cooke, ils cherchent avant tout à se faire plaisir. Plaisir communicatif !
Never Explain Love
Do The Right Thing Movie Soundtrack
Motown, 1989
Dans ce film majeur de Spike Lee, la nom d’Al Jarreau est entonné par le DJ joué par Samuel L. Jackson parmi quelques légendes de la musique afro-américaine. Contrastant avec le crescendo de violence de l’intrigue, Al Jarreau interprète de sa voix caressante cette chanson romantique qui accompagne le générique de fin, secondé par de superbes arrangements de cordes signés Clare Fisher.
Freddie Freeloader
Jon Hendricks & Friends
Listen To Monk
Denon, 1990
Renversante jam session autour du Rhythm-A-Ning de Thelonious Monk. Hendricks raconte : « J’ai simplement laissé les micros allumés pendant une pause dans l’enregistrement de Freddie Freeloader, suggéré à George (Benson) et Al (Jarreau) de “s’amuser un peu”, donné à Tommy Flanagan quelques instructions qui nous ont lancés en orbite dans ce qui est l’une des performances de chant scat les plus fantastiques de l’histoire… d’autant plus que personne ne savait qu’il était enregistré ! »
Blue Skies
Glengarry Glen Ross Soundtrack
Elektra, 1992
Dès les premières secondes, John Patitucci et Peter Erskine annoncent la couleur : cette ballade jadis popularisée par Frank Sinatra sera jouée à un rythme d’enfer. Enregistré live et en une seule prise, c’est bien un des chefs-d’oeuvre cachés de la discographie d’Al Jarreau, une folle performance où s’entend son amour pour Betty Carter.
Symphonie n° 4
Lou Harrison
A Portrait
Decca, 1997
Que fait Al Jarreau dans une symphonie composée par un élève hippie de Schönberg, confrère de John Cage, amoureux du gamelan javanais ? Tour à tour chanteur et narrateur, il livre une interprétation très contrôlée. Il se fait conteur de légendes traditionnelles Navajo, d’une voix claire et expressive. Puis interprète virtuose de longues sections mélodiques pentatoniques, naissant du bourdonnement d’instruments à percussion. Décidément dans son élément dans tous les univers !
Waters Of March
Lee Ritenour
A Twist Of Jobim
I.E. Music, 1997
Jarreau ne ratait jamais une occasion de déclarer sa flamme à la musique brésilienne. En duo avec la chanteuse soul Oletta Adams (surtout connue pour ses collaborations avec le groupe Tears For Fears), dans le bel écrin d’une production Ritenour, Al rend hommage à un de ses maîtres compositeurs, Antonio Carlos Jobim, avec une infinie délicatesse.
My Funny Valentine
Michael Patches Stewart
Penetration
Hip Bop Records, 1998
Il en parlait depuis quinze ans… Al jarreau souhaitait enregistrer le classique de Rogers & Hart. S’il accepte l’invitation du trompettiste (et ancien membre régulier de sa formation) Patches Stewart, c’est parce que cette version ne ressemble à aucune autre, audacieusement arrangée par le génial producteur et claviériste Jim Beard. La qualité de jeu est exceptionnelle (Kenny Garrett est là aussi), et ça sonne résolument contemporain, avec ces boucles de batterie électronique de Zach Danziger, dans une mouvance drums’n’bass. A écouter toutes affaires cessantes.
Whisper Not
Benny Golson
New Time New Tet
Concord, 2009
Popularisée par les Jazz Messengers en 1956, la mélodie addictive du saxophoniste semblait murmurée, comme une confidence, dans sa version d’origine. Jarreau s’en empare avec respect et retenue, sonnant vraiment comme un saxophone (il se substitue à Golson, et c’est d’ailleurs l’excellent trompettiste Eddie Henderson qui assure le solo).
Excellent Adventure
Al Jarreau
The Very Best Of Al Jarreau
Rhino Records, 2009
Titre inédit paru dans une compilation, une composition purement Jarreau (joie, swing et fantaisie), mais ce qui change ici est le son quasi hip-hop, avec la production de la paire Ahmir « ?uestlove » Thompson/James Poyser, ex-The Roots. Le mariage est si réussi qu’on se prend à regretter qu’il ne se soit pas prolongé sur tout un album.
Double Face
Eumir Deodato
The Crossing
Expansion, 2011
Navigant entre la bossa, le jazz et la pop depuis ses glorieuses années 1970, Deodato était pour Al Jarreau le partenaire rêvé. Groove entraînant, mélodie rafraîchissante, chouette solo de Rhodes et scat impeccable, le chanteur retrouvait ici une nouvelle jeunesse, et le single remporta un certain succès pendant l’été 2011.