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“Pandemonium”
The Time
Paisley Park / Reprise

1990

Notre premier Disquindispensable du week-end serait-il l’un des albums les plus outrageusement funky des nineties, voire des trente-quatre dernières années ? Il me semble que la réponse est oui. Comme dans les trois albums précédents du groupe – six ans s’étaient écoulés depuis “Ice Cream Castle”, une  éternité à cette époque –, Prince était très impliqué, mais il avait tout de même laissé cette fois  une place de choix aux membres du groupe : Morris Day (chaud comme la braise), Jesse Johnson (en feu), Monte Moir, Jellybean Johnson, Jerome Benton, Jimmy Jam et Terry Lewis (en mission).
Dans la musette princière, tout de même, cinq chansons : Chocolate, Jerk Out, My Summertime Thang, Data Bank et Donald Trump (Black Version) – l’Agent Orange l’a-t-il déjà écoutée ? Peu probable…
Prince, comme de coutume, n’est crédité nulle part, si ce n’est dans les special thanks, juste avant… son alter ego Jamie Starr !
Jerk Out, au passage, est à ce jour le plus gros succès de The Time dans les charts, et l’on se rua évidemment sur le CD single et ses Sexy Mix, Sexy Edit, A Cappella, Sexy Dub et Sexy Instrumental – quelques mois plus tard, ce fut le tour du CD single de Chocolate : fondait-il dans les oreilles et pas dans la main ? Hmm, rien, en l’occurrence, ne pouvait dépasser les versions album.
Passée l’intro drôlatique, Dreamland, l’enchaînement-déchaînement de Pandemonium, Sexy Socialites et Jerk Out est absolument irrésistible, une leçon de funk made in Minneapolis.
Plus loin, Skillet et sa saynète en intro (Cooking Class), permet encore à Jesse Johnson de casser la baraque – et tout le monde se souvient que cette chanson servit de générique à une émission vraiment Nuls ? J’adore, aussi, cette mention dans le livret : « Mixed in the skillet for more sizzle, pure hiss and true distorsion. »
Hey guys, how about a reunion of The Time ? Time flies, it’s time !

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“Synchronicity”
The Police
A&M Records

1983

Ainsi quarante années ont passé depuis “Synchronicity” est directement entré dans mon Panthéon Décousu, classique instantané d’un trio qui fut un peu, beaucoup, passionnément, à la folie nos Beatles à nous, enfants des années 1980. On ne le savait évidemment pas encore quand le disque a commencé de tourner et que la puissance tellurique de Synchronicity I nous fit tomber de notre chaise, mais deux ans plus tard Sting voguerait solo entouré des meilleurs jazzmen afro-américains du moment – parmi eux, le futur bassiste des Rolling Stones (celui qu’on ne verra jamais sur les photos du groupe).
Passé Synchronicity I, Walking In Your Footsteps nous emportait dans une jungle étrange (« Y font du Talking Heads Police maintenant ? » m’étais-je dis), Oh My God groovait sévèrement (Stewart Copeland était décidément un batteur fantastique), Mother, signé Andy Summers, fit d’emblée criser certains (petit malin, j’avais vite décelé la filiation avec King Crimson, vu que je m’étais offert peu de temps avant le disque de Summer avec Robert Fripp), Miss Gradenko était une friandise sympa, et la première face se terminait par une superbe variation de Synchronicity I, Synchronicity II.
Et puis l’on découvrit la seconde face.

Révélée dans sa géniale évidence. Dès la première écoute. Si, si.

Sting a ponctué ses albums solos de moult merveilles, mais l’enchaînement Every Breath You Take, King Of Pain, Wrapped Around Your Finger et Tea In Sahara nous avait laissé – et nous laisse toujours – pantois, chancelant, abasourdi, sidéré. Les mélodies et les paroles de Sting sont habitées, sa voix solaire, hyper-émotionnelle ; Andy Summers joue comme personne ; et Stewart Copeland n’a peut-être jamais aussi bien sonné sur disque, rivalisant d’invention à chaque mesure. Le mot “chef-d’œuvre” est à employer avec précaution, mais là, il me semble que…
PS : “Synchronicity” vient d’être réédité en version Super Deluxe.


