La première partie de ce grand entretien avec Emmanuel Bex est à lire dans le nouveau numéro de Jazz Magazine. Mais au micro de Pascal Anquetil, l’intarissable organiste est revenu sur le “making of” de son nouvel album (Choc Jazz Magazine dans notre prochain numéro)
Par Pascal Anquetil
Êtes-vous très attaché à l’idée de transmission ?
Bien sûr. Eddy m’a transmis des choses essentielles. A mon tour d’en faire autant. Non pas sur le modèle de l’hommage. Dans ce mot il manque la dimension du jeu. J’avais l’idée du projet. Il me fallait trouver un titre. Finalement l’assonance “Eddy m’a dit” m’a semblé évidente. Je savais d’où je partais, en me laissant toute la liberté que je souhaitais pour exprimer ma gratitude et admiration envers Eddy. J’aime l’idée que la musique soit transmissible directement. C’est pourquoi dans ce projet la présence à mes côtés à la batterie de mon fils Tristan, trente ans, et de son copain d’enfance Antonin Fresson, le fils de notre voisin à Saint Denis, a pour moi une signification importante. Antonin a appris le jazz avec moi. Il a débarqué un jour à la maison à l’âge de douze ans avec sa guitare sèche pour me demander s’il pouvait jouer Autumn Leaves. Avec lui je ne pouvais pas imaginer proximité plus grande et empreinte écologique plus faible. Zéro carbone ! Avant d’aller chercher très loin, ne faut-il pas mieux regarder ce qui se passe d’abord autour de vous ?
Comme est née la Grande Soufflerie, la Multicolor Feeling Fanfare version Bex ?
Une fois encore tout près de chez nous, en puisant dans les forces locales de ma ville de Sant Denis où avec ma femme Sophie nous animons un jazz club. Je suis parti de l’idée que si c’est bien de proposer de la musique vivante, c’est mieux d’en faire. J’ai donc dit au public que j’étais disponible pour partager quelque chose de concret avec ceux qui le souhaitaient. Très vite des candidats se sont signalés. Au départ on était limité à une quinzaine de personnes parce que nos répétitions se déroulaient dans le salon de notre maison. A chaque fois il nous fallait tout déménager dans le jardin pour accueillir tout le monde. Heureusement on a pu disposer d’une grande salle et ainsi agrandir notre fanfare qui compte aujourd’hui 25 membres. On se voit un dimanche par mois toute la journée. Je ne les lâche qu’en fin d’après-midi quand ils n’en peuvent plus. Pour l’enregistrement de deux morceaux avec la fanfare, Les Éléphants et Come On DH, comme nous n’étions pas assez nombreux, j’ai renforcé l’ensemble avec la fanfare du Carreau que dirige le tromboniste Fidel Fourneyron. Quand soixante musiciens ont débarqué aux studios Sextan, Vincent Mahey fut pris de panique, persuadé qu’il serait impossible de faire rentrer tout le monde dans son studio. Et pourtant, on a réussi !
Avec Simon Goubert à la batterie et Dominique Pifarely au violon, avez-vous voulu évoquer sur deux titres le légendaire trio HLP, à savoir Humair-Louiss-Ponty ?
Bien entendu, c’est un clin d’œil. J’ai noué avec Simon une telle complicité immédiate qu’il était pour moi obligatoire qu’il soit derrière la batterie. Quant à Pif, je le connais aussi depuis longtemps. On a fait partie de la Bande à Badault pendant les mêmes années où il jouait lui-même dans l’orchestre d’Eddy Louiss. Il a ensuite complément changé de direction pour partir défricher des territoires musicaux plus contemporains. Quand il a débarqué au studio, il était, je dois le dire, quelque peu inquiet. Je n’avais pas saisi qu’il lui faudrait un peu de temps pour nous rejoindre Simon et moi. Ce qu’il a très vite fait magnifiquement. C’est un musicien génial. Cela m’a fait plaisir de savoir qu’il avait fait partie de l’histoire d’Eddy Louiss. Tout cela rajoutait du sens à notre aventure.
Quel orgue avez-vous utilisé pour l’enregistrement du disque ?
