Bordeaux: Magma reste toujours Magma

Magma : Christian Vander (dm, voc), Thierry Eliez, Simon Goubert (clav, voc), Jimmy Top (elb), Rudy Blas (g), Hervé Aknin ( lead voc), Sylvie Fisichella, Isabelle Feuillebois, Laura Guaratto, Caroline Indjein (voc)
Production Le Rocher de Palmer, Le Femina, Bordeaux (33000), 3 avril

Un demi siècle d’existence. Toujours cette même impression d’avoir devant les yeux une machine produisant un son énorme, puissant dans sa fabrication in vivo. Compact. Dans une telle architecture de masse on retrouve en ornementation, en surimpression des voix portées hautes, volant en tutti. Elles s’inscrivent comme autant de points d’exclamation. Question couleur dominante que du noir en scène, évidemment, sur lequel s’impose le sigle rouge piqué de toutes ses pointes. Déterminant également le rôle des deux claviers, deux musiciens de jazz traitants des touches noires et blanches en sonorités électriques, jaillies elles en base de couleurs mouvantes. Christian Vander, 77 ans, tient le tempo. Donc l’édifice, la baraque et la baraka toujours de l’entité Magma. Aucune coupure, le silence demeure hors champ. Le public des fidèles respecte les épisode de la saga offerte en fil rouge et noir qui retrace les petits cailloux diamants laissés sur la route d’un groupe unique. Mythique. Lequel faut-il le préciser dès les seventies -et jusqu’à ce jour- avait déjà scellé sa légende. « Kohntarkosz Anteria enchaine ses parties 1, 2 et 3. Les climats se succèdent en fondus enchaînés. Mais tous susceptibles de tomber en mode abyme sonore sous les ruptures soudaines qui se suivent telle une tranchante ponctuation en acier trempé. Les voix ne restent jamais très élioignées du propos général. Les effets de chœur nés de l’écriture savante, précise signée Vander reviennent en phase d’échanges réguliers à partir notamment de tonalité féminines notoires lancées au poinçon dans le registre des aiguës. Le vagues préparées, construites, ordonnées dans une écriture originale se suivent inexorablement. Constat: Magma reste Magma. Les fans très à l’écoute reçoivent ainsi servi à la perfection leur récit de référence ancré dans la mythologie vandérienne et kobaïenne.

Au beau milieu de cette trilogie titrée en kobaien , hors champ de toute voix s’impose la poussée d’une basse métronomique, souris les doigts d’un Top encore et toujours, plus le Janik originel, non, mais son fils Jimmy, expression copie conforme, lequel plante tous les temps à coup de noires répétées à satiété comme autant de notes destinées à rebondir pour se fixer sur un mur. Ce schéma de découpe infernale se trouve relayé par les deux claviers conjugués en saturation totale. On vit un moment de musique électrique à haute tension. Une heure non stop. D’abord comme abasourdi via deux secondes de silence le public tonne sous les battements de mains. Et ce malgré le coup au plexus prolongé d’un niveau sonore extrême.

Seconde mi-temps du match magmaien en terrain bordelais. Surprise: les deux pianos électriques célèbrent un thème de Michel Grallier « Auroville » magnifiant l’écriture fine, brillante, d’un des musiciens originels de Magma, superbe pianiste de jazz par ailleurs. Simon Goubert au piano Fender égrène de belles notes arpégées. Thierry Elliez sur un même instrument vient y greffer un chant, un hymne lent fort d’un étonnant son de Moog. « Félicité Thosz », « The Night we died », « Ehn Deiss » portent la griffe de la musique du groupe, densité, architecture complexe, jeu sur le contraste des lignes tracées, des angles choisis pour l’injection des instruments. Pourtant au sein de telles joutes à effet miroir portant à l’incandescence sinon à une certaine violence dans le propos musical, le jeu des choeurs, le rôle des voix (jusque à six en simultané) apporte de l’apaisement. Du beau simple dans le dur du décor.
Au final, manière d’offertoire toujours présent dans la cérémonie made in Magma, Christian Vander quittant sa batterie tour de contrôle s’avance seul sur le devant de la scène. Son chant jaillit alors dans le jet d’une voix soudain adoucie avec contrechant de guitare et chœur reformé au complet en accompagnement. Decrescendo notable en mode d’Instant de plénitude.

Au présent comme au passé (pas si simple), Magma reste toujours Magma. Visiblement les aficionados inconditionnels de toujours à Bordeaux comme ailleurs ne se demandent pas jusque à quand.
Robert Latxague