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“Provision”
Scritti Politti
Virgin Records

1988

Trois ans après le formidable “Cupid & Psyche 85”, onze ans (!) avant le méconnu “Anomie & Bonhomie”, Green Gartside et David Gamson, alias Scritti Politti – aaah, les duos pop hyper créatifs des glorieuses années 1980 : Peter Cox + Richard Drummie = Go West, Roland Orzabal + Curt Smith = Tears For Fears… – avaient illuminé l’an de grâce 1988 avec “Provision”, sur lequel je m’étais précipité le jours de sa sortie parce que je savais qu’un certain Miles Davis jouait dessus, lui qui avait repris presque sans rien y changer Perfect Way dans “Tutu”, deux ans plus tôt (“Tutu” a d’ailleurs failli s’appeler “Perfect Way”).
Miles joue magnifiquement – comme d’habitude – sur Oh Patti (Don’t Feel Sorry For Loverboy), mais il y a évidemment moult autres chansons mémorables dans “Provision”, qui trente-six ans après passent toujours subtilement à travers les mailles du filet – à “Provision” bien sûr : ok je sors – stylistique, entre pop, soul et funk. Marcus Miller y fait généreusement claquer sa basse électrique (Bam Salute), ce qui n’est pas rien ; la production est une merveille d’équilibre sonore, les claviers sont en technicolor, les beats en ébullition : ça groove délicieusement, mais le songwriting n’est pas négligé pour autant.
À cette époque, G.G. & D.G. avaient c’est le moins qu’on puisse dire le vent en poupe. On lisait leur nom sur d’autres disques qu’on avait appris par cœur : “L Is For Lover” d’Al Jarreau et “Destiny” de Chaka Khan par exemple. (Plus tard, Gamson contribuera à deux chefs-d’œuvre de Meshell Ndgeocello, mais c’est une autre histoire.)

Et puis dis donc, il y a aussi l’incomparable Roger Troutman, qui fait groover sa talk box dans Boom ! There She Was et dans Sugar And Spice, et c’est aussi inoubliable que le solo de Miles Davis dans Oh Patti (Don’t Feel Sorry For Loverboy). On était gâté quand même…

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“Clube Da Esquina”
Milton Nascimento / Lô Borges
Odeon

1972

L’état du Minas Gerais, les “mines générales”, est riche en filons d’or – devrait-on plutôt dire “était” ? Il faudra que je me renseigne. On dit ses habitants moins extravertis que les Brésiliens de Rio de Janeiro ou de Bahia, plus « tranquilles, complexes et mystiques ». Quoiqu’il en soit, ils nous ont offert nombre de pépites avec, à leur tête, le génial Milton Nascimento, chanteur et compositeur hors norme. Les autres grands musiciens du cru ont pour nom Wagner Tiso, Toninho Horta, Fernando Brant ou encore Lô Borges ; c’est avec ce dernier que Milton Nascimento a enregistré notre Disquindispensable de ce matin, chef-d’œuvre absolu s’il en est, et bien sûr de nombreux amis, de Deodato à Robertinho Silva en passant par Paulo Moura.

Oserais-je l’avouer, j’ai souvent la gorge serrée quand j’écoute la fin de Cais, au moment où Milton Nascimento se met à jouer du piano en vocalisant : c’est, pour moi, et je ne suis forcément pas le seul à éprouver la même chose, l’un des moments de musique les plus poignants qui soient, lumineux et mélancolique à la fois, comme l’est souvent la musique de Milton Nascimento. (La coda de Um Gosto De Sol reprend ce thème sublime qui hantera tous ceux qui l’écouteront ne serait-ce qu’une fois.)
On dit que “Clube Da Esquina” est à la Musique Populaire Brésilienne ce que le double blanc des Beatles est à son pendant anglais. Nous sommes d’accord : comme ses compatriotes Caetano Veloso ou Giberto Gil, Milton Nascimento a grandi en écoutant à la radio la musique des Fab’ Four de Liverpool, et leur(s) influence(s) est grande. Mais il émane des vingt-et-une chansons de ce double album miraculeux (qui eut un tel succès que la presse brésilienne reprit son titre – en français, “le club du coin” – pour désigner Milton et sa bande) un telle sensualité évocatrice qu’on oublie vite toute forme de référence, pour se laisser posséder, à la vie à l’amour.

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“Belief”
Leon Parker
Columbia

1996

Une cymbale, un shaker, une conga, une cloche, des woodblocks, une grosse caisse, ensemble parfois, mais le plus souvent séparément, sollicités avec parcimonie, sensualité, amour, comme pour tirer le meilleur de chaque instrument, en extraire la sève vitale : Leon Parker incarne à merveille l’art du « less is more ».
Ce batteur pas comme les autres était dès 1994 entré dans notre univers via les premiers disques de Jacky Terrasson sur Blue Note, et plus encore, car il s’y révélait en vrai leader, dans “Above & Below”, son opus inaugural, supervisé par le grand producteur Joel Dorn, alias “The Masked Announcer” (visez son c.v. sur le net : il vous inspirera le respect), enregistré avec quelques jeunes qui montaient – Mark Turner, David Sanchez, Joshua Redman…
Mais son disque magique, inusable, intemporel, c’est bien “Belief”, toujours resté à portée de main depuis 1996, habité par les rythmes ancestraux de la Terre des femmes et des hommes, qui de l’Afrique aux Amériques n’ont jamais cessé de voyager, prenant possessions des corps et des esprits prompts à les magnifier.
Aux cotés (cœur) de Parker, le saxophoniste Steve Wilson, le trompettiste Tom Harrell (ah comme on l’aime lui) et les percussionnistes Natalie Cushman (qui chante aussi) et Adam Cruz, le tromboniste Steve Davis, la flûtiste Lisa Parker et le contrebassiste Ugonna Okegwo déploient moult trésors d’invention, font du bien nommé “Belief” une communauté, un village : tout un monde.