Le premier jour de la séance j’avais choisi un orgue italien, une déclinaison plutôt réussie de l’Hammond, sur lequel j’ai l’habitude de jouer. Après quelques minutes d’enregistrement, j’ai compris que ce n’était pas une bonne idée de jouer sur un tel instrument. Je suis reparti chez moi chercher l’orgue Hammond qui dormait dans mon salon et que j’avais acheté en 1985. Le même modèle transportable qu’avait Eddy.
Quel rôle a joué le producteur Vincent Mahey dans la réussite de l’album ?
Je tiens à souligner que sa réalisation dépend énormément du désir et du talent de mon ami Vincent Mahey. Entre 1995 et 2000, ce sorcier du son a produit pour son label Pee Wee quatre albums sous mon nom dont “Steel Bex” et “Mauve”. Pendant près de vingt ans il avait arrêté toute production phonographique. Quand il a décidé en 2021 de reprendre cette activité il m’a dit : « Tu fais partie des musiciens avec lesquels j’ai le plus travaillé. Il faut qu’on recommence et qu’on enregistre un nouvel opus. » Je vais y réfléchir, lui ai-je répondu. A vrai dire, je n’avais aucune nouvelle idée en tête. Tous les trois mois il me relançait pour savoir si j’avais enfin accouché d’une idée d’album. Quand, l’année dernière, j’ai eu l’illumination d’“Eddy m’a dit”, Je l’ai appelé immédiatement au téléphone pour lui soumettre mon projet. Il m’a répondu : « Ouf ! C’est exactement le sujet d’album que j’attendais que tu me proposes. »
Comment sera décliné sur scène ce projet… louissianais ?
De deux façons différentes. Avec une première partie juste en formule trio orgue/guitare/batterie en compagnie de Tristan et d’Antonin, et, après entr’acte, un second set avec une harmonie locale pour laquelle j’ai déjà écrit cinq arrangements d’une durée de cinquante minutes environ. Grosso modo, je prends le début d’un morceau comme Come On DH, j’introduis au milieu des éléments qui viennent de moi et je reprends la fin comme dans la Multicolor Feeling Fanfare. Ainsi le 4 avril en Alsace, à la Briquerie, je vais tester ce nouveau répertoire avec l’harmonie de Schiltigheim. Je leur ai envoyé par avance les partitions pour qu’ils puissent travailler en amont. Je vais ensuite les voir une fois pendant leur préparation pour vérifier qu’on est raccord. Je les retrouverai finalement la veille du concert pour une ultime répétition. Voilà une formule que j’espère pouvoir expérimenter avec de nombreuses autres harmonies en France. On est avec ce projet vraiment dans l’idée de partage. Comme dans la fanfare d’Eddy, il n’y a plus de frontières entre amateurs et professionnels, jeunes et vieux. Il y a seulement une communauté de personnes bien décidées à faire la fête. Le monde est aujourd’hui assez gris comme ça pour se priver du plaisir de s’amuser à des jeux aussi gais et joyeux. De jouer du jazz avec deux z comme Louiss avec deux s.
A la mort de Django Reinhardt un Manouche avait dit à Frank Ténot : “Tu verras mon frère, maintenant tu l’écouteras tous les jours et tous les jours il jouera de mieux en mieux.” Dix ans après sa disparition, peut-on faire la même prédiction avec Eddy Louiss ?
J’aime bien l’expression de mieux en mieux. Mais mieux jouer, je ne sais pas ce que cela veut dire. Dans l’album, à la toute fin d’Español, on entend la voix de Bernard Lubat qui évoque en deux phrases les chaudes soirées au Ronnie Scott’s à Londres avec Stan Getz. « Dans une espèce de détachement et de liberté, dit-il, on jouait tous les soirs sans se soucier de la finalité du projet. Rien à secouer de savoir si on jouait bien ou pas bien ». En revanche, entendre de mieux en mieux Eddy Louiss aujourd’hui, cela je le crois, comme reconnaître qu’il est l’un des musiciens les plus emblématiques que la France ait donné au jazz.
Photo © Jean-Baptiste Millot
Entre 1980 et 1984, l’association Al Jarreau / Jay Graydon donne naissance à quatre albums parfaits. Le légendaire producteur nous raconte cet âge d’or.
