Emerson, Lake & Powell, le prog par 3
En 1986, Keith Emerson et Greg Lake s’étaient retrouvés pour former un nouveau trio avec… Carl Palmer ? Non, Cozy Powell ! Leur seul et unique album ressort en coffret : “Emerson, Lake & Powell The Complete Collection”.
Par Julien Ferté
Huit ans après le mal aimé “Love Beach”, dernier album d’Emerson, Lake & Palmer avant leur reformation de 1992, le claviériste et organiste virtuose Keith Emerson et du chanteur et bassiste Greg Lake de mettre entre parenthèse leurs aventures en solo : le premier composait principalement des musiques de film, dont celles d’Inferno de Dario Argento et de Nighthawks (Les Faucons de la nuit) de Bruce Malmuth, pas inintéressantes ; le second avait enchaîné deux excellents albums, “Greg Lake” en 1981 et “Manœuvres” en 1983 (avec Gary Moore, Ted McKenna, Jeff Porcaro, Steve Lukather…). Mais c’est surtout Carl Palmer qui, avec le super group Asia, avait de nouveau atteint les cimes artistiques et commerciales, notamment avec les deux premiers albums du groupe, “Asia” en 1982 et “Alpha” en 1983.
Ainsi, en 1986, Emerson et Lake décident de retravailler ensemble. Palmer est partant, mais les délais imposés par ses deux camarades l’empêchent in fine de les rejoindre. À l’époque, quand le nouveau line up du trio fut annoncé et que l’on apprit que Cozy Powell avait eu le gig à la place de Carl Palmer, les blagues s’étaient mises à fuser : « Et Ringo Parr, tu crois qu’il a passé une audition ? Non, mais Phil Pollins si… » Reste que l’on aurait tout à fait pu imaginer Simon Phillips, Neil Peart ou même Jeff Porcaro derrière les fûts, mais ces messieurs étaient très occupés, tandis que Cozy Powell, lui, venait de quitter Whitesnake – faut-il rappeler que dans les années précédentes il avait marqué de son empreinte le Jeff Beck Group, Rainbow, le Michael Schenker Group, et publié trois albums solos très réussis ?
À la grande surprise de ceux qui voyaient dans cet assemblage inattendu de trois poids lourds du prog et du heavy rock rien d’autre qu’une idée farfelue, “Emerson, Lake & Powell” se révéla être une grande réussite, paru à une époque où le prog rock n’était pourtant plus en odeur de sainteté – quoique : via des groupes comme Marillion, il revenait malgré tout en grâce.
Du pétéradant The Score en ouverture au délirant Mars, The Bringer Of War en conclusion en passant par les très mélodiques Learning To Fly et Love Blind, le puissant Touch And Go et le jazzy Step Aside, les trois musiciens sont aussi inspirés que complémentaires. Emerson déploie sa science des claviers, la voix de Lake porte loin et fort, et Powell n’a peut-être jamais aussi bien joué : ça frappe dur, très dur, mais avec cette inimitable élégance virile.
Comme on pouvait le craindre, l’association de ces trois fortes personnalités ne survivra pas à leur seule et unique tourée américaine, et Carl Palmer retrouvera donc sa place six ans plus tard…
En plus de l’album original superbement remasterisé et augmenté de trois bonus tracks – une reprise instrumentale dantesque de The Loco-Motion de Carole King (!), Vacant Possession et le single edit de The Score –, le coffret trois CD “Emerson, Lake & Powell : The Complete Collection” contient le CD “The Sprocket Sessions” (de passionnantes répétitions) et un CD “Live In Concert”, déjà parus il y a une quinzaine d’années mais difficiles à trouver. On soulignera aussi la qualité des liner notes de Jerry Ewing, collaborateur de Prog Magazine.
Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, voilà que sort aussi le coffret “Fanfare For The Common Man” (superbe design) de Carl Palmer : trois CD truffés de titres starring le batteur virtuose (avec Emerson, Lake & Palmer, The Craig, Atomic Rooster, Mike Oldfield, Asia, 3, Carl Palmer Band…), un blu-ray avec un documentaire foutraque (non sous-titré…) et, surtout, l’autobiographie du batteur, 200 pages d’anecdotes livrées sans fard dans un style direct.
Enfin, les complétistes pourront aussi se procurer le coffret “Variations”, qui réunit en vingt CD la totale de aventures solos de Keith Emerson qui, hélas, s’est suicidé le 11 mars 2016 – le 7 décembre de la même année, Greg Lake succombait d’un cancer du pancréas, tandis que Cozy Powell avait le premier tiré sa révérence le 5 avril 1998 en se tuant au volant de sa Saab 9000. Fin d’une époque.
COFFRETS
Emerson, Lake & Powell : “The Complete Collection” (Manticore Records / Spirit Of Unicorn / Cherry Red).
Carl Palmer : “Fanfare For The Common Man” (BMG).
Keith Emerson : “Variations” (Spirit Of Unicorn).