L’édition 2024 du festival, qui court du 10 au 22 septembre, concentre une rare diversité de styles, de formats et d’approche pour donner à l’actualité et de l’histoire du jazz les plus vives couleurs. Jazz Magazine est partenaire de l’événement.

Entre concerts, masterclasses, et événements immersifs, le festival s’ouvre avec un duo vibrant entre la trompettiste Airelle Besson et l’accordéoniste Lionel Suarez, suivi d’une soirée éclectique avec Musina Ebobissé et la flûtiste Naïssam Jalal, qui incarnera l’esprit du Jazz Off Colmar.

Le festival met à l’honneur la place des femmes dans le jazz avec une table ronde sur les inégalités de genre, suivie par la performance du Garance 4tet, puis un hommage au répertoire historique des Big Bands avec le Umlaut Big Band.

Le week-end est marqué par des événements originaux : une “murder party” (grand jeu d’énigme) en musique dédiée à Mary Lou Williams, et des performances de Marcel Loeffler, Julien Pinancier, Ballaké Sissoko et Vincent Segal qui naviguent entre swing, tango et musiques du monde.

La dernière semaine offre un panel de découvertes, du cinéma avec le formidable film Blue Giant (dont nous vous parlions il y a peu ici) à un hommage à Michel Hausser. Le festival se clôture sur une note inventive avec l’Orchestra Nazionale della Luna et des performances dansées et musicales dans le cadre des Journées du Patrimoine.

Les femmes sont au cœur du festival avec plusieurs moments dédiés, dont une performance improvisée par la danseuse Catherine Conreaux Feldmann et la contrebassiste Hélène Eschbach, ainsi qu’une soirée Jazz Migration mettant en lumière la créativité féminine avec Mamie Jotax.

Cette édition célèbre la diversité du jazz à travers des expériences artistiques variées, offrant un dialogue unique entre tradition et modernité, entre le passé et l’avenir du jazz.


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“A Love Supreme”
John Coltrane
Impulse

1965

Que dire qui n’ait pas été dit depuis 1965, l’année où parut ce chef-d’œuvre absolu ? Rappeler, peut-être, que derrière la console d’enregistrement officiait Rudy Van Gelder, l’un des plus grands ingénieurs du son de l’histoire du jazz. Qu’il fut produit par Bob Thiele, futur coauteur de What A Wonderful World de Louis Armstrong et fondateur du label Flying Dutchman, sur lequel un certain Gil Scott-Heron fit ses débuts en 1970.
On se souvient toujours de la première fois où l’on a écouté un chef-d’œuvre. On se revoit poser le saphir dans le sillon de la face 1 du 33-tours Impulse (racheté depuis plusieurs fois en CD, avec en point d’orgue la “Super Deluxe Edition” de 2015, “A Love Supreme : The Complete Masters”, avec les sessions en sextette du 10 décembre 1964 featuring Archie Shepp et le légendaire live du festival de jazz d’Antibes). On se souvient du choc, des premières notes qui s’échappent du saxophone ténor ; on avait deviné instantanément qu’elles resteraient en nous pour toujours. D’autres intros sublimes nous avaient fait le même effet : celles du Sacre du Printemps d’Igor Stravinsky, de So What de Miles Davis, de Nuages de Claude Debussy ou encore de What’s Going On de Marvin Gaye.
Puis les cymbales d’Elvin Jones, la contrebasse de Jimmy Garrison, le piano de McCoy Tyner : la musique nous entoura, prit possession de nous.
On a beau réécouter pour la centième fois “A Love Supreme : c’est toujours la première. Suprême l’amour, oui, et plus encore : infini.