« C’est vrai, je suis du genre perfectionniste… cela ne veut pas dire que tout doit être parfait, mais plutôt que je veux que tout sonne au mieux, pour le plus grand bonheur de l’auditeur. Cela doit rester sensible, humain. » Quand Graydon rencontre Al, il veut saisir cette opportunité pour offrir au plus grand nombre ce jazz-pop-funk qui lui tient tant à cœur. « C’était très important pour moi. J’ai refusé beaucoup de gigs pendant cette période pour faire tous les ans, un album avec Al. Et nous avons travaillé dur ! » Les séances de studio se prolongent tard dans la nuit, et l’enregistrement des voix fait l’objet d’une attention obsessionnelle.
Si nous découvrons alors un “son Graydon”, c’est parce que le producteur est également guitariste, et ingénieur du son de ces séances. « Dans “Blue Desert”, l’album du chanteur Marc Jordan que j’avais produit juste avant “This Time” avec la même équipe de musiciens, je m’exprimais largement à la guitare, en solo. Mais avec Al, les chansons s’en passaient très bien. Je me demandais toujours : “De quoi cette chanson a-t-elle besoin ?” Et je choisissais les musiciens en fonction de son feeling, de son groove. Tous ces gars étaient extraordinaires, mais j’avais mes préférences selon les morceaux. Pour Mornin’ par exemple, à la batterie, ça devait être Jeff Porcaro parce qu’il maîtrise le rythme shuffle du funk comme personne. Je l’avais également choisi pour Boogie Down, mais comme il était indisponible, c’est Steve Gadd qui a assuré la partie de batterie… magnifiquement ! »
La touche finale de ces séances d’enregistrement, c’est toujours l’ajout des cuivres orchestrés par le trompettiste Jerry Hey. Voix et sections rythmiques (souvent Tom Canning ou David Foster, Abe Laboriel et Steve Gadd ou Jeff Porcaro) étaient déjà finalisées, et Hey s’appuyait sur les parties de claviers pour écrire ses partitions. Cela lui permettait de rester en symbiose avec ce qui était joué, sans surcharger le son. Evidemment lorsqu’Al Jarreau et Tom Canning découvraient les versions “cuivrées” des chansons qu’ils avaient composées avec Jay (Roof Garden ou Step By Step, pour ne citer que deux titres aux arrangements particulièrement jubilatoires), ils nageaient en plein bonheur. « Jerry, Gary Grant et Chuck Findley aux trompettes, Bill Reichenbach et Lew McCreary aux trombones, ces mecs-là étaient les meilleurs du monde ! Le son d’un saxophone dans une section de cuivres peut être très utile, mais moi je voulais des cuivres qui pètent : trois trompettes et deux trombones, c’était l’idéal. »
Des chansons intemporelles, avant que le duo Jarreau / Graydon ne plonge au cœur des années 1980… « Notre quatrième album, “High Crime”, a moins bien fonctionné que nous l’espérions. À l’époque, tout le monde utilisait des boîtes à rythme, des séquenceurs, et j’ai voulu m’y coller ». Plusieurs batteurs totalement inconnus ont collaboré à cet album, et on n’entendra plus jamais parler de Skinsoh Umar ou de Tubs Margranate. Et pour cause : leurs noms ont été inventés pour l’occasion, la batterie étant remplacée par des programmations. Bienvenue dans l’ère des machines ! La prise de risque était grande, et certains fans de la première heure ne se sont pas remis du robotique Raging Waters, qui ouvre l’album avec ses guitares rock FM agressives. Cela n’empêche nullement le chanteur de s’amuser, et confrontée aux rythmes électroniques, sa voix fait des étincelles ! « J’aurais aimé faire un autre album complet avec lui, mais Al a préféré suivre une autre direction. C’était tellement facile de s’entendre avec lui, il était toujours volontaire dans le travail. Et c’était un homme bien, une belle personne ! »
À écouter
Al Jarreau : “This Time”, “Breakin’ Away”, “Jarreau”, “High Crime” (Warner Bros. Records, 1980-1984
Marc Jordan : “Blue Desert” (Warner Bros. Records, 1979).
Remerciements chaleureux à Philippe Poudensan.
Il est de toutes les musiques, et dans les disques des autres aussi, car Al Jarreau n’était pas du genre à refuser une invitation. Voici vingt titres enchanteurs que vous ne trouverez pas dans la discographie d’Al Jarreau. Sélection.