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“Night And Day”
Joe Jackson
A&M Records

1982

Trois ans seulement s’étaient écoulés depuis la sortie de son premier album, “Look Sharp !”, en 1979, et Joe Jackson semblait déjà avoir vécu plusieurs vies d’artistes à la suite – et à la fois. On savait qu’on avait affaire à un musicien capable de se renouveler à chaque nouveau disque (quatre au compteur, déjà, en 1982), mais rien, ou presque, ne laissait présager une œuvre aussi ambitieuse et polystyle que “Night And Day”, premier album new-yorkais du natif de Burton upon Trent, 27 ans.
D’abord, la pochette : d’une rare élégance, rétro et moderne à la fois. Bleue et blanche. Nuit et jour. Irrésistible. Sur la première face, la “Night Side”, tout s’enchaînait-déchaînait comme par enchantement : Another World, Chinatown, T.V. Age, Target… Des percussions en veux-tu en voilà (Sue Hadjopoulos, maîtresse ès-salsa), pas de guitare, des claviers comme en technicolor, la voix swinguante, vive et habitée de Joe Jackson… Jusqu’à Steppin’ Out, l’un des plus belles chansons des années 1980, ces accords magiques, lumineux, teintés d’une certaine mélancolie. La perfection pop. La seconde face, la “Day Side”, mettait à jour, pour commencer, l’autre merveille du disque, Breaking Us In Two, trésor d’invention mélodique, pour finir par le subtilement mélodramatique A Slow Song, qu’avaient précédé Cancer (la salsa, encore la salsa) et l’épique Real Men, qu’on aurait juré extrait d’une comédie musicale on Broadway.
Deux ans plus tard vint “Body And Soul” et sa pochette inspirée par Sonny Rollins. Mais comme vous vous en doutez, ce fut une autre histoire…

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“Endtroducing”
DJ Shadow
MoWax

1996

Votre Disquindispensable d’hier, “Clube Da Esquina” de Milton Nascimento et Lô Borges, fait partie de ces œuvres en tous sens hors normes, au-delà des styles et, bien sûr, intemporelles. Il me semble qu’“Endtroducing” de DJ Shadow aussi. 
Je reviens régulièrement à cet album depuis sa parution, et je ressens à chaque fois la même impression : celle d’écouter une musique qui, malgré tout ce qu’elle doit à l’art du mix et à la culture hip-hop, m’emporte dans une sorte dimension parallèle où serait abolie toute forme de catégorisation, pour laisser libre cours à l’invention et surtout, place à l’émotion.
Car il émane d’“Endtroducing” une force d’attraction émotionnelle à nulle autre pareille. En mixant des disques pour la plupart introuvables et/ou inconnus, en architecturant des beats tous aussi sensuels qu’efficaces, DJ Shadow avait réussi à créer une musique inouïe, troublante, urbaine, crépusculaire, volontiers mélancolique, et pour tout dire géniale. 
Pour un coup d’essai, c’était un coup de maître, et même si j’aime beaucoup “The PrivatePress”, publié six ans plus tard, je dois avouer que la magie d’“Endtroducing” est insurpassable. ET à propos de catégories, je me suis toujours demandé pourquoi on ne trouvait jamais ce chef-d’œuvre des années dans les bacs hip-hop mais dans ceux dévoués aux musiques électroniques…

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John Martyn
“Solid Air”
Island Records
1973
“Grace & Danger”
Island Records
1973



Exceptionnellement, deux Disquindispensables ce matin, du même grand chanteur, guitariste, auteur et compositeur anglais, John Martyn, qui me semble en passe, hélas, d’être un peu oublié par les nouvelles générations – si je me trompe, j’en serais le premier ravi.
“Solid Air” est incontestablement son chef-d’œuvre, son disque le plus aimé et apprécié. Du jazz, du folk, du blues et même de la soul et du funk en fusion – écoutez Dreams By The Sea–, cet homme à la voix douce et plaintive à nulle autre pareille – son falsetto évoquait celui d’un de mes bluesmen préférés, Skip James, dont il transfigure I’d Rather Be The Devil – semblait tout connaître, tout vivre intensément, à fleur de peau et de cordes – celles de sa voix mais aussi de sa guitare. Ne pas être profondément ému par “Solid Air” me semble tout à fait impossible. Et si d’aventure vous ne l’étiez pas en l’écoutant, ce pourrait je l’avoue être un sujet – certes passager – de fâcherie.
Six ans plus tard, John Martyn travaillait cette fois avec son nouveau pote Phil Collins – en plein divorce lui aussi, et en passe de devenir une superstar planétaire –, qui non content de jouer magnifiquement de la batterie (ou de faire les chœurs dans Sweet Little Mystery), assurait la production et avait convié le claviériste Tommy Eyre et le bassiste John Giblin(Collins et lui s’étaient croisés au sein de Brand X). 
“Grace & Danger” n’est peut-être pas aussi aimé que “Solid Air”, mais c’est pourtant un disque passionnant et profondément original, pas moins hanté par le jazz et le spleen – voire la déprime – et qui révèle les talents de ses accompagnateurs : on goûtera au passage le jeu de Fender Rhodes de Tommy Eyre et la basse “pastoriussienne” de John Giblin – ah, ces contrechants dans Hurt In Your Heart