Titre Sophisticated Lady
Artiste J.R. Monterose
Album Live At The Tender Trap
Fresh Sound Records, 196Première apparition publique d’un jeune chanteur dans un club de l’Iowa où il se produira régulièrement jusqu’en 1965 (le Tender Trap verra également débuter David Sanborn). Il rejoint le solide quartette du saxophoniste hard-bop J.R. Monterose pour une poignée de standards. Tout en retenue, Alwyn cherche son style.

If I Ever Loose That Heaven
Quincy Jones
Body Heat
A&M, 1974
« Au bout de quelques minutes d’écoute, je réalise que ces percussions sont en réalité une voix humaine ! Cela m’a ouvert de nouveaux horizons », se souvient Bobby McFerrin, 24 ans lorsqu’il découvre cette pépite soul à la troublante sensualité. Les voix de Minnie Ripperton et Leon Ware y sont donc soutenues par un étonnant “percussionniste vocal” alors inconnu du grand public.

Hot New Blues
Chick Corea
Secret Agent
Polydor , 1978
Un faux chœur gospel féminin (entièrement chanté par l’épouse de Corea, Gayle Moran), un démarrage cool blues soudain rattrapé par un esprit fusion, un solo de synthétiseur en folie, une composition qui se complexifie et pousse le chanteur dans ses retranchements, entre voix de fausset et rare descente dans l’hyper-grave. À (re)découvrir d’urgence !

Carry On
Flora Purim
Carry On
Warner Bros. Records, 1979
La chanteuse des débuts de Return To Forever réconcilie rythmes brésiliens et disco dans ce titre composé et produit par George Duke. Duo magique avec Jarreau, dont la voix se mélange aux percussions de Sheila Escovedo et Airto Moreira. Irrésistible.

Your Precious Love
Al Jarreau & Randy Crawford
Casino Lights
Warner Bros. Records, 1982
Duo vocal d’une infinie tendresse sur la scène du Casino de Montreux, soutenu par la crème des musiciens Warner de l’époque (avec un solo de Larry Carlton gorgé de feeling). Al Jarreau a trouvé en Randy Crawford, fantastique chanteuse soul, une partenaire idéale.

Girls Know How
Nightshift Movie Soundtrack
Warner Bros. Records, 1982
La ritournelle simple et entêtante est de Burt Bacharah, la production de Jay Graydon, le gratin de la pop west coast est dans la place (les indispensables David Foster, Jeff Porcaro, Jerry Hey, les choristes Richard Page et Steve George). Un délicieux inédit de l’album Breaki’ Away ? Non la musique d’une comédie romantique oubliée de Ron Howard…

Bet Cha Say That To All The Girls
Sister Sledge
Bet Cha Say That To All the Girls
Atlantic, 1983
C’est George Duke, producteur de l’album, qui a l’idée de proposer à Al de venir rapper sur le disco-funk de Sister Sledge… Oui, vous avez bien lu, ici notre chanteur se transforme en MC, et s’amuse comme un fou à scander son texte sur fond de drums machines programmées par Duke.

Since I Fell For You
Bob James & David Sanborn
Double Vision
Warner Bros. Records, 1986
Al Jarreau a-t-il un jour mieux chanté que dans cette reprise d’un vieux blues de Buddy Johnson ? C’est surtout l’alchimie quasi-surnaturelle de ses échanges avec Sanborn qui impressionne. « Nous allions de surprise en surprise, et si Al chantait comme un instrumentiste, j’aimais jouer du saxophone “comme un chanteur”. Nous passions tous deux d’un monde à l’autre, et nous nous comprenions si bien ! » racontera Sanborn.

Moonlighting (Theme)
Al Jarreau
Maxi Single WEA, 1987
« Le meilleur album que j’ai produit et qui ne s’est pas vendu »’ : c’est ainsi que Nile Rodgers évoque le très réussi “L Is For Lover”, probablement l’enregistrement le plus pop d’Al Jarreau. La chanson Moonlighting, BO d’une célèbre série TV (souvenez-vous, les blagues de Bruce Willis et le glamour de Cybill Shepherd !), fut retirée de l’album juste avant sa publication, Al et Nile ne la trouvant pas au niveau des autres titres. Et elle devint vite l’un des thèmes les plus connus du chanteur ! Préférons la version longue, parue dans le maxi-45 tours de 87, pour l’impro scattée finale de Jarreau.
You Send Me
Hiram Bullock
Give It What You Got
Atlantic Jazz , 1987
Jarreau retrouve ici le guitariste le plus fun(ky) de la planète, camarade occasionnel sur scène où ils partagent la même énergie joyeuse. Et en offrant ce remake soul et soyeux du premier succès de Sam Cooke, ils cherchent avant tout à se faire plaisir. Plaisir communicatif !
Never Explain Love
Do The Right Thing Movie Soundtrack
Motown, 1989
Dans ce film majeur de Spike Lee, la nom d’Al Jarreau est entonné par le DJ joué par Samuel L. Jackson parmi quelques légendes de la musique afro-américaine. Contrastant avec le crescendo de violence de l’intrigue, Al Jarreau interprète de sa voix caressante cette chanson romantique qui accompagne le générique de fin, secondé par de superbes arrangements de cordes signés Clare Fisher.
Freddie Freeloader
Jon Hendricks & Friends
Listen To Monk
Denon, 1990
Renversante jam session autour du Rhythm-A-Ning de Thelonious Monk. Hendricks raconte : « J’ai simplement laissé les micros allumés pendant une pause dans l’enregistrement de Freddie Freeloader, suggéré à George (Benson) et Al (Jarreau) de “s’amuser un peu”, donné à Tommy Flanagan quelques instructions qui nous ont lancés en orbite dans ce qui est l’une des performances de chant scat les plus fantastiques de l’histoire… d’autant plus que personne ne savait qu’il était enregistré ! »
Blue Skies
Glengarry Glen Ross Soundtrack
Elektra, 1992
Dès les premières secondes, John Patitucci et Peter Erskine annoncent la couleur : cette ballade jadis popularisée par Frank Sinatra sera jouée à un rythme d’enfer. Enregistré live et en une seule prise, c’est bien un des chefs-d’oeuvre cachés de la discographie d’Al Jarreau, une folle performance où s’entend son amour pour Betty Carter.
Symphonie n° 4
Lou Harrison
A Portrait
Decca, 1997
Que fait Al Jarreau dans une symphonie composée par un élève hippie de Schönberg, confrère de John Cage, amoureux du gamelan javanais ? Tour à tour chanteur et narrateur, il livre une interprétation très contrôlée. Il se fait conteur de légendes traditionnelles Navajo, d’une voix claire et expressive. Puis interprète virtuose de longues sections mélodiques pentatoniques, naissant du bourdonnement d’instruments à percussion. Décidément dans son élément dans tous les univers !
Waters Of March
Lee Ritenour
A Twist Of Jobim
I.E. Music, 1997
Jarreau ne ratait jamais une occasion de déclarer sa flamme à la musique brésilienne. En duo avec la chanteuse soul Oletta Adams (surtout connue pour ses collaborations avec le groupe Tears For Fears), dans le bel écrin d’une production Ritenour, Al rend hommage à un de ses maîtres compositeurs, Antonio Carlos Jobim, avec une infinie délicatesse.
My Funny Valentine
Michael Patches Stewart
Penetration
Hip Bop Records, 1998
Il en parlait depuis quinze ans… Al jarreau souhaitait enregistrer le classique de Rogers & Hart. S’il accepte l’invitation du trompettiste (et ancien membre régulier de sa formation) Patches Stewart, c’est parce que cette version ne ressemble à aucune autre, audacieusement arrangée par le génial producteur et claviériste Jim Beard. La qualité de jeu est exceptionnelle (Kenny Garrett est là aussi), et ça sonne résolument contemporain, avec ces boucles de batterie électronique de Zach Danziger, dans une mouvance drums’n’bass. A écouter toutes affaires cessantes.
Whisper Not
Benny Golson
New Time New Tet
Concord, 2009
Popularisée par les Jazz Messengers en 1956, la mélodie addictive du saxophoniste semblait murmurée, comme une confidence, dans sa version d’origine. Jarreau s’en empare avec respect et retenue, sonnant vraiment comme un saxophone (il se substitue à Golson, et c’est d’ailleurs l’excellent trompettiste Eddie Henderson qui assure le solo).
Excellent Adventure
Al Jarreau
The Very Best Of Al Jarreau
Rhino Records, 2009
Titre inédit paru dans une compilation, une composition purement Jarreau (joie, swing et fantaisie), mais ce qui change ici est le son quasi hip-hop, avec la production de la paire Ahmir « ?uestlove » Thompson/James Poyser, ex-The Roots. Le mariage est si réussi qu’on se prend à regretter qu’il ne se soit pas prolongé sur tout un album.
Double Face
Eumir Deodato
The Crossing
Expansion, 2011
Navigant entre la bossa, le jazz et la pop depuis ses glorieuses années 1970, Deodato était pour Al Jarreau le partenaire rêvé. Groove entraînant, mélodie rafraîchissante, chouette solo de Rhodes et scat impeccable, le chanteur retrouvait ici une nouvelle jeunesse, et le single remporta un certain succès pendant l’été 2011.